L’anachronisme anglais

La récente décision du Premier ministre britannique, David Cameron, de s’adresser aux dirigeants de la zone Euro sous la forme d’une missive cosignée par d’autres leaders non européens, n’étonnera guère les familiers de Westminster. Déjà, en 1948, Churchill souhaitait la formation des États-Unis d’Europe, étant (sous) entendu, of course, que le Royaume-Uni ne faisait pas partie de ladite Europe.

Nous avons déjà regretté la difficulté des Britanniques, à l’image des Français avec le gaullisme, à surmonter leur histoire récente pour adapter enfin leur choix stratégiques aux défis que présentent le siècle. L’Empire n’est plus et la Guerre froide, quels que soient les efforts de Monsieur Poutine pour en perpétuer l’esprit, est désormais une ombre dans la mémoire européenne.

La zone Euro a sans doute des difficultés qui lui sont propres, soit l’incapacité à organiser durablement sa gouvernance, mais elle n’a pas le monopole de la crise. Tous les grands blocs industrialisés sont aujourd’hui englués dans une crise, osons le mot, systémique; le Japon a ouvert le bal voilà deux décennies, les États-Unis et l’UE l’ont rejoint aujourd’hui. Ces ensembles sont a minima à la fin d’un cycle économique et plus probablement au terme d’un modèle économique fondé sur des relations commerciales mondiales, à commencer par le rapport Nord/Sud, d’une toute autre nature. L’extension du domaine de la lutte, en quelque sorte, exerce une pression concurrentielle inédite sur des économies autrefois évoluant dans un rapport beaucoup plus fermé entre acteurs essentiellement du même niveau de développement (sauf secteurs particuliers).

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La zone euro face à l’irresponsabilité et l’égoïsme

La crise que traverse à l’heure actuelle la zone euro est particulièrement grave et malheureusement elle était désespérément prévisible. Nul ne pouvait en effet ignorer, malgré les différents subterfuges déployés, les dérives budgétaires grecques. La France, elle-même bien souvent donneuse de leçons, affiche depuis plusieurs décennies des budgets déficitaires. Par le passé, à l’instar de l’Allemagne, elle s’est piteusement affranchie des contraintes budgétaires du Pacte de stabilité. Constatons en effet que les contraintes inhérentes à l’euro, et acceptées par les signataires, ne furent pas voire jamais respectées par bon nombre d’entre eux et, encore plus surprenant, qu’aucune instance de contrôle et de certification des engagements pris ne fut créée! Quel amateurisme politique! Le constat est amer et les conséquences seront profondes et durables. Après la Grèce, l’Irlande et le Portugal d’autres États signataires pourraient à leur tour connaître les mêmes affres (l’Italie, l’Espagne…).

Les réponses apportées, les soutiens financiers mis en place, les processus de contrôle budgétaire décidés sont certes des éléments significatifs mais ils ne résolvent que partiellement voir superficiellement le problème. Tout cela n’est pas de nature à restaurer la confiance en l’économie européenne et une réponse d’ensemble est attendue par les peuples comme par les marchés. Par ailleurs, les nécessaires exigences de rigueur budgétaire pourraient en effet contribuer à accentuer les divergences en matière de compétitivité.

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Herman Van Rompuy Universités d’été du Medef – 31 août 2011

Laurence Parisot & Herman Van Rompuy

Les vacances d’été n’ont pas été de tout repos pour la zone euro. C’est dans ce contexte que le président du conseil de l’Europe, Herman Van Rompuy, inaugurait les traditionnelles universités d’été du Medef, le 31 août dernier.

Pour rappel, Herman Van Rompuy est le premier président du Conseil européen, désigné en novembre 2009. Auparavant, il occupait les fonctions de Premier ministre du Royaume de Belgique depuis décembre 2008.

À retenir…

– Le plaidoyer du président du Conseil européen en faveur de l’application stricte de l’accord sur l’aide à la Grèce et son d’optimisme face aux conditions exigées par la Finlande.
– Le caractère non indispensable de l’adoption d’une règle d’or par les États pour lutter contre les déficits,
– Deux concepts très importants à ses yeux: l’équilibre et la réforme graduelle (pas à pas).

Herman Van Rompuy revient tout d’abord sur les différentes crises qu’ont connu l’Europe et le monde à l’issue des Trente Glorieuses, insistant sur les vertus stabilisatrices de la zone euro contre les dévaluations compétitives de la première moitié du Vingtième siècle. Et de mettre en avant que les déficits de la zone euro équivalent à la moitié de ceux des États-Unis ou de la Grande-Bretagne.

