Froideur européenne et bouillonnement balkanique

Une revue sur la sexualité, au Kosovo. À l’intérieur, des articles sur la séduction, sur l’homosexualité, sur les discriminations subies par des jeunes femmes dans une société où le non-dit fait beaucoup souffrir. La parution de ce numéro a provoqué une grande discussion publique et une agression en pleine rue, dans un stand où ce magazine se vendait. Les coupables ont aussitôt été condamnés par les tribunaux et par une large partie de la population.

Ce micro-évènement témoigne d’un mouvement plus large dans les Balkans: une société civile se réveille après des décennies de système communiste, de guerres ethniques et d’intervention occidentale. En Bosnie, des regroupements de citoyens baptisés « plenum » se sont organisés depuis les manifestations anti-gouvernementales de février 201. Un an auparavant, le gouvernement bulgare était tombé lors de mouvements de protestation qui dénonçaient la hausse des factures d’électricité et la corruption rampante.

L’Union européenne (UE) peut se féliciter d’une dynamique qui va dans le sens de son esprit de liberté et de justice. Mais la nouvelle Commission Juncker a bien fait entendre qu’elle n’appuierait pas l’entrée de nouveaux pays dans l’UE au cours de ces cinq prochaines années. Une déclaration qui vise principalement les Balkans de l’ouest, et notamment la Serbie. Jean Claude Juncker justifie cette décision par un besoin de stabiliser l’Europe à 28, la Croatie ayant récemment intégré l’Union en 2013, et par la nécessité d’accélérer le rythme des réformes dans la zone. L’opinion publique européenne joue un rôle dans ce tableau: le soutien à l’intégration de nouveaux membres est tombé aux alentours de 20-25%, et les élargissements récents nourissent les arguments de nombreux partis populistes. Continuer la lecture de « Froideur européenne et bouillonnement balkanique »

UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (2/2)

(Première partie)

Faute d’une intégration pleine et entière à l’Occident, l’Ukraine reste tributaire de la politique russe. La Russie est le premier partenaire économique du pays, de nombreux Ukrainiens (dont le Président) ont le russe pour première langue, et le chef de l’État souhaite conserver d’étroites relations avec Moscou. Mais les objectifs de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine posent problème. Le gouvernement russe souhaite intégrer l’Ukraine dans une Union douanière dont font déjà partie la Biélorussie et le Kazakhstan: un projet qui fermerait toute perspective d’intégration européenne. Et la menace d’un nouveau conflit énergétique reste plus que jamais d’actualité. Ici, le motif spontané du conflit (la querelle sur le prix, qui ne peut qu’opposer le fournisseur russe à son client ukrainien) se trouve exacerbé par plusieurs facteurs: la personnalisation des intérêts en jeu (certains oligarques ainsi que les électeurs de Viktor Ianoukovitch étant les plus intéressés à obtenir un rabais gazier, indispensable à la viabilité de l’industrie ukrainienne) ; la détermination du président ukrainien à renégocier l’accord de fourniture conclu en 2009 par son adversaire Yulia Timochenko (incarcérée aujourd’hui, à la suite d’un procès que beaucoup, en Ukraine et en Europe, considèrent comme politique), demande catégoriquement rejetée par les dirigeants russes; et l’enjeu capital du transit vers l’Europe. Héritage là encore de l’Union soviétique, 80% des importations européennes de gaz russe transitent par l’Ukraine. Ce fait constitue tout à la fois une garantie de survie pour les Ukrainiens et une hypothèque permanente pour les Européens et les Russes. Depuis plusieurs années, et plus encore depuis la crise gazière de janvier 2009, ces derniers sont décidés à lever cette hypothèque. D’où les projets de gazoducs Nordstream et South Stream, destinés à alimenter directement les grands marchés européens en contournant les pays de transit. À défaut, la Russie est déterminée à prendre le contrôle des gazoducs ukrainiens, via une joint venture entre Gazprom et l’entreprise ukrainienne Naftogaz – un projet catégoriquement rejeté par Kiev.

