Avez-vous remarqué comme la presse relate les Conseils européens mais jamais les réunions du Collège des commissaires? Pourquoi ne parle-t-on jamais de l’organe suprême de la Commission?
Le président Juncker, semble-t-il, a décidé de s’attaquer au fonctionnement interne du Collège, et les organigrammes que l’on trouve sur le site de la Commission donnent une idée de la révolution qui vient de se produire au Berlaymont. Nous disons: tant mieux!
Le problème était que dans sa forme « barrosienne », le Collège n’est réputé ni pour ses débats internes, ni inversement pour son unité. On écoute le président ou les commissaires, pas le débat. La Commission n’est guère collégiale. Ces dernières années, avec les élargissements successifs, c’est même plutôt la dérive gouvernementale de l’institution qui a été constatée. En 2008, l’Irlande avait obtenu que soit prorogée indéfiniment la règle d’un commissaire par pays, en échange de son adhésion à la version 2 du traité de Lisbonne. Grave erreur! En préservant la place des petits pays dans la Commission, nos amis gaéliques ont contribué à affaiblir le Collège, à renforcer le Conseil face au Berlaymont, et donc au passage les grands États face aux petits.
Mais Juncker nous propose une solution pour re-légitimer le Collège: il crée, pour la première fois depuis 1957, une hiérarchie des portefeuilles. Autrement dit, nous avons d’une part 20 commissaires « normaux » (dont les commissaires allemand, français et britannique), et d’autre part 7 vice-présidents sans direction générale, mais avec la tâche de « guider et coordonner » leurs collègues sur un grand sujet transversal (à savoir: euro, énergie-changement climatique, marché unique numérique, emploi-croissance-compétitivité, budget-RH, politique extérieure, droits fondamentaux).
Une étude détaillée des organigrammes montre qu’un vice-président coordonnera environ 7 autres commissaires, parfois plus. Cette nouvelle organisation est permise par le traité de Lisbonne (article 17.6: « Le président… décide de l’organisation interne de la Commission, afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité des décisions »). Il suffisait de la décider, Juncker l’a fait. Notons que l’Atelier Europe, dans ses « 10 propositions pour l’Europe » en avril 2012, plaidait déjà, avec d’autres, pour une solution de ce type.
Avec des « vice-présidences horizontales », ce Collège commence enfin à ressembler à un gouvernement. Gageons que cette mesure produira quelques effets.
Emmanuel Vivet
Source: Commission européenne