L’Europe en 2012: droit dans nos bottes, tout droit dans le mur!

L’énième sommet européen de la dernière chance, du 9 décembre 2011, qui a permis de jeter les bases du futur traité budgétaire aura certes apporté une clarification mais il laisse un sentiment d’inachevé, sinon d’impuissance, pour qui a quelque ambition pour notre Union.

La clarification, c’est le positionnement, enfin, clair du Royaume-Uni. Le fond n’est pas surprenant, il était évident que les Tories s’excluraient d’eux-mêmes de tout approfondissement (cf leur programme de gouvernement). La manière est toutefois plus étrange. On attendait d’un Premier ministre britannique, nation reine de l’entre-deux et des subtilités diplomatiques, une recherche d’alliances auprès des gouvernements eurosceptiques afin de circonscrire ledit traité budgétaire aux États membres de la zone euro. Contre toute logique politique, soit éviter l’esseulement, Dave le conquérant est arrivé à Bruxelles en fanfaronnant comme un coq et dans un état d’esprit de « bulldog », selon son mot, la référence à Winston Churchill étant grossière mais décidément, des ceux côtés de la Manche, il semble que l’héritage se limite à la symbolique, fût-elle animalière. Par ailleurs, il faut saluer la fermeté des Européens, à commencer par l’Allemagne et la France, qui n’ont pas cédé face au « tout ou rien » britannique.
De fait, David Cameron n’a pas négocié en Premier ministre mais en chef de parti; il a tenu à la lettre la ligne dure qui flatte tant sa base europhobe. C’est une double faute, au regard des intérêts de son pays, et de ses entreprises quand 40% des exportations du Royaume sont destinées à l’UE, mais aussi politique puisqu’il a mis un peu plus en danger sa coalition avec les européistes LibDems, furieux d’avoir été ignorés et finalement marris. Au jeu du bilan, il apparaît que le loose cannon de Westminster soit tout simplement maître dans la catégorie guère disputée mais fort relevée des losers.

Toutefois, les hypothèques non levées par le projet de traité budgétaire sont pléthores. Au plan juridique, le traité va poser de nombreuses difficultés, y compris en terme d’organisation institutionnelle. On risque de créer une nouvelle usine à gaz et la mise en œuvre laborieuse du service d’action extérieure devrait nous alerter quant aux limites des créations institutionnelles originales et en l’espèce hybrides, entre le communautaire et l’intergouvernemental. Surtout, le retour de la comédie du processus de ratification fait craindre le pire en termes de mise en œuvre rapide des mesures décidées.

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Un nouveau traité pour quoi faire?

Quand le juridisme masque vainement l’absence de projet politique

La proposition franco allemande, notamment discutée lundi 5 décembre et soumise au Conseil européen vendredi 9 décembre, d’un nouveau traité a reçu un accueil mitigé. Il y a ceux, toujours les mêmes, qui poussent des cris d’orfraie sur la rengaine du les casques à pointe sont de retour, halte-là à la domination allemande. C’est aussi pour ne plus les entendre que nous avions bâti l’UE mais leur haine dégoulinante a le mérite de nous alerter sur ce qui nous attend en cas d’échec. Il conviendrait également de rappeler à ceux-là l’émouvant discours du Ministre des affaires étrangères polonais, Radosław Sikorski, déclarant que son pays n’a plus peur d’une Allemagne active en Europe mais au contraire de son désengagement.

Il y a ceux qui considèrent que l’urgence est à convaincre les Allemands de la nécessité d’une intervention plus vigoureuse de la BCE et à terme de la mise en place d’eurobonds et que par conséquent  il faut accepter toute proposition allemande s’agissant d’un système introduisant plus de discipline et surtout de contrôle. Cela est bel et bon mais, dans le cadre actuel, cela ne pourrait que produire un renforcement de la perception technocratique de l’UE et le remède risque donc de tuer le malade, à terme. En effet, qui acceptera que les budgets nationaux soient encadrés par de simples règles juridiques avec un mécanisme de sanction équivalent au régime commum du droit européen (Alain Lamassoure rappelait avec raison que même dans un système fédéral intégré comme les Etats-Unis un tel système ne serait pas acceptable pour les Etats fédérés)? Conçoit-on un tel système pérenne dans un climat de tensions sociale et politique qui s’annonce?