Continuer la lecture de « UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (2/2) »

UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (1/2)

Depuis l’élection à la présidence de Viktor Ianoukovitch, la position internationale de l’Ukraine semble se heurter à une double impossibilité: impossibilité d’un rapprochement durable avec l’Union européenne, compte-tenu du poids des intérêts et oligarchies qui entourent le nouveau Président et son parti et interdisent toute réforme en profondeur de l’État et de l’économie; et impossibilité d’une réconciliation pérenne avec la Russie, du fait de la persistance du conflit énergétique et de l’incapacité des dirigeants des deux pays à s’accorder sur une solution mutuellement satisfaisante.

Jusqu’à présent, Viktor Ianoukovitch a su recourir à des expédients (le plus fameux étant l’accord d’avril 2010 dit « flotte contre gaz », prolongeant la présence à Sébastopol de la flotte russe en échange d’une diminution conséquente mais temporaire du prix du gaz importé) qui lui ont permis de repousser les choix décisifs. Pour combien de temps encore l’Ukraine est-elle en mesure de poursuivre durablement sa politique du « muddle through », grâce à une suite continue d’arrangements ponctuels avec ses voisins? Ou les contradictions de sa situation l’obligeront-elles au contraire finalement à accepter les conditions de l’un ou de l’autre, à adopter franchement le « modèle européen » ou à entrer dans une communauté économique et énergétique dominée par la Russie. Inutile de préciser que les conséquences de tel ou tel choix pour la géopolitique régionale et la sécurité intérieure et extérieure du pays, sont très différentes.

Continuer la lecture de « UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (1/2) »

Présidence polonaise – Entre romantisme et pragmatisme, un discours européen convaincu

Varsovie. Après Prague et Budapest, une nouvelle fois l’Atelier Europe a migré à l’Est, dans ce pays qui tient sa présidence de l’UE pour la première fois depuis son intégration à l’Union. Une occasion pour le pays de montrer sa bonne volonté européenne, après quelques années au cours desquelles les Polonais ont pu apparaître comme les « empêcheurs de tourner en rond » de l’UE.

Logo-presidence-pologne-UE-2011

Varsovie. Après Prague et Budapest, une nouvelle fois l’Atelier Europe a migré à l’Est, dans ce pays qui tient sa présidence de l’UE pour la première fois depuis son intégration à l’Union. Une occasion pour le pays de montrer sa bonne volonté européenne, après quelques années au cours desquelles les Polonais ont pu apparaître comme les « empêcheurs de tourner en rond » de l’UE.

 

Dans cette grande capitale d’Europe centrale, au charme indiscutable, on y ressent beaucoup le poids de l’Histoire, même si la ville a été completement rasée pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Polonais vivent encore beaucoup dans le passé, même si depuis deux législatures, les mentalités commencent à changer. Se promener dans Varsovie, c’est voir ressurgir à chaque coin de rue l’Histoire européenne. L’Humeur est au drapeau bleu étoilé et à la mondialisation (bien que contrairement à certaines de ses consœurs de la région, Varsovie ne soit pas totalement défigurée par les affiches publicitaires), Varsovie est une ville de son temps, célébrant à la fois sa culture, ses traditions propres mais aussi l’ouverture. L’ambiance particulière des cafés très « viennois », à l‘image du Café Wedel, nous rappelle que nous sommes ici dans un espace géographique particulier, celui de l’Europe centrale. Si la carte mentale que nous renvoie la Pologne a changé depuis la fin du communisme et son intégration dans l’Europe, il n’en reste pas moins que sa situation géographique, coincée entre l’Allemagne et la Russie, demeure un invariant géopolitique qui conditionne encore beaucoup, quoique nos interlocuteurs polonais nous en ont dit, la politique européenne du pays.

Continuer la lecture de « Présidence polonaise – Entre romantisme et pragmatisme, un discours européen convaincu »

Quoi de neuf en MittelEuropa?

Atelier_Europe_Prague_02-mc  On l’appelle encore l’Autre Europe.  Celle qui nous était inaccessible pendant plus d’un demi-siècle en raison du rideau de fer.  Pourquoi revenir d’abord sur ce point quand on traite un sujet comme l’Europe centrale ? Certainement pas pour stigmatiser quoique ce soit, mais parce que c’est la réalité de l’histoire, et que celle-ci, dans cette MittelEuropa ivre de liberté, est encore en phase de cicatrisation.

Continuer la lecture de « Quoi de neuf en MittelEuropa? »