Pan-Europa

Préface de Michel Barnier
Traduction et appareil critique de Volker Klostius et Jean Spiri aux éditions Cent Mille Milliards

Pan-Europa, publié en 1923 à Vienne par Richard Coudenhove-Kalergi, est le premier ouvrage à proposer une unification des États européens en en décrivant très concrètement les étapes. Dans le contexte de l’après-Première guerre mondiale, il démontre comment seule une Europe unie pourra assurer la paix et la prospérité sur le continent, et faire face aux expansionnismes politique de la Russie et économique des États-Unis – et de l’Extrême-Orient.

Quatre ans après le Traité de Versailles, il fait d’une France et d’une Allemagne réconciliées le moteur de la future Europe – qui pour lui ne comprend pas la Grande-Bretagne, trop tournée vers son Empire et la relation transatlantique. Lutte contre les nationalismes et droit des minorités, préoccupations économiques mais aussi sociales, chemin vers une démocratie européenne fédérale : les réflexions de Pan-Europa demeurent d’actualité.

Le tournant du 26 mai 2019 en Roumanie (4)

L’enjeu économique du pays : la compétitivité et l´expertise informatique 

« Sortir du low cost, mais pour aller vers quoi ? » La Roumanie est aujourd’hui un pays d’inégalités, à 45% agricole, qui a clairement profité de son intégration à l’UE. Pour autant le salaire minimum est aujourd’hui à 450€. Une politique pro-cyclique a provoqué ces dernières années des déséquilibres et des tensions sur les finances publiques.

La Roumanie a connu une croissance importante (au premier trimestre 2019, le pays a connu 5,1% de croissance) mais fragile car issue principalement de transformation de produits importés. En parallèle, le pays connaît de l’inflation. Les facteurs de croissance sont le rattrapage de la consommation, l’exportation industrielle, l’agriculture (26% PIB) et l’informatique (6% PIB).

Nous avons tous été surpris d’apprendre que la Roumanie est, après l’Inde, un gros hub informatique, où de grosses entreprises européennes sous-traitent leur IT, voire ont leur propre service informatique. Beaucoup d´informaticiens roumains préférant émigrer, la Roumanie embauche de nombreux vietnamiens, qui sont formés dans leur pays puis embauchés en Roumanie.

En terme de finances publiques, une baisse de la TVA et des impôts très bas (IS à 16%.) génère de l’attractivité pour les entreprises étrangères, malgré des difficultés liées à l’instabilité réglementaire.

Pour ce qui concerne la France, 37 sociétés du CAC 40 sont présentes, dont Engie, Orange, Auchan, Carrefour, Thales, … En tout, 2300 entreprises françaises fonctionnent sur le marché roumain comme avec un modèle low cost.

La Roumanie entre soft et hard landing

La démographie du pays témoigne d’une dynamique difficile. Le taux de natalité est inférieur à la moyenne de l’UE et la Roumanie compte 19 millions de citoyens, dont 4 millions à l’extérieur du pays. Pourtant le pays compte certains champions nationaux, comme Bit Defender, la licorne UIPath ou encore Dacia (8% des exportations). L’IT représente 6% des exportations mais il s’agit principalement de centres de commande. Les Chinois sont quant à eux présents dans le cadre de leur projet BELT avec 7000 petites entreprises en Roumanie.

Le manque de perspectives s’explique également par le manque de culture de l’action publique. Il semble ainsi qu’il y ait très peu de travail interministériel, ce qui implique une réticence des responsables à prendre des décisions concertées, engageantes et de long terme. On assiste par ailleurs à un faible taux d’absorption des fonds européens car les projets ne sont pas menés jusqu’au bout.

L’ensemble de ces défis n’empêchent pas l’opinion en Roumanie d’être une des plus pro-Européennes de l’UE, anticommuniste et bien entendu anti-corruption.

40% des jeunes ont voté aux élections européennes. Ces derniers sont très sensibles aux messages véhiculés par les réseaux sociaux. Pour autant, sur le plan des tendances politiques, comme il n’y a pas de parti vert en Roumanie, il est difficile de savoir si les jeunes sont intéressés par les questions environnementales, comme ils l’ont montré un peu partout ailleurs en Europe.

