Pour l’euro – réponse aux contempteurs de la monnaie unique

Un nombre croissant de voix se fait entendre pour appeler à une sortie de l’euro et à un retour au franc, qu’il s’agisse des hérauts de cette cause (Le Pen, Dupont-Aignan), d’économistes en mal d’audience (Saint-Etienne, Sapir) ou de pamphlétaires interlopes (Todd), taxant ses partisans de dogmatiques, mais arrêtant le plus souvent là leur analyse. Essayons justement de pousser cette analyse un peu plus loin.

Tout d’abord, les contempteurs de la monnaie unique comparent en général les avantages et les inconvénients respectifs liés à une monnaie européenne et à des monnaies nationales. Ce faisant, ils présupposent que supprimer l’euro (et retourner au franc) est l’opération symétrique du passage du franc à l’euro, comme si la France pouvait revenir à la situation de 1999 en refermant de manière quasiment neutre la parenthèse de l’euro. Or il y a une faille dans cette logique car la seule comparaison qui vaille est celle entre un avant (i. e. la situation présente) et un après (i. e. le retour à une monnaie nationale), puisque c’est le coût lié à l’abandon qu’il faut évaluer. Peu importe en ce sens que la France ait eu raison ou tort d’adopter l’euro et ce qu’il serait advenu de l’économie française: il s’agit maintenant d’un fait, et tout débat sur une autre base serait purement rhétorique.

Jouons cependant le jeu et essayons nous maintenant à un exercice de conjecture : que se passerait-il si la France quittait l’euro, comme le propose par exemple le programme du Front National ? Suivons la démarche de Frédéric Bastiat dans ses Sophismes économiques pour décrire « ce que l’on voit, ce que l’on ne voit pas« .

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Les Européens en Libye : pas d’armée, mais des divisions

La Libye, un enjeu majeur

La Libye est un des principaux États frontaliers de l’Union européenne. Sa longue façade méditerranéenne borde sur plus de 1 000 kms la voie maritime entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie. Son territoire constitue une des grandes voies de transit depuis l’Afrique, notamment pour les migrants. Enfin, la Libye était jusqu’à ces dernières semaines un des principaux fournisseurs pétrolier et gazier de l’UE : en 2010, 85% des exportations pétrolières libyennes, et la quasi-totalité des exportations gazières, étaient destinées à l’Europe.
La Libye constitue donc à tous égards un enjeu stratégique essentiel pour les Européens. Et la crise libyenne a parfaitement mis en lumière les rouages de la politique étrangère européenne, tel que redéfinis par le traité de Lisbonne.

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Revue de presse – 16 mars – 7 avril

Un exercice de prospective relatif au poids des pays les moins intégrationnistes de l'UE.

Un état des lieux sur le nucléaire en Europe.

Un éclairage optimiste sur l'avenir de l'UE (Europe will work) réalisé par la banque d'affaires Nomura.

Une analyse critique du nouveau mécanisme européen de stabilité financière.

Un point sur les dernières évolutions liées aux affaires de corruption au Parlement européen.

L’économie européenne vue d’Australie – un résumé critique

Alors que l’Europe est en crise et cherche désespérément des remèdes à la crise économique pour ne pas se laisser engloutir par les puissances économiques émergentes, les Australiens nous conseillent… Leurs constats et solutions sont plutôt atypiques. Économiquement non viable et profondément anti-intégration, l’argumentaire présenté dénote cependant une méconnaissance profonde de notre économie, son histoire et de la volonté politique qui sous-tend son modèle. Il est aussi cruel pour nous Européens car il marque un certain désintérêt de la part d’un pays prospère et inscrit dans une zone économique dynamique.

Plusieurs articles dans les journaux et revues australiennes ont attiré mon attention ces dernières semaines. La thèse qui revient invariablement: contrairement à l’idée généralement admise, les principaux bénéficiaires d’une intégration économique européenne sont les multinationales américaines, japonaises et aujourd’hui chinoises, indiennes, etc… Une désintégration ne serait pas une mauvaise nouvelle pour les entreprises européennes, surtout celles de petite taille.

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Que veut l’Allemagne?

Les récentes prises de position de l’Allemagne, et singulièrement de sa chancelière, Angela Merkel, sèment le trouble en Europe. En effet, il est difficile de comprendre la cohérence des choix germaniques alors que ce pays, c’est peu dire, est crucial pour l’avenir du projet politique européen. Du reste, l’intitulé de cette tribune résonne comme un papier suspicieux de Jacques Bainville mais avouons-le, le malaise allemand, puisqu’il faut bien employer l’expression, n’est pas le moindre des symptômes de la crise européenne.

Passons sur le repli national de l’Allemagne que nous pouvons dater de l’accession au pouvoir de Gerhard Schröder. Autrefois profondément euro-centré, ce pays a connu depuis lors une phase d’euphorie nationale, en partie du fait de sa puissance économique et en partie du fait du renouvellement générationnel de la classe politique désormais libérée du spectre de la guerre. On peut regretter ce virage, beaucoup d’Allemands européistes le condamnent, car cela constitue un frein sérieux à la dynamique européenne. Toutefois, il s’agit aussi d’une normalisation saine, sanctionnant le long travail, remarquable et salutaire, d’introspection du peuple allemand. Peu de pays pourraient se vanter d’un tel effort critique. Par ailleurs, personne de sensé ne peut souhaiter perpétuer une culture de la culpabilisation dont on connaît les ravages (à cet égard le film de Michael Haneke, Le Ruban Blanc, offre une expression saisissante). La capitale, Berlin, aujourd’hui joyeuse, entreprenante et décomplexée est le visage flatteur de cette Allemagne nouvelle.

Cette évolution structurelle de la position européenne allemande serait acceptable si elle était utilisée dans un schéma clair et cohérent. Or, et la responsabilité en incombe particulièrement à Angela Merkel, l’Allemagne semble incapable d’assurer et d’assumer un leadership fort en Europe autre que l’effet mécanique de sa puissance économique et de sa représentativité démographique. Considérons trois crises récentes rencontrées par l’Europe et nous constaterons que l’Allemagne ne s’est pas montrée à la hauteur de ses capacités et de son ambition.

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