Puis le Président du Conseil européen a pointé les facteurs aggravants de la crise actuelle :
– Alors que l’une des principales causes de la crise tient au développement plus rapide des marchés de capitaux en comparaison de ceux de biens et services, Herman Van Rompuy estime qu’attendre un rééquilibrage par la main invisible est une erreur ;
– Le caractère national des autorités, face à des marchés par essence internationaux, qui ne tiennent donc pas compte de ces autorités ;
– Pour le Président du Conseil européen, la crise actuelle a aussi confirmé les limites des politiques consistant à laisser filer les déficits (deficit spending).

Si Herman Van Rompuy ne cache pas sa volonté de réformer profondément nos institutions (européennes comme nationales), pour lui la restauration de l’équilibre budgétaire se fait pas à pas. En effet, notre taux de croissance potentiel est trop bas pour être concurrentiel sur le marché mondial et maintenir notre modèle social, même réformé.

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Une Hongrie conservatrice quitte la présidence de l’UE

La Hongrie a présidé l'Union européenne pendant le premier semestre de l'année 2011 et vient de transmettre ce rôle à son voisin du Nord, la Pologne. Engagée pour « Une Europe forte », Eniko Gyori, ministre des Affaires européennes – rencontrée dans le cadre d'un voyage d'étude de l'Atelier Europe – a conduit cette présidence de main de maître dans un contexte international particulièrement tendu et totalement imprévisible entre printemps Arabe, Fukushima et crise financière.

Le slogan de la présidence hongroise se résume en deux mots: « strong Europe » (une Europe forte), et s'est décliné sur plusieurs thèmes:

  • le renforcement des institutions européennes,
  • la stabilisation de l'euro,
  • les politiques communes (les domaines de l'énergie, de l'agriculture, des inégalités régionales étant des priorités),
  • la clôture des négociations avec la Croatie en vue de son intégration,
  • le développement de politiques régionales comme la « stratégie du Danube »,
  • l'ouverture de l'espace Schengen à la Bulgarie et la Roumanie.

Mission (presque) accomplie par cette jeune équipe malgré les frustrations, les égoïsmes nationaux et les aléas internationaux. Si la Bulgarie et la Roumanie sont toujours exclues de l'espace Schengen, la Croatie a achevé son processus d'intégration et sera le 28e membre de l'UE le 1er juillet 2013.

La feuille de route 2050 pour une politique extérieure énergétique commune et une économie compétitive à faible intensité de carbone est lancée et une stratégie européenne pour l'intégration des Roms a été politiquement approuvée.

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La montée des populismes en Europe menace-t-elle le projet d’une union politique?

L’Atelier Europe poursuit son partenariat avec le Master Affaires européennes de l’Institut d’études politiques, en commanditaire de projets collectifs, réalisés par les étudiants de ScPo. Cette année, le thème « La montée des populismes en Europe menace-t-elle le projet d’une union politique? » a donné lieu à un documentaire constitué d’interviews de chercheurs et d’universitaires, à une note d’analyse, ainsi qu’une projection à Sciences Po suivie d’un débat avec Jacques Barrot.
Nous laissons la parole à Laura Fakra, Athéna Fooladpour, Christoph Schmiedel et Giovanni Scoazec, les quatre étudiants qui ont réalisé ce projet:

La vague populiste touche l’ensemble de l’Europe: en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Autriche, en République Tchèque ou encore en Suisse, les partis dits populistes ont le vent en poupe. Au-delà de la vision d’un mouvement raciste et xénophobe qui gangrène une Union européenne encore si fragile, ce cours documentaire cherche, à travers les réflexions de Jacques Sapir, Yves Mény, Dominique Reynié et Yves Surel, à comprendre les raisons du phénomène populiste. Pour cela, les experts se penchent dans un premier temps sur la définition du terme et sur son instrumentalisation par des partis politiques qui ne doivent pas être cantonnés à l’extrême-droite, puis ils s’intéressent aux raisons d’une montée populiste en Europe, aux risques qu’elle comprend et aux remèdes qui peuvent éventuellement émerger dans les circonstances actuelles. Parole aux spécialistes pour un aperçu juste et sans concession d’un débat essentiel dans l’avenir de l’UE.

 

La montée des populismes en Europe menace-t-elle le projet d’une union politique? from Atelier Europe on Vimeo.

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