La Hongrie d’Orbán, laboratoire anti-européen ?

Synthèse du voyage d’étude
pour la présidence hongroise du Conseil de l’UE (octobre 2024)

Par Michaël Malherbe, Secrétaire Général

La Hongrie de Viktor Orbán, au pouvoir sans discontinuer depuis 2010, s’est progressivement transformée en un laboratoire d’une nouvelle forme de démocratie « dévoyée » dont nous aurons à affiner la définition. Derrière ce vernis démocratique se dissimule un système sophistiqué de contrôle, de manipulation et de corruption, minant les fondements mêmes de l’État de droit. Ce papier, basé sur le voyage d’étude de l’Atelier Europe lors du semestre de présidence du Conseil de l’UE par la Hongrie, approfondit des entretiens menés avec des acteurs de la société civile, décortique les mécanismes de ce régime et explore des voies de résistance dans un environnement hostile. Comment un État membre défie-t-il les principes qui fondent l’Union ? Comment l’Europe gère-t-elle en son sein un régime qui érode les fondements de l’État de droit, instrumentalise la justice et musèle la presse ? Le cas hongrois est un test grandeur nature pour l’UE. Saura-t-elle relever le défi et protéger son modèle démocratique ? Ou bien laissera-t-elle la tentation autoritaire se propager, menaçant peut-être l’avenir même du projet européen ?

La méthode Orbán : un cocktail explosif de contrôle, de nationalisme et de désinformation

Lorsqu’on écoute différents acteurs de la société civile du pays, on mesure l’emprise du système Orbán sur la Hongrie, qui repose aujourd’hui sur une stratégie méthodique et multiforme. Le premier pilier en est le démantèlement systématique des institutions démocratiques. La Cour constitutionnelle, autrefois garante de la Constitution, a été vidée de sa substance. Le système judiciaire est désormais sous influence, les juges étant nommés et destitués par un organe contrôlé par le pouvoir. L’audiovisuel public, transformé en instrument de propagande, relaie sans relâche la propagande du gouvernement.

Le deuxième pilier est la construction d’un récit national victimaire. Viktor Orbán se pose en défenseur d’une Hongrie qui serait assiégée, menacée par les migrants, George Soros et les élites « globalistes ». Ce discours, teinté de xénophobie et de complotisme, exploite les peurs et les frustrations d’une partie de la population, nostalgique d’un passé idéalisé.

Enfin, le troisième pilier est l’utilisation massive de la désinformation. Un vaste réseau de médias, financés par l’État et des oligarques proches du pouvoir, inonde le pays de fake news et de propagande pro-gouvernementale. Cette machine cible particulièrement les personnes âgées et les populations rurales, moins exposées à des sources d’information alternatives.

L’économie hongroise : un jeu  dangereux d’équilibriste

Malgré sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, la Hongrie a su tirer profit de son intégration au marché européen notamment grâce à l’industrie automobile, moteur essentiel de la croissance, avec par exemple la présence d’usines Audi et Mercedes. Mais cette prospérité, largement financée par les fonds européens, masque une réalité plus sombre : une corruption endémique, un manque de transparence et une dépendance croissante aux investissements étrangers. Orbán joue un jeu dangereux, défiant Bruxelles tout en profitant des financements de l’UE.

Au cœur de la pensée Orbániste : un conservatisme réactionnaire

Aujourd’hui l’idéologie d’Orbán, promue par des think tanks et institutions académiques, s’avère un mélange de conservatisme nostalgique, de nationalisme exacerbé et de rejet des valeurs modernes. L’Europe, perçue comme décadente et en déclin, est accusée de vouloir imposer un modèle libéral destructeur des valeurs traditionnelles. Ce discours, qui trouve un écho dans d’autres pays d’Europe, représente un défi majeur pour l’unité et l’avenir du projet européen.

