Nous avons posé deux questions à Monsieur le Député européen Ambroise GUELLEC, Membre de la Commission du développement régional sur la politique d'aménagement du territoire européen:
Une
politique d'aménagement et de développement du territoire européen
est-elle encore possible dans le cadre de l'Union européenne ?
Une politique européenne d'aménagement du territoire est possible, elle est même souhaitable.
C'est justement l'objectif de la politique européenne de cohésion qui,
à travers les fonds structurels européens, œuvre depuis plus de 20 ans
maintenant, au rapprochement des régions européennes toujours plus
diverses.
D'ailleurs, cette politique d'aménagement du territoire est déjà pensée à travers la mise en place de l'Observatoire en Réseau de l'Aménagement du Territoire Européen – ORATE.
Cet Observatoire qui s'inscrit dans le cadre de l'Initiative
communautaire INTERREG III est co-financé sur un budget total de 14,46
millions d'euros à 50% par les fonds structurels. L'objectif d'ORATE
est de mieux connaître, au niveau européen, les tendances en matière
d'aménagement du territoire qui ont une influence sur le développement
de l'Union et d'encourager le développement harmonieux de l'ensemble du territoire européen, conformément à l'Article 158 du Traité
sur l'Union européenne. L'ORATE vise également à étudier la dimension
territoriale de la politique et d'autres instruments communautaires de
cohésion économique et sociale afin d'assurer une meilleure
coordination des décisions ayant un impact sur l'aménagement du
territoire.
Par exemple, l'étude1
de l'ORATE sur "Les devenirs du territoire" permet de comparer 2
scénarios de développement territorial à long terme. Un scénario
orienté vers la seule compétitivité serait de nature à engendrer une
croissance économique à court terme plus forte et l'émergence de
nouvelles technologies, mais il produirait des coûts environnementaux
et sociaux plus élevés susceptibles d'aboutir à long terme, à des
contre performances économiques et sociales.
A contrario, un
scénario orienté vers la cohésion fait ressortir un modèle plus diffus
en ce qui concerne les potentiels d'attraction et de polarisation des
aires métropolitaines. Plusieurs zones d'intégration performantes
peuvent émerger aussi bien au cœur de l'Europe que dans les zones plus
ou moins périphériques. Ce modèle de développement polycentrique
s'accompagne certes d'une croissance économique plus faible par rapport
au premier scénario, mais mieux répartie géographiquement, évitant
ainsi une polarisation, dans une zone restreinte, des conflits de
population et des pressions sociales et environnementales. Il importe
donc d'orienter encore plus efficacement les dépenses vers des projets
structurant l'attractivité de tous les territoires. Il ne faut pas oublier qu'un grand avantage de l'Europe, en matière de compétitivité, réside dans sa diversité territoriale.
Avec le Traité de Lisbonne, la cohésion territoriale
fait son entrée parmi les objectifs de l'UE ce qui permettra, par
exemple, d'exiger que la Commission Européenne analyse, avant la
présentation de toute proposition législative, quel est son impact en
termes de cohésion territoriale.
Et si telle était le cas, comment serait-elle financée ?
Si l'enveloppe budgétaire est encore conséquente (308 milliards d'euros
pour toute l'Union), les besoins des nouveaux États membres nécessitent
des investissements importants qui impliquent, dans les anciens États
membres un recentrage des priorités de financement avec des budgets réduits.
En effet, le récent élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale
et orientale s'est traduit par un accroissement important des
disparités régionales, ainsi pour la période 2007-2013 une part
essentielle des fonds structurels leur est donc réservée pour leur
permettre de rattraper progressivement leur retard.
De plus, à
l'avenir, toutes les régions européennes seront de plus en plus
confrontées à de nouveaux défis ayant un fort impact territorial : le
vieillissement démographique, la concentration urbaine, le changement
climatique, la fourniture énergétique, etc.
Pour faire face à ces défis et ne pas risquer d'accroître encore les disparités régionales ou infrarégionales au sein de l'UE, il
est essentiel que cette politique de cohésion soit maintenue et
renforcée, à la fois en terme politique et financier, et au bénéfice de
toutes les régions.
Ainsi, la rationalisation des
dépenses régionales est nécessaire et une réforme institutionnelle,
financière et politique est souhaitable dans le contexte d'une révision
du cadre financier communautaire : une politique de cohésion honnête et
efficace serait impossible sans une augmentation du budget de l'Union
européenne.
Sur ce sujet essentiel, le Parlement européen vient d'adopter à une très large majorité un rapport
(dont j'étais le rédacteur) sur la future réforme de la politique de cohésion pour l'après 2013.
Pour plus d'information sur ce sujet, voir le rapport et l'entretien vidéo sur le site d'Ambroise Guellec .
L'Atelier Europe remercie chaleureusement Monsieur le Député européen pour sa participation aux Lundis de l'Europe.
1: "Les devenirs du territoire en 2030. Scénarios territoriaux pour l'Europe", ESPON 2006.