Il y a ceux enfin qui considèrent qu’un Traité n’est pas tenable car cela reviendrait à s’engager dans un processus long et aléatoire. Beaucoup de ceux-là sont échaudés par l’expérience malheureuse du Traité constitutionnel et ils ne goûtent guère cette redite. Par ailleurs, l’idée d’un Traité à 17 apparaît comme, au mieux, une gageure, au pis comme une  dangereuse légèreté au regard du risque pour l’équilibre institutionnel d’ensemble; dans tous les cas, cela témoigne d’une méconnaissance crasse du fait européen. Il est bien plus probable, à court terme, que nous utilisions les traités existant pour  introduire plus de discipline et de contrôle budgétaire. C’est le sens de la proposition de Herman Van Rompuy ou de Valéry Giscard d’Estaing qui appelle à utiliser à plein les coopérations renforcées.

Quelle que soit la position considérée, il est inquiétant de constater l’absence d’idées, mise à part la créativité de quelques virtuoses de l’aménagement technique, discipline fort confidentielle, il est vrai.  Chacun s’accorde à critiquer le manque de clarté, d’incarnation et tout simplement de contenu politique de l’Union et que propose-t-on? Un nouveau traité! Une telle constance dans l’erreur, reconnaissons-le, tient du génie burlesque.

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Europe fédérale: les chiffres démentent les thèses souverainistes

Alors que les souverainistes de tous bord (Zemmour, Todd, Chevénement, Dupont-Aignan, Le Pen…) affirme que la crise qui secoue l'Europe annonce un retour en force de l'État-nation, un sondage récent (publié sur le site du Figaro) apporte une réponse qui tranche singulièrement avec cette thèse. À la question "Faut-il aller rapidement vers une Europe fédérale?", près de 75% des lecteurs ont répondu "oui". Certes, c'est un sondage, qui plus est réalisé sur la base d'un échantillon non représentatif (les lecteurs d'un journal clairement positionné à droite de l'échiquier politique), et donc cela ne saurait refléter, par exemple, le résultat d'un référendum lors duquel la même question serait posée à l'ensemble des citoyens.

Mais le chiffre demeure très significatif, d'une part parce que l'échantillon n'est pas négligeable (plus de 40000 réponses), d'autre part parce que le résultat positif est sans appel. Alors même que les partis de droite et de gauche s'affrontent voire se déchirent entre pro-européens et eurosceptiques (un euphémisme qui désigne les plus souvent les souverainistes), les seconds semblant gagner des points si l'on en croît leur "bruit médiatique", l'écho populaire est bien différent: oui, les citoyens semblent prêts pour une Europe fédérale. Ce ne sont pas les élites "européistes" qui nient les aspirations réelles du peuple comme le claironnent les souverainistes, mais au contraire ces derniers qui s'accrochent à une antienne qui a de moins en moins d'ancrage populaire. Les Français sont sans doute bien conscience de ce que pèse leur pays dans la mondialisation, et de l'isolement et du déclin auquel conduiraient de telles politiques de repli.

Référendum en Grèce: l’Europe a-t-elle peur du peuple ?

L’épisode tragi comique du (non) référendum grec a une portée bien supérieure au simple baroud d’honneur d’un dirigeant aux abois. D’abord il marque les limites, comme cela fut tant de fois décrié dans ce blog, d’une méthode intergouvernementale aujourd’hui dépassée. L’euro, de nature communautaire et donc fédérale, ne saurait dépendre des aléas de politique intérieure de dix-sept Etats. Simple question de bon sens.

20.10.UE.Merkel.Sarkozy.Papandreou.930.620_scalewidth_300L’épisode tragi comique du (non) référendum grec a une portée bien supérieure au simple baroud d’honneur d’un dirigeant aux abois. D’abord il marque les limites, comme cela fut tant de fois décrié dans ce blog, d’une méthode intergouvernementale aujourd’hui dépassée. L’euro, de nature communautaire et donc fédérale, ne saurait dépendre des aléas de politique intérieure de dix-sept Etats. Simple question de bon sens. De même, la capacité régulatrice du couple/directoire franco allemand, du reste davantage loué à Paris qu’à Berlin, un peu comme la special relationship est vénérée à Londres mais ignorée à Washington, l’indifférence du fort au faible, sans doute, apparaît chaque jour plus insuffisante avec la répétition des crises. La dramaturgie du G20, façon Mère courage et Père fouettard, était sans conteste adaptée au décor cannois mais elle a envoyé au monde un signal désastreux sur la cacophonie européenne. Même le très prudent gouvernement japonais, à la suite des BRIC et des Etats-Unis, s’est fendu d’un communiqué appelant les Européens à oser l’unité avant d’espérer un quelconque soutien financier international. Pour l’heure, les Européens ont certes réalisé l’unanimité mais à l’extérieur et contre eux.

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