Tous les « PIIGS » ne sont pas la Grèce: les marchés doivent faire preuve de discernement

Depuis que la Grèce ne se finance plus sur les marchés mais via les prêts accordés par l’UE ou le FMI, les marchés ont du se choisir de nouvelles cibles et parient désormais sur des défauts italien, espagnol, belge, voire même français. Les agences de notation suivent le mouvement (bien plus qu’elles ne l’anticipent ou l’entraînent) et dégradent, avertissent, s’inquiètent…amplifiant les hausses de taux d’intérêt sur les obligations souveraines de ces pays.

Il serait injuste et improductif de rendre les marchés responsables des difficultés de financement des États. Qui voudrait confier ses économies à des pays dispendieux, incapables de présenter des budgets équilibrés, et qui gèrent leurs finances publiques dans des logiques diamétralement opposées à celle d’un « bon père de famille »? On ne rappellera jamais assez que les premiers responsables de ces difficultés sont les Etats eux-mêmes: personne ne les a obligés à s’endetter.

Dès lors, pourquoi blâmer les « marchés » (un raccourci facile qui décrit un ensemble complexe d’opérateurs, du hedge fund au fonds souverain en passant par le détenteur de parts dans un fonds de pension, soucieux de son bas de laine)? Parce qu’ils ne jouent pas leur rôle comme ils le devraient et manquent de discernement en considérant qu’un « PIIGS » en vaut un autre, et qu’au sein de cette zone euro décidemment bien compliquée, à part l’Allemagne, il n’y a guère que des petits États somme toute assez peu sérieux.

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UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (2/2)

(Première partie)

Faute d’une intégration pleine et entière à l’Occident, l’Ukraine reste tributaire de la politique russe. La Russie est le premier partenaire économique du pays, de nombreux Ukrainiens (dont le Président) ont le russe pour première langue, et le chef de l’État souhaite conserver d’étroites relations avec Moscou. Mais les objectifs de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine posent problème. Le gouvernement russe souhaite intégrer l’Ukraine dans une Union douanière dont font déjà partie la Biélorussie et le Kazakhstan: un projet qui fermerait toute perspective d’intégration européenne. Et la menace d’un nouveau conflit énergétique reste plus que jamais d’actualité. Ici, le motif spontané du conflit (la querelle sur le prix, qui ne peut qu’opposer le fournisseur russe à son client ukrainien) se trouve exacerbé par plusieurs facteurs: la personnalisation des intérêts en jeu (certains oligarques ainsi que les électeurs de Viktor Ianoukovitch étant les plus intéressés à obtenir un rabais gazier, indispensable à la viabilité de l’industrie ukrainienne) ; la détermination du président ukrainien à renégocier l’accord de fourniture conclu en 2009 par son adversaire Yulia Timochenko (incarcérée aujourd’hui, à la suite d’un procès que beaucoup, en Ukraine et en Europe, considèrent comme politique), demande catégoriquement rejetée par les dirigeants russes; et l’enjeu capital du transit vers l’Europe. Héritage là encore de l’Union soviétique, 80% des importations européennes de gaz russe transitent par l’Ukraine. Ce fait constitue tout à la fois une garantie de survie pour les Ukrainiens et une hypothèque permanente pour les Européens et les Russes. Depuis plusieurs années, et plus encore depuis la crise gazière de janvier 2009, ces derniers sont décidés à lever cette hypothèque. D’où les projets de gazoducs Nordstream et South Stream, destinés à alimenter directement les grands marchés européens en contournant les pays de transit. À défaut, la Russie est déterminée à prendre le contrôle des gazoducs ukrainiens, via une joint venture entre Gazprom et l’entreprise ukrainienne Naftogaz – un projet catégoriquement rejeté par Kiev.

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Que veut la France?

Voilà plusieurs mois, nous nous interrogions sur les incertitudes allemandes, s’agissant de la politique étrangère comme de la zone Euro. Force est de constater que l’indécision est aujourd’hui dans le camp de la France. En effet, en réponse à la crise européenne, l’Allemagne, en l’espèce le parti de la Chancelière Map-by-Peter-ArkleAngela Merkel, la CDU, a avancé des positions très offensives en matière d’intégration communautaire. Au cours de son congrès annuel, avec pour très clair intitulé « pour l’Europe, pour l’Allemagne », tenu à Leipzig, la CDU a proposé un programme de réforme institutionnelle assumant un véritable choix fédéraliste pour l’Union. L’Allemagne propose, entre autres, l’élection du président de la Commission européenne au suffrage universel, l’instauration d’un véritable bicaméralisme au niveau européen (le Parlement étant la chambre basse et le Conseil la chambre haute) et en matière économique un système qui consisterait à instaurer la solidarité financière contre une plus grande discipline, et partant un contrôle, budgétaire avec une automaticité des sanctions en cas de déficits excessifs.

Ces propositions allemandes auraient dû faire l’effet d’une bombe à Paris. Et qu’a-t-on constaté? Rien, un silence assourdissant comme le souligne à raison Eric le Boucher. On peut discuter le fondement des propositions allemandes mais on ne saurait les ignorer ainsi. De fait, l’histoire européenne révèle une certaine duplicité, quelle que soit la couleur des gouvernements concernés, s’agissant des positions françaises. Les discours sur notre engagement européen, les envolées lyriques sur la signification de la construction communautaire masquent dans les faits un comportement de boutiquier lorsqu’il s’agit de faire avancer politiquement l’Union. La position de l’élite française consiste inlassablement à tirer profit de la puissance économique allemande, et ce à structures politiques (quasi) constantes. Le beurre et l’argent du beurre.

