Instaurer une mobilité de terrain pour les fonctionnaires de la Commission

par Emmanuel Vivet, mars 2017

Pour se réinventer et rester pertinente dans ce monde complexe, l’Europe a besoin de davantage de matérialité, d’expérience et de sens des réalités.

Observons la Commission européenne. Ses cadres sont de bon niveau, ayant réussi un concours difficile vers 25 ou 30 ans. Mais leur carrière se déroule presque exclusivement dans les institutions européennes. Ils travaillent ainsi jusqu’à leur retraite, évoluant d’une direction à l’autre, sans quitter Bruxelles. Cette situation n’est pas saine car elle ne permet pas un croisement suffisant avec la réalité et les ressentis du terrain. Il en allait différemment autrefois, dans les années 1960, quand les nouveaux venus européens étaient d’anciens fonctionnaires nationaux qui avaient connu une première carrière dans leur pays. Le lien avec le terrain est essentiel.

La Commission a tenté d’infléchir ce biais en rendant obligatoires les « études d’impact » en parallèle de toutes ses nouvelles propositions législatives. Mais l’exercice reste assez formel, et continue de se dérouler à Bruxelles.

De leur côté, les Etats-membres se sont approprié le mode de fonctionnement européen : leurs fonctionnaires « apprennent l’Europe ». Le système des « experts nationaux détachés » (END) fonctionne à plein et représente près d’un cadre sur dix au sein de la Commission. Ces cadres, payés à moitié par leur pays et à moitié par la Commission, aident sur des sujets pointus et apportent, pendant deux ou quatre ans, leur expérience. La France, avec environ 120 END, est le premier Etat sur la liste. Pourquoi ne pas imaginer l’inverse : que les cadres de la Commission soient invités à effectuer une partie de leur carrière européenne dans les Etats membres, « apprenant l’Europe de terrain » à leur tour ?

Proposition : Exiger de la Commission qu’elle modifie ses règles de promotion interne afin que nul ne puisse être promu au niveau de chef d’unité ou de directeur s’il n’a pris le temps d’une période significative (par exemple deux ans) de détachement dans l’administration d’une région européenne, dans l’administration d’un Etat membre ou dans une entreprise.

Bien sûr on pourrait ajouter que la mobilité doive s’effectuer préférentiellement vers un pays autre que le pays d’origine du fonctionnaire afin d’éviter les conflits de légitimité pendant la durée du détachement.

Notons au passage que le détachement est déjà possible, dans le sens où un fonctionnaire européen peut effectuer une mobilité dans un Etat membre. Cependant cette possibilité n’est pas utilisée, principalement en raison du niveau des salaires à la Commission et de la qualité de vie à Bruxelles, qui dissuadent un fonctionnaire de quitter volontairement les institutions. C’est pourquoi la mise en place d’une règle est seule à même de créer ce mouvement, nécessaire, des cadres européens vers le terrain.

Poésie des organigrammes : le collège se plie en 7

Avez-vous remarqué comme la presse relate les Conseils européens mais jamais les réunions du Collège des commissaires? Pourquoi ne parle-t-on jamais de l’organe suprême de la Commission?

Le président Juncker, semble-t-il, a décidé de s’attaquer au fonctionnement interne du Collège, et les organigrammes que l’on trouve sur le site de la Commission donnent une idée de la révolution qui vient de se produire au Berlaymont. Nous disons: tant mieux!

Le problème était que dans sa forme « barrosienne », le Collège n’est réputé ni pour ses débats internes, ni inversement pour son unité. On écoute le président ou les commissaires, pas le débat. La Commission n’est guère collégiale. Ces dernières années, avec les élargissements successifs, c’est même plutôt la dérive gouvernementale de l’institution qui a été constatée. Continuer la lecture de « Poésie des organigrammes : le collège se plie en 7 »

10 Propositions pour l’Europe: 10) Harmoniser les pratiques de lobbying au sein de l’UE

Le lien entre la société civile et les pouvoirs publics est très marqué par la défiance du premier vis-à-vis du second. Par ailleurs la prise en compte de l’expertise des parties prenantes n’est pas assurée comme elle le devrait dans l’ensemble des pays européens. En France particulièrement, où l’activité dite de « lobbying », n’obéit pas à proprement parler à des règles de transparence et d’égalité des armes. Aussi, afin de donner une couleur plus démocratique à la gouvernance de l’Union, la confiance de la société civile et des administrés dans le système politique européen et national doit être rétablie. La transparence dans l’activité d’influence et dans les débats réalisés entre organisations et décideurs devra être assurée. Cela permettrait par ailleurs d’accroître la qualité des normes et leur pertinence tant économique que sociale.

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10 Propositions pour l’Europe: 9) Créer une plateforme mi-associative mi-politique pour les élections de 2014

Contradiction de l'histoire, le « besoin d’Europe », économique et politique, est réel et même pressant dans un contexte de crise, tandis que la critique de l’Union européenne continue de prendre de l’ampleur. Le tissu associatif européen est dense mais il est inaudible dans l'ensemble de la population du fait d'une culture de l'entre soi qui nuit terriblement à l'Union. En parallèle, la classe politique devient de plus en plus défensive sur les questions européennes, comme l'a démontré la campagne présidentielle en France. Un apport utile serait de se fixer un objectif naturel, les élections européennes de 2014, pour rassembler les forces européennes, associatives et politiques (à titre individuel voire pour certaines structures), via une plateforme fédéraliste réunissant les idées constructives pour l’Europe.

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10 Propositions pour l’Europe: 8) La Commission comme émanation du Parlement

La Commission dite de "Bruxelles", comme si on voulait s'en distancier ou la placer au rang de simple organe administratif international, comme le FMI, pâtit d'un déficit de légitimité, au moins perçu, qui rend difficile tout approfondissement du rôle politique de l'Union. Pour y remédier, des acteurs comme Wolfgang Schäuble ont proposé d'élire le président de la Commission au suffrage universel. Une autre mesure, plus conforme à l'histoire démocratique européenne et aux constitutions des États membres, serait de parachever le processus de parlementarisation de l'Union en faisant de la Commission l'émanation du groupe ou de la coalition majoritaire à l'issue des élections européennes.

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