La résistance s’organise : David contre Goliath

Malgré l’emprise du Fidesz sur la société hongroise, des îlots de résistance persistent, portant la flamme d’une démocratie en sursis. Péter Magyar et son parti Tisza, né de la volonté de rassembler les forces d’opposition, incarnent l’espoir d’une alternative politique crédible. Leur discours, centré sur la lutte contre la corruption, la défense de l’État de droit et le retour à une Hongrie européenne et ouverte sur le monde, séduit une partie croissante de la population, notamment les jeunes et les urbains.

Mais la tâche est immense. Face à un pouvoir qui contrôle la quasi-totalité des médias, l’opposition a du mal à se faire entendre. Les espaces de liberté d’expression se réduisent comme peau de chagrin. Les ONG, souvent accusées de collusion avec des puissances étrangères, sont soumises à des pressions constantes, voire à des campagnes de harcèlement. Les journalistes indépendants, menacés et intimidés, sont de plus en plus nombreux à choisir l’exil.

Malgré ces difficultés, la société civile continue de se mobiliser. Des manifestations, rassemblant des milliers de personnes, ont lieu régulièrement pour protester contre les dérives autoritaires du régime. Des initiatives citoyennes, comme la création de médias indépendants en ligne, tentent de contourner la censure et d’informer la population.

Une Hongrie résiliente : solutions et modèles alternatifs

L’ancien Commissaire européen László Andor, fort de son expérience au sein de la Commission Barroso II, souligne l’importance d’une application rigoureuse du droit européen, notamment à travers la procédure d’infraction. Cet outil, permettant de sanctionner les violations de l’État de droit, doit être utilisé avec plus de fermeté et de rapidité pour dissuader les dérives autoritaires.

Parallèlement, la lutte contre la désinformation doit être renforcée. Des initiatives concrètes, comme le développement de programmes d’éducation aux médias et la mise en place de sanctions contre les plateformes qui diffusent des fake news, sont essentielles pour protéger les citoyens et préserver l’intégrité du débat démocratique.

Enfin, l’héritage d’Otto de Habsbourg, avec sa vision d’une Europe fédérale, subsidiaire et sociale, offre un modèle alternatif inspirant. Son engagement pour une Europe unie, respectueuse des diversités nationales et fondée sur des valeurs humanistes, reste plus que jamais d’actualité afin de construire une Europe plus résiliente face aux menaces populistes et autoritaires.

L’influence de Trump et Musk : le spectre d’un monde post-démocratique

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et l’influence grandissante d’Elon Musk sur l’Europe avec son discours anti-système et son mépris des règles, représentent outre-Atlantique une menace sérieuse pour la démocratie en Europe. Trump, avec son nationalisme exacerbé et sa rhétorique anti-européenne, pourrait encourager d’autres dirigeants populistes à défier les institutions et les valeurs de l’UE. Musk, avec son pouvoir médiatique et sa fortune, promeut une vision libertarienne du monde, où les régulations et les institutions sont perçues uniquement comme des freins à l’innovation et à la liberté individuelle.

Ce contexte international délétère pourrait affaiblir encore davantage l’UE et encourager les dérives autoritaires au sein de ses États membres. L’Europe doit se réveiller et prendre conscience du danger. Elle doit défendre avec force ses valeurs démocratiques et promouvoir une vision positive de l’avenir, fondée sur la coopération, la solidarité et le respect des droits fondamentaux. L’enjeu est crucial : il ne s’agit de rien de moins que de préserver l’avenir de la démocratie dans le monde.

L’Europe à la croisée des chemins : un sursaut démocratique est-il encore possible ?

Le cas hongrois est bien un avertissement pour l’Europe. Il démontre que la démocratie, même au sein de l’UE, n’est jamais acquise. Elle est un combat permanent, qui exige vigilance et détermination. Face à la montée des populismes, à la propagation de la désinformation et aux tentations autoritaires, l’Europe doit réaffirmer avec force ses valeurs fondamentales : liberté, démocratie, État de droit, respect des droits humains.

