L’interminable crise grecque ou la nécessité d’une transgression

Greek & EU flagsL’élection d’un premier ministre d’extrême gauche, Alexis Tsipras, a jeté du sel sur les relations tendues entre la Grèce et l’Union. Ce pays sort d’une période extrêmement difficile où il a perdu près de 30% de sa richesse nationale en 5 ans. Mais pour l’Union, la Grèce est aussi le miroir des insuffisances de notre gouvernance. On s’est aperçu non seulement que l’économie locale n’était pas viable mais surtout que cet État a pu pendant 30 ans être membre de l’UE alors qu’il n’était pas un État au sens moderne: fonctionnement clientéliste, ministères organisant un État dans l’État, rentrée de l’impôt aléatoire, corruption, outils administratifs désuets (tel le fameux cadastre inexistant) etc. Un immense travail de réforme a été effectué mais il n’est pas certain que la Grèce puisse le finaliser et relancer son économie dans le cadre de la zone euro, peut-être avons-nous atteint les limites de l’acceptable pour la population grecque. Et ce que ne semblait pas avoir mesuré M. Tsipras, c’est que la lassitude est immense aussi du côté des autres membres de l’Eurogroupe (Cf réaction virulente de l’Espagne). Continuer la lecture de « L’interminable crise grecque ou la nécessité d’une transgression »

Sortie de l’euro: comment interpréter l’action de la BCE ?

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La déclaration du président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, ce jeudi, suivant laquelle "la BCE est prête à faire tout ce qu'il faudra pour préserver l'euro" a eu comme effet d'apporter une accalmie sur les marchés, observable notamment via une détente sur les taux souverains espagnols et italiens. En affirmant que les niveaux de rémunération exigés par les investisseurs pour prêter à ces pays n'étaient pas acceptables, et donc en sous-entendant que la BCE pourrait agir pour les faire baisser, ce qu'elle peut faire (par exemple en rachetant des titres sur le marché secondaire, avec un effet immédiat sur le marché primaire de la dette, bien que la BCE ne puisse agir directement sur ce marché), la BCE s'est une fois de plus positionnée comme l'institution européenne la plus proactive et finalement la principale force motrice de l'intégration comme pouvait l'être la Cour de justice au début de la Communauté.

Qu'en conclure? Selon toute évidence que les institutions et les gouvernements européens disposent de marges de manœuvre réelles pour influencer les marchés. En d'autres termes, tout n'a pas été essayé pour lutter contre la crise financière et ses effets sur les dettes souveraines. Cette dimension a été abondamment commentée par la presse et il ne semble pas nécessaire d'y revenir. Une deuxième conclusion qui s'impose néanmoins, et qui est étrangement passée sous silence depuis le début de la crise, a trait à la signification d'une telle capacité à influencer les marchés, sans commmune mesure avec les sommets à répétition et dont les conclusions n'apportent qu'un optimisme éphémère, de quelques heures tout au plus. En effet, quand la BCE parle, les marchés écoutent, car la BCE décide, de manière indépendante et cohérente, et met en oeuvre ses décisions, tandis que l'on a vu à quel point les conclusions des sommets européens, ambitieuses prima facie, mais tellement floues et difficiles à mettre en oeuvre qu'elles ne trompent guère.

Pourquoi cela est-il possible? Parce que la BCE est la seule institution réellement fédérale de l'UE (la Commission dispose également de certaines compétences de nature fédérale: concurrence, commerce, etc., mais n'est pas une institution fédérale en tant que telle). Les sommets illustrent en revanche le retour en force de la méthode intergouvernementale, avec son cortège de complexité liée à la recherche laborieuse du consensus (mou), à la constitution d'équilibres précaires, aux combats de coqs entre chefs d'Etats, etc. Efficacité et crédibilité du fédéral d'une part, atermoiements de l'intergouvernemental d'autre part: la conclusion semble limpide. Reste à l'énoncer clairement et à en tirer les conséquences qui s'imposent.

Que veut la France?

Voilà plusieurs mois, nous nous interrogions sur les incertitudes allemandes, s’agissant de la politique étrangère comme de la zone Euro. Force est de constater que l’indécision est aujourd’hui dans le camp de la France. En effet, en réponse à la crise européenne, l’Allemagne, en l’espèce le parti de la Chancelière Map-by-Peter-ArkleAngela Merkel, la CDU, a avancé des positions très offensives en matière d’intégration communautaire. Au cours de son congrès annuel, avec pour très clair intitulé « pour l’Europe, pour l’Allemagne », tenu à Leipzig, la CDU a proposé un programme de réforme institutionnelle assumant un véritable choix fédéraliste pour l’Union. L’Allemagne propose, entre autres, l’élection du président de la Commission européenne au suffrage universel, l’instauration d’un véritable bicaméralisme au niveau européen (le Parlement étant la chambre basse et le Conseil la chambre haute) et en matière économique un système qui consisterait à instaurer la solidarité financière contre une plus grande discipline, et partant un contrôle, budgétaire avec une automaticité des sanctions en cas de déficits excessifs.

Ces propositions allemandes auraient dû faire l’effet d’une bombe à Paris. Et qu’a-t-on constaté? Rien, un silence assourdissant comme le souligne à raison Eric le Boucher. On peut discuter le fondement des propositions allemandes mais on ne saurait les ignorer ainsi. De fait, l’histoire européenne révèle une certaine duplicité, quelle que soit la couleur des gouvernements concernés, s’agissant des positions françaises. Les discours sur notre engagement européen, les envolées lyriques sur la signification de la construction communautaire masquent dans les faits un comportement de boutiquier lorsqu’il s’agit de faire avancer politiquement l’Union. La position de l’élite française consiste inlassablement à tirer profit de la puissance économique allemande, et ce à structures politiques (quasi) constantes. Le beurre et l’argent du beurre.

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Crise, une chance pour l’Europe?

« Je suis convaincu qu’on sortira de cette crise non pas avec moins d’Europe mais avec plus d’Europe et plus d’audace politique »
Yves Thibault de Silguy

« Il nous faut un degré supérieur de vision commune »
Pierre de Lauzun

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