Que veut la France?

Voilà plusieurs mois, nous nous interrogions sur les incertitudes allemandes, s’agissant de la politique étrangère comme de la zone Euro. Force est de constater que l’indécision est aujourd’hui dans le camp de la France. En effet, en réponse à la crise européenne, l’Allemagne, en l’espèce le parti de la Chancelière Map-by-Peter-ArkleAngela Merkel, la CDU, a avancé des positions très offensives en matière d’intégration communautaire. Au cours de son congrès annuel, avec pour très clair intitulé « pour l’Europe, pour l’Allemagne », tenu à Leipzig, la CDU a proposé un programme de réforme institutionnelle assumant un véritable choix fédéraliste pour l’Union. L’Allemagne propose, entre autres, l’élection du président de la Commission européenne au suffrage universel, l’instauration d’un véritable bicaméralisme au niveau européen (le Parlement étant la chambre basse et le Conseil la chambre haute) et en matière économique un système qui consisterait à instaurer la solidarité financière contre une plus grande discipline, et partant un contrôle, budgétaire avec une automaticité des sanctions en cas de déficits excessifs.

Ces propositions allemandes auraient dû faire l’effet d’une bombe à Paris. Et qu’a-t-on constaté? Rien, un silence assourdissant comme le souligne à raison Eric le Boucher. On peut discuter le fondement des propositions allemandes mais on ne saurait les ignorer ainsi. De fait, l’histoire européenne révèle une certaine duplicité, quelle que soit la couleur des gouvernements concernés, s’agissant des positions françaises. Les discours sur notre engagement européen, les envolées lyriques sur la signification de la construction communautaire masquent dans les faits un comportement de boutiquier lorsqu’il s’agit de faire avancer politiquement l’Union. La position de l’élite française consiste inlassablement à tirer profit de la puissance économique allemande, et ce à structures politiques (quasi) constantes. Le beurre et l’argent du beurre.

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UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (1/2)

Depuis l’élection à la présidence de Viktor Ianoukovitch, la position internationale de l’Ukraine semble se heurter à une double impossibilité: impossibilité d’un rapprochement durable avec l’Union européenne, compte-tenu du poids des intérêts et oligarchies qui entourent le nouveau Président et son parti et interdisent toute réforme en profondeur de l’État et de l’économie; et impossibilité d’une réconciliation pérenne avec la Russie, du fait de la persistance du conflit énergétique et de l’incapacité des dirigeants des deux pays à s’accorder sur une solution mutuellement satisfaisante.

Jusqu’à présent, Viktor Ianoukovitch a su recourir à des expédients (le plus fameux étant l’accord d’avril 2010 dit « flotte contre gaz », prolongeant la présence à Sébastopol de la flotte russe en échange d’une diminution conséquente mais temporaire du prix du gaz importé) qui lui ont permis de repousser les choix décisifs. Pour combien de temps encore l’Ukraine est-elle en mesure de poursuivre durablement sa politique du « muddle through », grâce à une suite continue d’arrangements ponctuels avec ses voisins? Ou les contradictions de sa situation l’obligeront-elles au contraire finalement à accepter les conditions de l’un ou de l’autre, à adopter franchement le « modèle européen » ou à entrer dans une communauté économique et énergétique dominée par la Russie. Inutile de préciser que les conséquences de tel ou tel choix pour la géopolitique régionale et la sécurité intérieure et extérieure du pays, sont très différentes.

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Présidence polonaise – Rencontre avec Zbigniew Włosowicz, Sous-secrétaire d’Etat à la politique de Défense

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Ce jeudi 20 octobre 2011 après midi nous avons rendez-vous avec Zbigniew Włosowicz, Sous-secrétaire d’État polonais à la politique de Défense pour un éclairage sur la Politique de Sécurité et Défense Commune PSDC et son volet « partenariat oriental ».
Afin que nous puissions mieux comprendre son exposé, notre hôte prend la précaution de nous donner des éléments de son parcours professionnel orienté vers la diplomatie et les Nations Unies où il a travaillé de nombreuses années au sein de la délégation permanente polonaise, puis au Conseil de Sécurité, et enfin comme Chef des troupes militaires des Nation Unies basées à Chypre.

La politique de défense et le concept de Pulling and Sharing
En devenant membre de l’OTAN en 1999 puis membre de l’Union européenne en 2004, la Pologne a montré qu’elle souhaitait s’impliquer et jouer un rôle majeur dans l’articulation d’une stratégie commune de partenariat oriental.
Quelques jours avant cet entretien, notre interlocuteur inaugurait une conférence internationale sur le sujet et plus particulièrement sur le thème de la PSDC avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine et la Russie. L’objectif de cette conférence est avant tout de faire l’état des lieux des actions actuelles de l’Union européenne adressées à ses voisins orientaux et identifier les domaines de coopération potentielle dans le cadre de la PSDC.