Une présidence sous le signe de la « Cohésion », axée sur les droits individuels et les valeurs.

Il semble que les acteurs s’accordent pour qualifier cette présidence de réussite sur le plan logistique. Politiquement, le bilan est plus contrasté.

L’ordonnance d’amnistie a été brandie comme menace pendant six mois. Le pays a été menacé de déclanchement de l’Article 7 (comme la Pologne) par la Commission.

Par ailleurs, en pleine présidence, le gouvernement a annoncé vouloir déménager le siège de son Ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, se désolidarisant unilatéralement de ses partenaires européens.

La présidence roumaine de l’UE fut axée sur la cohésion, la convergence, la sécurité et le rôle de l’UE à l’étranger. Mais elle a été très impactée par des incidences extérieures négatives et des imprévus, comme cela arrive de plus en plus souvent dans un environnement de plus en plus incertain.

 

 

 

Le tournant du 26 mai 2019 en Roumanie (3)

Retour sur la transition post communiste

Lors du régime totalitaire communiste, il y a dans le pays de graves pénuries de nourriture et d’énergie. Cela se traduit notamment par des hivers sans chauffage dans Bucarest et dans l’ensemble du pays, qui a laissé de forts mauvais souvenirs à nos interlocuteurs. De Décembre 1989 à juin 1990, c’est la Révolution.

De 1990 à 1996, une continuité de fait du régime politique.

Les anciens communistes se transforment en PSG, présenté comme parti “successeur” et gagnent l’élection. Ceux qui ont organisé la répression pendant la révolution restent au pouvoir (Ion Iliescu) et mènent une politique d’oubli du passé au lieu de procéder à la condamnation des crimes commis. Il n’y aura qu’un procès spectacle organisé pour Ceausescu et ses plus proches.

De facto, il y a quasi-impunité pour les responsables politiques du réseau de pouvoir.

Ils exercent un monopole sur le « grand capital », ce qui permet aux politiques et à leurs alliés de s’enrichir. C’est à cette période que l’on assiste à la naissance des oligarques de la télévision qui utilisent les médias pour aider les partis.

De 1996 à 2000, les Anti-communistes au pouvoir

Réunis dans une Convention Démocratique incluant le PNL, les anti-communistes sont malgré tout désunis. On assiste à une opposition entre responsables politiques anti-communistes et société civile anti-communiste. La Convention Démocratique disparaît en 2000.

En 2000, Iliescu, ex-communiste, revient comme Président.

Son parti devient le PSD.

C’est une période de dépolitisation de la société civile. Les ressources manquent car il y a peu d’hommes d’affaires fortunés hors du cercle des ex-communistes au pouvoir. Ceux qui le pourraient ne s’engagent pas, par peur de représailles. Les média traditionnels sont dans les mains des ex-communistes.

2004, le rapprochement avec l’Union Européenne

La population espère que l’UE va contrôler les réflexes politiques et vaincre la corruption. En réalité, l’accès privilégié de la clientèle politique aux fonds européens permet aux oligarques de s’enrichir encore plus. On peut en conclure que la lutte pour l’accès aux fonds européens a paradoxalement produit encore plus de corruption.

Il semblerait que le système fasse en sorte que le contre-pouvoir potentiel représenté par les hommes d’affaires fortunés ne fonctionne pas. En surface, le gouvernement Roumain accède aux demandes de réforme de l’Union Européenne, mais en réalité, cela ne se traduit par aucune action publique. L’influence normative de l’UE s’est traduite par un effort avant l’adhésion, mais qui a été presque stoppé après. La nécessité de plus de surveillance de la part de l’Union après l’adhésion à été évoquée, comme cela avait été le cas en Bulgarie….

Aujourd’hui, les nouveaux média ont joué un rôle important dans les Élections Européennes, mais cela ne suffit pas car ils manquent de moyens.

 

Le tournant du 26 mai 2019 en Roumanie (2)

Le double vote du 26 mai et ses implications

Il y aura semble-t-il un avant et un après 26 mai 2019 en Roumanie. Assiste-t-on à un pays qui se ressaisit ? L’avenir le dira. Mais le taux de participation pour les élections européennes, le référendum présentés le même jour et le oui à 85% aux questions posées par ce dernier donnent un signal clair.