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UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (1/2)

Depuis l’élection à la présidence de Viktor Ianoukovitch, la position internationale de l’Ukraine semble se heurter à une double impossibilité: impossibilité d’un rapprochement durable avec l’Union européenne, compte-tenu du poids des intérêts et oligarchies qui entourent le nouveau Président et son parti et interdisent toute réforme en profondeur de l’État et de l’économie; et impossibilité d’une réconciliation pérenne avec la Russie, du fait de la persistance du conflit énergétique et de l’incapacité des dirigeants des deux pays à s’accorder sur une solution mutuellement satisfaisante.

Jusqu’à présent, Viktor Ianoukovitch a su recourir à des expédients (le plus fameux étant l’accord d’avril 2010 dit « flotte contre gaz », prolongeant la présence à Sébastopol de la flotte russe en échange d’une diminution conséquente mais temporaire du prix du gaz importé) qui lui ont permis de repousser les choix décisifs. Pour combien de temps encore l’Ukraine est-elle en mesure de poursuivre durablement sa politique du « muddle through », grâce à une suite continue d’arrangements ponctuels avec ses voisins? Ou les contradictions de sa situation l’obligeront-elles au contraire finalement à accepter les conditions de l’un ou de l’autre, à adopter franchement le « modèle européen » ou à entrer dans une communauté économique et énergétique dominée par la Russie. Inutile de préciser que les conséquences de tel ou tel choix pour la géopolitique régionale et la sécurité intérieure et extérieure du pays, sont très différentes.

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Présidence polonaise – Rencontre avec Zbigniew Włosowicz, Sous-secrétaire d’Etat à la politique de Défense

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Ce jeudi 20 octobre 2011 après midi nous avons rendez-vous avec Zbigniew Włosowicz, Sous-secrétaire d’État polonais à la politique de Défense pour un éclairage sur la Politique de Sécurité et Défense Commune PSDC et son volet « partenariat oriental ».
Afin que nous puissions mieux comprendre son exposé, notre hôte prend la précaution de nous donner des éléments de son parcours professionnel orienté vers la diplomatie et les Nations Unies où il a travaillé de nombreuses années au sein de la délégation permanente polonaise, puis au Conseil de Sécurité, et enfin comme Chef des troupes militaires des Nation Unies basées à Chypre.

La politique de défense et le concept de Pulling and Sharing
En devenant membre de l’OTAN en 1999 puis membre de l’Union européenne en 2004, la Pologne a montré qu’elle souhaitait s’impliquer et jouer un rôle majeur dans l’articulation d’une stratégie commune de partenariat oriental.
Quelques jours avant cet entretien, notre interlocuteur inaugurait une conférence internationale sur le sujet et plus particulièrement sur le thème de la PSDC avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine et la Russie. L’objectif de cette conférence est avant tout de faire l’état des lieux des actions actuelles de l’Union européenne adressées à ses voisins orientaux et identifier les domaines de coopération potentielle dans le cadre de la PSDC.

Selon lui, ces domaines de coopération devraient être:

  • la formation et l’éducation
  • le dialogue politique
  • la réaction de l’Union européenne en cas de crise
  • la réforme du secteur de la sécurité

Enthousiaste, notre hôte semble malgré tout conscient de la difficulté et du temps de mise ne place de ces actions. Par ailleurs, les causes et les effets des révolutions du Maghreb ayant eu lieu cette année ne peuvent être ignorées.
L’Europe doit trouver un schéma de fonctionnement simple pour ses partenariats, et pourquoi ne pas s’inspirer de la Smart Defense de l’OTAN pour cela.

Tout se résume dans l'expression pooling and sharing nous dit-il calmement avec un mouvement de balancier. Il s’agit de partager des ressources entre nations pour agir communément de manière plus efficace.
Plus efficace, plus intelligent, ce système demande des objectifs clairs sur des domaines de coopération identifiés au préalable. Il reste cependant ambitieux dans sa mise (temps et coût) en place, raison pour laquelle nos deux pays l’ont essayé/adopté.

La Pologne est quant à elle prête à investir dans cette collaboration. Fin septembre, le Ministre de la défense polonaise, Tomasz Siemoniak, rencontrait son homologue français, Gérard Longuet dans le cadre d’une réunion informelle des Ministres de la défense de l’UE. Ils en ont profité pour travailler sur ces questions de coopération et d'amélioration des capacités opérationnelles et de planification de l'UE et plus particulièrement de la mise en place d'un « centre d'excellence dédié à la police militaire ». Un projet qui participerait à approfondir la coopération militaire existant d'ores et déjà entre les deux pays, dans les domaines de la gendarmerie militaire et des forces spéciales.

Note de l’auteur:
Notre entretien avec le sous-secrétaire prend fin après une heure de discussion. Ce qui ressort de cette réunion est un manque de certitudes sur les futures coopérations à venir, faute de décision politique vis-à-vis d’investissements lourds, d’une situation économique mauvaise en Europe et des influences contraires de certains pays tels que les États-Unis ou encore la Russie. Malgré tout, le partenariat oriental n’apparaît pas comme une priorité dans la PSDC mais plus dans le cadre d'une politique économique d’élargissement visant à redonner de la croissance au marché intérieur de l’UE.

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