La genèse de la crise

Depuis
Août 2007, le système financier mondial s’est disloqué et nombre de ses
différents compartiments sont, tour à tour, affectés par la crise.
Avant
de proposer des solutions, il est nécessaire de bien comprendre les
causes de cette crise. Ces causes seraient globalement au nombre de
trois :
1. Abondance globale de liquidités et une perte du sens du risque
2. L’abus de la titrisation et ses conséquences
3. L’environnement réglementaire et comptable

1. Pourquoi les banques centrales ont-elles laissé la liquidité exploser ?

• La modération des prix à la consommation :
Favorisé
par les innovations technologiques et par les importations de biens et
services à bas coût de main d’œuvre en provenance des pays émergents,
la modération des prix à la consommation a incité peut être les
responsables de la politique monétaire à baisser la garde. De fait, il
s’en est suivi une politique monétaire moins rigoureuse d’autant plus
que la croissance était bonne et l’inflation modérée.


La forte inflation des actifs (immobiliers, actions, obligations,
matières premières, …) n’a pas été suffisamment prise en compte par les
Banques Centrales.

• Le dérèglement du système monétaire international :
Les
USA ont pris l’habitude, depuis des années, de financer leur
consommation à crédit. Ainsi, les déficits extérieurs américains ont
été systématiquement financés par les excédents commerciaux du Japon et
des pays émergents. Ce qui a abouti à une accumulation sans précédent
de réserves en dollar chez les pays émergents. Ceci est un facteur
direct de croissance de la liquidité mondiale.

• La perte du sens du risque :
L’exemple
type démontrant la perte du sens du risque est celui des Subprimes («
AAA »). En effet, trop de liquidités, des taux d’intérêts faibles et
une sous-estimation du risque amplifié par les ratings trop optimistes
délivrés par les agences de notation, a été le déclencheur de la crise
financière à l’été 2007.

Mais cette crise présente des aspects spécifiques qui expliquent

notamment sa gravité exceptionnelle.


2. L’abus de la titrisation et ses conséquences

Il
semble que le mécanisme de titrisation, qui a certes contribué à la
croissance mondiale de ces dernières années, s’est accompagné d’une
sophistication des produits financiers. Avant août 2007, on a considéré
que la titrisation dispersait le risque entre de nombreux investisseurs
de par le monde, ce qui devait renforcer la solidité du système
bancaire.

• Sortie du bilan des banques :
La
titrisation a poussé, via des produits financiers de plus en plus
complexes, à accorder moins d’attention aux crédits accordés puisque
ces risques n’étaient ensuite plus conservés dans le bilan des banques
prêteuses.

• Effet de levier opaque et excessif :
La
titrisation a contribué au développement d’un « vaste système bancaire
parallèle » non contrôlé : les banques, soumises à des rations
réglementaires, ont trouvé des investisseurs désireux de profiter de
rémunérations élevées et qui n’étaient pas soumis à des règles
prudentielles. (ex : les Hedge Funds et autres véhicules). Une banque
ne peut prêter que 12,5 fois ses fonds propres. Ces investisseurs, eux
non ! (x20, x30, x50, …). Et cela dans un monde de liquidité abondante.
C’est le caractère opaque et excessif de cet effet de levier qui a été
l’une des faiblesses les plus graves du système. Or, lorsqu’il n’y a
aucun défaut, tout se passe bien. C’est le « subprime » qui a été
l’étincelle mettant le feu aux poudres. Tous les investisseurs se sont
mis à vendre ne sachant pas toujours ce qu’ils avaient dans leurs
portefeuilles. Les banques, qui croyaient s’être défaites de crédits
risqués et coûteux en fonds propres, sont aujourd’hui tenues d’en
reprendre une grande partie à leur bilan. D’où une « réintermédiation
involontaire » qui a pour conséquence évidente de limiter les nouveaux
accords de crédits.

La titrisation a finalement distribué la peur au lieu de disperser le risque.


3.
Les aspects techniques n’ont pu se développer à une telle échelle que
dans un contexte réglementaire et comptable favorable

• En quoi les dispositions réglementaires ont-elles permis le développement d’un « système bancaire parallèle » ?
Bâle
II qui veille à ce que les banques ne prennent pas des risques
excessifs au regard de leurs fonds propres prudentiels ne concerne pas
les autres acteurs du « système bancaire parallèle », à la différence
des Hedge Funds, investisseurs de toute nature dont des sociétés
d’assurances échappant au contrôle bancaire. Les banques parallèles
étant souvent sous-capitalisées par rapport à leur prise de risque
étaient tributaires des marchés pour assurer leur liquidité de
refinancement court-terme. Ces « non-banques », lors du tarissement de
la liquidité, ont subi de plein fouet la crise.

• La notation des produits complexes a été défectueuse :
Nous
avons assisté à un conflit d’intérêt puisque les agences de notation
étaient rémunérées pour les ratings qu’elles donnaient aux institutions
financière clientes.

• Les règles comptables :
La
« fair value » (la juste valeur) depuis 1993 aux USA, puis avec
quelques modifications ces dernières années en Europe a conduit :


à augmenter fortement les actifs détenus par les banques et donc leur
capacité à prêter sans détérioration de leurs ratios de solvabilité.


Mais a provoqué l’effet inverse lorsque le marché s’est retourné alors
qu’au même moment la réintermédiation provoquait des exigences
réglementaires nouvelles obligeant les banques à réduire leurs crédits
pour satisfaire leur ratio de solvabilité. Ce « credit-crunch » a
aggravé les effets de la crise financière sur l’économie réelle.


En cumulant l’effet procyclique de la « fair value », de Bâle II et du
tarissement de la liquidité, nous comprenons la gravité exceptionnelle
de la crise que nous vivons aujourd’hui.

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