Selon lui, ces domaines de coopération devraient être:

  • la formation et l’éducation
  • le dialogue politique
  • la réaction de l’Union européenne en cas de crise
  • la réforme du secteur de la sécurité

Enthousiaste, notre hôte semble malgré tout conscient de la difficulté et du temps de mise ne place de ces actions. Par ailleurs, les causes et les effets des révolutions du Maghreb ayant eu lieu cette année ne peuvent être ignorées.
L’Europe doit trouver un schéma de fonctionnement simple pour ses partenariats, et pourquoi ne pas s’inspirer de la Smart Defense de l’OTAN pour cela.

Tout se résume dans l'expression pooling and sharing nous dit-il calmement avec un mouvement de balancier. Il s’agit de partager des ressources entre nations pour agir communément de manière plus efficace.
Plus efficace, plus intelligent, ce système demande des objectifs clairs sur des domaines de coopération identifiés au préalable. Il reste cependant ambitieux dans sa mise (temps et coût) en place, raison pour laquelle nos deux pays l’ont essayé/adopté.

La Pologne est quant à elle prête à investir dans cette collaboration. Fin septembre, le Ministre de la défense polonaise, Tomasz Siemoniak, rencontrait son homologue français, Gérard Longuet dans le cadre d’une réunion informelle des Ministres de la défense de l’UE. Ils en ont profité pour travailler sur ces questions de coopération et d'amélioration des capacités opérationnelles et de planification de l'UE et plus particulièrement de la mise en place d'un « centre d'excellence dédié à la police militaire ». Un projet qui participerait à approfondir la coopération militaire existant d'ores et déjà entre les deux pays, dans les domaines de la gendarmerie militaire et des forces spéciales.

Note de l’auteur:
Notre entretien avec le sous-secrétaire prend fin après une heure de discussion. Ce qui ressort de cette réunion est un manque de certitudes sur les futures coopérations à venir, faute de décision politique vis-à-vis d’investissements lourds, d’une situation économique mauvaise en Europe et des influences contraires de certains pays tels que les États-Unis ou encore la Russie. Malgré tout, le partenariat oriental n’apparaît pas comme une priorité dans la PSDC mais plus dans le cadre d'une politique économique d’élargissement visant à redonner de la croissance au marché intérieur de l’UE.

Lire également:
Présidence polonaise – Entre romantisme et pragmatisme, un discours européen convaincu

Présidence polonaise – Rencontre avec Eric-André Martin, Premier Conseiller de l’Ambassade de France à Varsovie

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Monsieur Martin nous a livré un exposé clair et synthétique de l’évolution de l’identité européenne de la Pologne, l’ambigüité de celle-ci quand se dresse la défense de ses intérêts nationaux et les défis à venir du pays.

La Pologne ou l’ambition d’être le « 6ème Grand Européen »

La Pologne assure la présidence de l’Union 7 ans après son intégration dont 3 années fortement marquées par l’euroscepticisme bruyant du gouvernement Kacsynscki. Jusqu’en 2007 en effet, le pays était drapé dans un isolement nationaliste, en marge du jeu européen et avec de difficiles relations avec ses puissants voisins, l’Allemagne et la Russie.

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France: ce que signifierait réellement la perte du « AAA »

Selon toute vraisemblance, la France va perdre sa note « AAA » (c’est-à-dire la note maximale accordée par les trois agences de notation S&P, Moody’s et Fitch, synonyme d’un emprunteur souverain dont la perspective de défaut est marginale). C’est en tout cas ce que suggère très fortement le récent et prétendu raté de S&P qui a, soi-disant par erreur, communiqué une perspective négative à ses clients la semaine dernière

Cela n’est pas sûr pour autant: on peut toujours espérer que les diverses mesures de rigueur adoptées par le gouvernement français se conjuguent à une amélioration du lourd climat qui pèse actuellement sur la zone euro. La France pourrait alors, peut-être, échapper à cette sanction.

Pourtant, il serait déjà trop tard. En effet, on peut critiquer l'emprise actuelle des agences sur la politique des États, dans un contexte de perte de confiance généralisée, mais celles-ci ne sont pas responsables des difficultés de financement des États qu’elles évaluent négativement et elles prennent bien plus acte a posteriori de ces dernières. Ainsi, alors même que la France est toujours notée AAA, le spread (c’est-à-dire l’écart de rendement, soit les taux d'intérêts remboursables à l'emprunteur, entre les obligations souveraines) avec l’Allemagne oscille depuis une dizaine de jours autour de 160 points de base (100 points = 1%).

Est-ce grave? Oui, et pour deux raisons, l’une économique, l’autre politique.

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