L’élection d’un premier ministre d’extrême gauche, Alexis Tsipras, a jeté du sel sur les relations tendues entre la Grèce et l’Union. Ce pays sort d’une période extrêmement difficile où il a perdu près de 30% de sa richesse nationale en 5 ans. Mais pour l’Union, la Grèce est aussi le miroir des insuffisances de notre gouvernance. On s’est aperçu non seulement que l’économie locale n’était pas viable mais surtout que cet État a pu pendant 30 ans être membre de l’UE alors qu’il n’était pas un État au sens moderne: fonctionnement clientéliste, ministères organisant un État dans l’État, rentrée de l’impôt aléatoire, corruption, outils administratifs désuets (tel le fameux cadastre inexistant) etc. Un immense travail de réforme a été effectué mais il n’est pas certain que la Grèce puisse le finaliser et relancer son économie dans le cadre de la zone euro, peut-être avons-nous atteint les limites de l’acceptable pour la population grecque. Et ce que ne semblait pas avoir mesuré M. Tsipras, c’est que la lassitude est immense aussi du côté des autres membres de l’Eurogroupe (Cf réaction virulente de l’Espagne). Continuer la lecture de « L’interminable crise grecque ou la nécessité d’une transgression »
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Poésie des organigrammes : le collège se plie en 7
Avez-vous remarqué comme la presse relate les Conseils européens mais jamais les réunions du Collège des commissaires? Pourquoi ne parle-t-on jamais de l’organe suprême de la Commission?
Le président Juncker, semble-t-il, a décidé de s’attaquer au fonctionnement interne du Collège, et les organigrammes que l’on trouve sur le site de la Commission donnent une idée de la révolution qui vient de se produire au Berlaymont. Nous disons: tant mieux!
Le problème était que dans sa forme « barrosienne », le Collège n’est réputé ni pour ses débats internes, ni inversement pour son unité. On écoute le président ou les commissaires, pas le débat. La Commission n’est guère collégiale. Ces dernières années, avec les élargissements successifs, c’est même plutôt la dérive gouvernementale de l’institution qui a été constatée. Continuer la lecture de « Poésie des organigrammes : le collège se plie en 7 »
Froideur européenne et bouillonnement balkanique
Une revue sur la sexualité, au Kosovo. À l’intérieur, des articles sur la séduction, sur l’homosexualité, sur les discriminations subies par des jeunes femmes dans une société où le non-dit fait beaucoup souffrir. La parution de ce numéro a provoqué une grande discussion publique et une agression en pleine rue, dans un stand où ce magazine se vendait. Les coupables ont aussitôt été condamnés par les tribunaux et par une large partie de la population.
Ce micro-évènement témoigne d’un mouvement plus large dans les Balkans: une société civile se réveille après des décennies de système communiste, de guerres ethniques et d’intervention occidentale. En Bosnie, des regroupements de citoyens baptisés « plenum » se sont organisés depuis les manifestations anti-gouvernementales de février 201. Un an auparavant, le gouvernement bulgare était tombé lors de mouvements de protestation qui dénonçaient la hausse des factures d’électricité et la corruption rampante.
L’Union européenne (UE) peut se féliciter d’une dynamique qui va dans le sens de son esprit de liberté et de justice. Mais la nouvelle Commission Juncker a bien fait entendre qu’elle n’appuierait pas l’entrée de nouveaux pays dans l’UE au cours de ces cinq prochaines années. Une déclaration qui vise principalement les Balkans de l’ouest, et notamment la Serbie. Jean Claude Juncker justifie cette décision par un besoin de stabiliser l’Europe à 28, la Croatie ayant récemment intégré l’Union en 2013, et par la nécessité d’accélérer le rythme des réformes dans la zone. L’opinion publique européenne joue un rôle dans ce tableau: le soutien à l’intégration de nouveaux membres est tombé aux alentours de 20-25%, et les élargissements récents nourissent les arguments de nombreux partis populistes. Continuer la lecture de « Froideur européenne et bouillonnement balkanique »
UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (2/2)
Faute d’une intégration pleine et entière à l’Occident, l’Ukraine reste tributaire de la politique russe. La Russie est le premier partenaire économique du pays, de nombreux Ukrainiens (dont le Président) ont le russe pour première langue, et le chef de l’État souhaite conserver d’étroites relations avec Moscou. Mais les objectifs de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine posent problème. Le gouvernement russe souhaite intégrer l’Ukraine dans une Union douanière dont font déjà partie la Biélorussie et le Kazakhstan: un projet qui fermerait toute perspective d’intégration européenne. Et la menace d’un nouveau conflit énergétique reste plus que jamais d’actualité. Ici, le motif spontané du conflit (la querelle sur le prix, qui ne peut qu’opposer le fournisseur russe à son client ukrainien) se trouve exacerbé par plusieurs facteurs: la personnalisation des intérêts en jeu (certains oligarques ainsi que les électeurs de Viktor Ianoukovitch étant les plus intéressés à obtenir un rabais gazier, indispensable à la viabilité de l’industrie ukrainienne) ; la détermination du président ukrainien à renégocier l’accord de fourniture conclu en 2009 par son adversaire Yulia Timochenko (incarcérée aujourd’hui, à la suite d’un procès que beaucoup, en Ukraine et en Europe, considèrent comme politique), demande catégoriquement rejetée par les dirigeants russes; et l’enjeu capital du transit vers l’Europe. Héritage là encore de l’Union soviétique, 80% des importations européennes de gaz russe transitent par l’Ukraine. Ce fait constitue tout à la fois une garantie de survie pour les Ukrainiens et une hypothèque permanente pour les Européens et les Russes. Depuis plusieurs années, et plus encore depuis la crise gazière de janvier 2009, ces derniers sont décidés à lever cette hypothèque. D’où les projets de gazoducs Nordstream et South Stream, destinés à alimenter directement les grands marchés européens en contournant les pays de transit. À défaut, la Russie est déterminée à prendre le contrôle des gazoducs ukrainiens, via une joint venture entre Gazprom et l’entreprise ukrainienne Naftogaz – un projet catégoriquement rejeté par Kiev.
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UE – Ukraine: Je t’aime, moi non plus (1/2)
Depuis l’élection à la présidence de Viktor Ianoukovitch, la position internationale de l’Ukraine semble se heurter à une double impossibilité: impossibilité d’un rapprochement durable avec l’Union européenne, compte-tenu du poids des intérêts et oligarchies qui entourent le nouveau Président et son parti et interdisent toute réforme en profondeur de l’État et de l’économie; et impossibilité d’une réconciliation pérenne avec la Russie, du fait de la persistance du conflit énergétique et de l’incapacité des dirigeants des deux pays à s’accorder sur une solution mutuellement satisfaisante.
Jusqu’à présent, Viktor Ianoukovitch a su recourir à des expédients (le plus fameux étant l’accord d’avril 2010 dit « flotte contre gaz », prolongeant la présence à Sébastopol de la flotte russe en échange d’une diminution conséquente mais temporaire du prix du gaz importé) qui lui ont permis de repousser les choix décisifs. Pour combien de temps encore l’Ukraine est-elle en mesure de poursuivre durablement sa politique du « muddle through », grâce à une suite continue d’arrangements ponctuels avec ses voisins? Ou les contradictions de sa situation l’obligeront-elles au contraire finalement à accepter les conditions de l’un ou de l’autre, à adopter franchement le « modèle européen » ou à entrer dans une communauté économique et énergétique dominée par la Russie. Inutile de préciser que les conséquences de tel ou tel choix pour la géopolitique régionale et la sécurité intérieure et extérieure du pays, sont très différentes.
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