Un Allemand en Provence

Günter Verheugen de michaelthurm, sur FlickrGünther Verheugen, ancien commissaire européen aux Entreprises et ancien vice-président de la Commission européenne, donnait un discours, ce 26 mars 2013, à l’institut d’études politiques d’Aix en Provence, sur le thème de l’avenir de l’Europe. Son intervention mérite d’être relatée, à la fois convaincue et à la recherche de chemins radicalement nouveaux pour l’avenir de l’UE.

G. Verheugen incarne la première des générations de leaders allemands qui, sous la houlette de Schröder, ont pour la première fois depuis la 2ème Guerre mondiale, adopté une approche plus libre de l’Europe, défendant non seulement l’Allemagne en tant qu’acteur européen, mais aussi en tant qu’Etat ayant ses intérêt à défendre.

L’Union européenne, explique aujourd’hui M. Verheugen à l’issue de son expérience bruxelloise, est prise dans un dilemme : d’une part, il lui est nécessaire de mieux coordonner l’action de ses membres pour faire face à la crise économique, ce qui implique d’intégrer davantage certaines politiques ; d’autre part, il est devenu crucial d’agir autant que possible au niveau national, parce qu’à l’évidence c’est le seul niveau de légitimité démocratique vraiment accepté par les peuples, et que s’en écarter de trop, c’est courir le risque, plus du tout irréaliste, d’une sanction des votes extrêmes, dangereux pour l’Europe elle-même. Dans ces conditions, comment faire ?


La surprise est venue de ce que M. Verheugen n’a pas cherché à réclamer « plus d’Europe : c’est, dit-il, la réponse la plus couramment entendue, mais je vous le dis, ce n’est pas la mienne« . Affirmation plutôt rare dans la bouche d’un ancien vice-président de la Commission. Plus précisément, il estime que la question européenne ne se résoudra pas par l’extension des compétences de l’UE. Son diagnostic, long et critique, ambitionne d’intégrer les plaintes des citoyens qui ne comprennent plus l’Europe qui se construit. La Commission n’est pas épargnée. Pour lui, ce n’est pas celle qui apportera la solution : « elle ne le peut pas, pour des raisons structurelles« , pense-t-il, sans toutefois en détailler les motifs, ce qu’on peut regretter.

Günther Verheugen est donc apparu à la recherche difficile et délicate d’une troisième voie, qui ne soit ni l’inaction ni l’Europe fédérale. Cette voie n’est esquissée que de loin, sans donner de détails, car l’ancien commissaire souhaite insister sur les fondamentaux préalables : respecter les peuples, mettre en valeur la diversité – celle de la devise européenne- et la variété des nations. « Un nouvel approfondissement est nécessaire, mais cet approfondissement ne doit pas être celui des compétences« … qu’est-ce à dire ?

On a pu, en apparence, rester sur sa faim à l’issue de cette conférence : rien n’était dit des solutions pratiques, ou des sujets « classiques », comme l’Europe des cercles concentriques, la sortie éventuelle du Royaume-Uni ou les crises du moment. Car l’ancien commissaire se place au niveau philosophique et réfléchit à vingt ans. On saura juste qu’il n’est pas opposé à une Commission plus politique qui soit choisie par le parlement européen. Son but n’est pas de changer les traités, mais d’abord de répondre à la question : quel est le rôle de l’Europe au XXIème siècle ?

Difficile question ! on peut lui savoir gré de s’y attaquer franchement, quitte à ce que son discours reste prudent. G. Verheugen cherche à nous convaincre qu’il faut désormais raisonner autrement, changer de logiciel. Même si le chemin intellectuel est difficile à parcourir, même si les idées émergent lentement, l’effort est louable. Et visiblement, il a d’autres idées en tête qu’il garde pour plus tard.

M. Verheugen a prévu de continuer sa tournée (Marseille, puis d’autres villes), il a l’air déterminé, un peu comme un homme en campagne. Le prochain président de la Commission (2014) sera-t-il allemand ?

Pierre Vive