L’UE ne peut se contenter de condamner les dérives du régime Orbán. Elle doit agir concrètement pour protéger les citoyens hongrois et préserver l’intégrité de son espace démocratique. Cela passe par une réforme des mécanismes de sanction, par une lutte plus efficace contre la désinformation et par un soutien accru aux acteurs de la société civile qui luttent pour la démocratie et l’État de droit.

L’Europe doit également réinventer sa communication et proposer une vision positive et inspirante où les citoyens européens, forts de leurs valeurs communes, pourront construire ensemble un monde plus juste, plus durable et plus démocratique. Le défi est immense, mais l’espoir est permis. L’Europe a les ressources et la capacité de relever le défi et de montrer la voie vers un avenir meilleur.

Tracer l’avenir de la compétitivité de l’UE

 

UNE ANALYSE COMPAREE DES RAPPORTS DRAGHI ET LETTA

Par Michaël Malherbe, Secrétaire général de l’Atelier Europe

L’Union européenne navigue dans un paysage mondial turbulent, marqué par une convergence de défis sans précédent pour sa compétitivité économique et son statut global. La guerre en Ukraine, les tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine, la montée du protectionnisme et les effets persistants de la pandémie de COVID-19 ont mis en lumière les vulnérabilités du modèle économique de l’UE et amplifié la pression sur son marché unique, longtemps considéré comme le moteur de sa prospérité.

Dans ce contexte, deux rapports influents ont émergé, offrant des visions distinctes et complémentaires pour revitaliser le marché unique et renforcer la croissance et la compétitivité de l’UE : l’un dirigé par l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, et l’autre par l’ancien Premier ministre italien, Enrico Letta. Quelle analyse comparative de ces rapports, en examinant leur vision commune, leurs approches divergentes et leurs implications critiques pour la politique de l’UE ? Un exercice de lecture croisée pour montrer les convergences et les complémentarités.

Vision partagée : nombreux domaines de convergence

Malgré leurs différences, les rapports Draghi et Letta convergent sur plusieurs points cruciaux, reflétant un diagnostic partagé des défis et des opportunités de l’UE. Les deux rapports soulignent de manière catégorique la nécessité urgente de renforcer et de compléter le marché unique, le reconnaissant comme le fondement de la compétitivité de l’UE. Ils mettent en avant l’importance critique de la transformation numérique, reconnaissant le retard de l’UE dans des technologies clés comme l’intelligence artificielle, la blockchain et l’informatique quantique, et appelant à des efforts concertés pour combler cet écart.

Les deux rapports plaident pour un investissement accru dans la recherche et le développement (R&D), appelant à un financement plus substantiel et coordonné au niveau de l’UE pour l’innovation. Ils insistent également sur la nécessité de réduire la fragmentation dans des secteurs cruciaux tels que l’énergie, les services numériques et les marchés de capitaux pour créer de véritables marchés européens intégrés capables de rivaliser à l’échelle mondiale.

Le développement des compétences et l’éducation occupent une place importante dans les deux analyses, reconnaissant le capital humain comme un pilier de la compétitivité future. Les rapports appellent également à une approche plus coordonnée de la politique industrielle au niveau de l’UE, allant au-delà du patchwork actuel de stratégies nationales pour répondre efficacement aux défis posés par la concurrence mondiale et les disruptions technologiques.

La simplification réglementaire, en particulier pour réduire les charges pesant sur les PME, est un autre domaine de convergence. Draghi et Letta soulignent l’importance de l’autonomie stratégique et de la réduction des dépendances dans des domaines critiques tels que les semi-conducteurs, les matières premières critiques et les énergies, une leçon soulignée par les récentes crises mondiales.

Approches divergentes : Principales différences

Bien que les rapports partagent de nombreux objectifs, leurs méthodes proposées et leurs domaines de concentration divergent, reflétant des perspectives différentes sur le rôle de l’UE, l’équilibre entre les forces du marché et l’intervention publique, et l’importance des considérations sociales.