Par le double référendum non contraignant, la population est amenée à se prononcer sur deux questions. La première porte sur l’interdiction des amnisties en faveurs de personnes condamnées pour corruption. La seconde propose quant à elle d’interdire au gouvernement de recourir à des ordonnances d’urgence dans le domaine judiciaire et à faciliter le droit de recours à la Cour constitutionnelle contre ce type d’ordonnance. Il traduit en réalité une opposition entre le président Iohannis, pro-européen et attaché à la lutte contre la corruption et le gouvernement majoritairement PSD de Sorin Grindeanu.

Malgré l’appel au boycott des partis au pouvoir, les deux propositions recueillent 85 % de votes positifs pour un taux de participation qui se révèle plus important qu’attendu et permet une validation des résultats. Ce résultat est considéré comme un désaveu de la coalition au pouvoir et un soutien à la lutte anti-corruption du président Iohannis.

Cela fait suite à une période où le gouvernement vise à dé-légitimer le discours de Bruxelles, en pleine première Présidence roumaine de l’UE…

Il semble que le parti au pouvoir ait tout fait pour empêcher la participation au référendum, notamment par une volontaire désorganisation des élections dans les consulats et la mise en option du vote, alors que les citoyens sont invités à s’exprimer également sur le sujet européen. En effet, les Socio-démocrates du PSD, au pouvoir depuis plusieurs années, sont associés à une forte corruption et à une politique nationaliste, anti-multinationales, présentée comme antidote aux pressions de l’UE.

Les Roumains ont ainsi assisté pendant deux ans et demi à la montée d’une propagande sur un prétendu «Etat parallèle» A cela s’ajoute le fait que les principaux médias étant contrôlés par les Sociaux Démocrates et le parti conservateur, les seuls journalistes vraiment indépendants aujourd’hui s’avèrent être des blogueurs ou des ONG, avec des moyens de diffusion bien moindres.

Le 26 mai, 43% des citoyens se sont mobilisés pour aller voter. Ils ont exprimé un vote majoritairement en faveur des partis pro-européens et contre les socio-démocrates nationalistes qui n’ont obtenu que 22% des votes. Avec le référendum, suffisamment de citoyens ont participé et voté « contre la corruption » pour que cela conduise à l’arrestation du leader du parti PSD Liviu Dragnea, condamné en 2012 pour manipulation des résultats d’un référendum.

Selon les observateurs, une nouvelle ère commence peut-être, dans laquelle, pour rester au pouvoir, le gouvernement va devoir coopérer avec Bruxelles et se régulariser. 

Les résultats des élections européennes

Sur 32 élus au Parlement européen

-9 élus Socio-démocrates proches de l’Eglise orthodoxe

-9 élus Parti national libéral PNL (PPE), parti du président qui représente notamment la minorité allemande

-9 élus Coalition Alliance 2020 (Union Sauvons la Roumanie + Parti PLUS de Dacian Ciolos

-2 élus Pro Romania

-2 élus UDMR, parti hongrois

-1 élu PMP

A suivre…

Le tournant du 26 mai 2019 en Roumanie (1)

par Aymeric Bourdin, avec Marie-Laure Charles, Lisa Lucas-Sohet, Rolland Mougenot, Isa Schulz et Jean Spiri

Une géopolitique des confins 

Du 29 mai au 2 juin, une délégation de six membres de l’Atelier Europe a passé quatre jours à rencontrer des acteurs et observateurs du pays pour mieux comprendre ce voisin européen des confins, à la fin de sa présidence du conseil de l’UE.

Loin de certains préjugés, nous avons découvert un pays aux influences historiques multiples, à la fois latines, ottomanes et soviétiques, cherchant une voie européenne entre besoins sécuritaires, corruption structurelle et potentiel lié à ses richesses naturelles et à ses talents humains.

