Le FN et l’UE, l’argument du capitulard

UE capitulards

Les propositions sur l’Europe de Marine le Pen et de ses fidèles, d’une médiatique caricature, l’UE étant le contraire du cochon, tout y serait mauvais, sont d’un opportunisme crasse. Tout et son contraire se côtoie dans un foutoir programmatique, avec pour unique but de justifier l’imparable : la France sans l’UE serait sauvée de tous les maux. La profondeur de l’argument fait penser, l’humour en moins, au propos du conservateur Boris Johnson, alors candidat victorieux à la mairie de Londres : votez Tories et votre femme aura des seins plus gros !

L’euro est l’étendard de la contestation du bien-fondé de l’Union. L’euro surévalué serait la principale raison de nos difficultés économiques. Pourtant, la dévaluation compétitive n’a jamais été efficace sur la durée (cf en France dans les années 1980), l’avantage ainsi créé étant de court terme (en revanche cela fausse le jeu et cela perturbe les anticipations des acteurs, notamment des entreprises en matière d’investissement). Surtout, la majorité des échanges de la France sont en Europe, avec des partenaires qui partagent notre monnaie mais avec lesquels nous avons quand même perdu des parts de marché. Faute d’euro, l’existence probable d’une guerre monétaire à partir de 2008, précisément à coup de dévaluations compétitives, aurait eu des effets désastreux pour notre économie.
Malgré son ineptie, l’argument de l’euro-épouvantail est intéressant car révélateur. A plusieurs titres. Révélateur d’un programme attrape-tout. Par exemple, quand on mentionne l’avantage d’une monnaie forte (en relation au dollar) pour le prix de l’essence, les Frontistes objectent qu’il suffirait, si nous revenions à un franc faible, de baisser la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) pour éviter d’impacter le consommateur. Merveilleux ! Mais les mêmes génies proposent également d’augmenter les pensions de retraite, de diminuer l’impôt et de réduire la dette (sachant que la TIPP est un des postes de recette les plus importants pour l’Etat). Tout est possible dans le monde enchanté du FN.

De même, comme de nombreux pourfendeurs de l’euro, le FN prend toujours opportunément des exemples étrangers sans les placer dans leur contexte. Voir Florian Philippot, chevènementiste repenti, citer l’assouplissement monétaire comme condition de la croissance retrouvée au Royaume-Uni, c’est sans doute l’hommage du vice à la vertu quand on considère que le programme économique des Conservateurs fut prioritairement de réduire drastiquement la dépense publique. Florian Philippot ne s’embarrasse évidemment pas de tels détails.

Enfin, cette question de l’euro, et c’est vrai bien au-delà du FN, est aussi révélatrice de la tendance à se défausser sur l’Europe pour se dédouaner de ses propres turpitudes. Ainsi, on associe le décrochage de notre industrie depuis 10 ans à l’euro fort mais évoque-t-on, à la même époque, la mise en place des 35h qui ont conduit à un renchérissement des coûts salariaux qui a impacté durement les PME et les emplois à faible valeur ajoutée ? Et ce alors même que nos voisins, à commencer par l’Allemagne, prenaient le chemin inverse.

Dès lors, à regarder le programme du FN, on ne peut conclure qu’à une sinistre posture. Ce n’est pas du reste un hasard si le FN Bleu Marine ressemble à une auberge espagnole, des pseudos libéraux poujadistes de Papa (de moins en moins nombreux), aux sociaux dirigistes de Fifille. Mais cette basse-cour, les Ménard, Collard, Philippot, Le Pen, etc., a en partage un point commun qui la réunit, soit être des forts en gueule peu compétents mais qui ne se démontent jamais, et surtout pas devant la raison et l’évidence. Une génération bistrot PMU, en somme.

Cela prêterait à sourire si cette posture ne s’annonçait pas victorieuse aux prochaines élections européennes. Dans un contexte récessif, la recherche d’un vote de contestation, comme l’abstention, se comprend, et ce d’autant plus dans un pays sclérosé. Toutefois, il est temps de ne plus céder à l’intimidation, les arguments du FN, et des eurosceptiques en général, sont ceux des faibles, ceux qui pensent que le Pays n’a pas la force d’exister face à ses partenaires et que sa voix serait forcément dissolue dans une Union intégrée. Le protectionnisme est une variante, comme le fut la ligne Maginot, de cette recherche éperdue de se protéger de tout, comme s’il était possible d’échapper à la réalité du monde. Or, celui-ci est aujourd’hui ouvert et concurrentiel, à commencer pour les technologies dont dépend largement notre avenir de nation prospère ; s’extirper de cette émulation serait mortifère pour nos entreprises.

C’est une récurrence dans l’Histoire, dans l’adversité il y a toujours une prime aux capitulards qui promettent le confort du repli. Toutefois, si les Français accordent, pour partie, leurs suffrages à de telles postures, c’est sans doute que le niveau de confiance, dans le Pays et ses institutions, s’est effondré et que l’Union n’en est que le dommage collatéral. Renouer avec la confiance est un préalable, aucune avancée ne sera possible sans elle. Les Français n’ont pas renoncé à toute ambition, c’est de la responsabilité des politiques de porter un discours fort et clair sur l’Europe, dans sa dimension économique mais aussi politique et identitaire, comme la marque d’une France qui aurait retrouvé ce leadership sans lequel l’Union est aujourd’hui déséquilibrée.  Mais la France ne sera audible que si elle produit les réformes structurelles nécessaires, et non un simple aménagement budgétaire. Faute de quoi, la France poursuivra son chemin descendant, celui qui fait aujourd’hui peser une menace sur une Union en proie à un questionnement sur son action et ses finalités.

JC