A l’image de nombreux pays d’Europe orientale, la Roumanie s’est résolument tournée vers les États-Unis pour ce qui concerne sa sécurité. En effet, le « parapluie militaire » de l’OTAN constitue une assurance face à la Russie, considérée comme ennemi potentiel. Pour la Roumanie qui débouche sur la mer Noire, contrôlée par la Russie, il s’agit d’une stratégie de prudence qui remonte aux premiers choix de l’ère post-soviétique.

Mais voulant également aujourd’hui intégrer le noyau dur de l’UE (Schengen, euro), les Roumains prônent un élargissement vers l’Est qui les ferait se retrouver plus au centre du continent…

Leur quasi-obsession est de rejoindre l’espace Schengen, notamment pour une question de « prestige ». Mais les insuffisances de l’Etat de droit et le niveau de corruption, ainsi que la frontière extérieure du pays qui est celle de l’UE, font que la Roumanie est perçue aujourd’hui comme un certain risque pour les pays de l’espace Schengen. Concernant Schengen, la Roumanie respecte aujourd’hui tous les critères techniques. Si elle ne fait pas encore partie de l’espace Schengen, c’est pour des raisons politiques. Sur le papier, la Roumanie devrait joindre la zone euro en 2024.

Par ailleurs, très francophile pour des raisons historiques, la Roumanie joue sa carte de pays « latin » pour se tourner vers l’Ouest de l’Europe. On perçoit partout à Bucarest une latinité affichée ainsi qu’une forte présence culturelle et linguistique de la France, considérée comme « grande sœur». A cet égard, la constitution roumaine prend exemple sur celle de la France et 300 000 Roumains vivent en France aujourd’hui.

A cela il faut ajouter que la Chine de son côté cherche à développer son influence en Europe à travers ses pays les plus orientaux. Il y aurait là une main d’œuvre bon marché et la possibilité de « négocier » avec les gouvernements… Un débat fait donc rage en Roumanie pour savoir si le gouvernement doit plutôt accepter les fonds de l’UE ou des partenariats publics-privés avec la Chine. Cette dernière requiert en effet moins de justificatifs sur la façon dont les capitaux sont utilisés.

Cela pose la question du modèle politique et social souhaité : la démocratie libérale occidentale ou le cocktail de capitalisme totalitaire issu de l’ex-communisme… En effet, aujourd’hui, la croissance économique n’est plus forcément apparentée à la démocratie, comme on nous le fait remarquer à l’European Institute of Romania.

Trois atouts : le sous-sol, le sol et les talents.  

En Roumanie, les richesses se trouvent d’abord dans le sous-sol, sous forme d’hydrocarbures, avec le pétrole de la mer Noire. Ces ressources donnent à la Roumanie une réelle indépendance énergétique, avec 70% de consommation locale.

Mais les atouts roumains se trouvent également au niveau du sol, avec une importante production agricole. C’est le cinquième pays de l’UE en termes de volume agricole et premier pour le colza. 26% de la population travaille encore dans l’agriculture, y compris celle de subsistance.

Enfin les talents constituent le troisième atout du pays. Ils sont notamment linguistiques, mathématiques, informatiques. Malheureusement, on observe un phénomène de sous-investissement en matière de santé publique, d’infrastructures et d’éducation, qui se manifeste par l’émigration de 3,5 millions de Roumains (100.000 personnes quittent le pays par an.) et une espérance de vie de 69 ans en moyenne, bien plus basse que dans les autres pays d’Europe.

La croissance y est élevée mais fragile. Cela est dû notamment à une inflation forte et à la baisse de la consommation privée ainsi qu’à une augmentation des investissements (26% du PIB) ciblée uniquement sur le secteur privé.

Des priorités de développement clairement identifiées  

Selon la Chambre de Commerce France-Roumanie, certains chantiers seraient prioritaires pour le pays :

-La réalisation d’investissements publics et la baisse des tensions sur le marché du travail (15% de postes sont vacants)

-La Roumanie doit confirmer un ancrage européen, notamment par la transformation en projets concrets des aides européennes.

-Elle pourrait améliorer la stabilité législative par la diminution du nombre d’ordonnances d’urgence, dont plusieurs centaines sont prises chaque année.

-Pour les entreprises, il s’agirait également de simplifier les interactions avec l’Etat.