Mécanismes de financement : Un point de divergence clé réside dans les mécanismes de financement proposés. Le rapport Draghi préconise des programmes de financement et d’investissement à grande échelle au niveau de l’UE, envisageant une approche plus centralisée de l’allocation des ressources, potentiellement par des mécanismes tels que les obligations de l’UE ou en utilisant le Mécanisme européen de stabilité (MES). En revanche, le rapport Letta met davantage l’accent sur la mobilisation du capital privé et la création de conditions pour des investissements dirigés par le marché, par exemple via une « Union de l’épargne et des investissements » basée sur l’Union des marchés de capitaux incomplète.

Modèles de gouvernance : Les rapports divergent également sur leurs modèles de gouvernance préférés. La vision de Draghi penche vers une gouvernance plus centralisée de l’UE dans les domaines stratégiques, potentiellement par un nouveau « Cadre de coordination de la compétitivité » doté de pouvoirs renforcés pour la Commission européenne. Letta, en revanche, se concentre sur l’amélioration de la coordination entre les niveaux national et de l’UE, maintenant un équilibre des compétences et plaidant pour un rôle plus fort des partenaires sociaux et de l’engagement des citoyens.

Révision des traités : Tandis que certaines recommandations de Draghi envisagent des évolutions des traités, Enrico Letta plaide pour des évolutions à périmètre constant :

  • Gouvernance centralisée de l’UE : La vision de Draghi va au-delà des dispositions actuelles du traité, elle pourrait nécessiter des changements dans la répartition des compétences entre l’UE et les États membres.
  • Programmes de financement et d’investissement de l’UE à grande échelle : Selon l’ampleur et la nature des mécanismes de financement proposés, le rapport Draghi nécessiterait des changements dans les processus budgétaires de l’UE ou les dispositions financières telles que décrites dans les traités.
  • Consolidation des entreprises de l’UE : Les recommandations du rapport Draghi nécessiteront des modifications du traité pour le droit de la concurrence ou la politique industrielle de l’UE qui vont au-delà des dispositions actuelles du traité.
  • Financement renforcé de la R&D et de l’innovation au niveau de l’UE : Sans nécessiter la création de nouvelles institutions au niveau de l’UE, des modifications significatives du mandat des institutions existantes pourraient justifier des modifications du traité.
  • Mesures d’autonomie stratégique : Selon leur portée, ces mesures pourraient nécessiter des changements dans les compétences de l’UE en matière de politique commerciale.

Échelle des entreprises : Les rapports diffèrent dans leur approche de l’échelle des entreprises. Le rapport Draghi met l’accent sur la nécessité de consolider les entreprises de l’UE pour atteindre une compétitivité mondiale, en particulier dans des secteurs clés comme les nouvelles technologies. Draghi soutient que l’UE doit créer des « champions européens » capables de rivaliser avec les géants américains et chinois. Letta, en revanche, met davantage l’accent sur le soutien aux PME et leur intégration dans le marché unique, plaidant pour un « Code européen du droit des affaires » afin de simplifier les opérations transfrontalières et de réduire les charges réglementaires.

Dimension sociale : Le rapport Letta se distingue par son accent plus fort sur la dimension sociale du marché unique, introduisant le concept de « liberté de rester » aux côtés de la liberté de circulation. Cela reflète une vision plus holistique de la compétitivité qui équilibre les objectifs économiques et sociaux, reconnaissant la nécessité de traiter les disparités régionales, la fuite des cerveaux et le potentiel de dumping social. Letta propose un « Vice-président pour la liberté de rester » au sein de la Commission européenne pour assurer la cohérence des politiques dans les domaines pertinents.

Focus sectoriel : Alors que le rapport Draghi se concentre davantage sur des secteurs stratégiques spécifiques comme les semi-conducteurs, les technologies propres et la défense, Letta adopte une approche plus large, examinant le marché unique dans son ensemble et soulignant la nécessité d’une stratégie globale qui englobe tous les secteurs et aborde des questions transversales comme le développement des compétences, la simplification administrative et la protection des consommateurs.

Engagement des citoyens : Enfin, le rapport Letta met davantage l’accent sur l’engagement des citoyens et la légitimité démocratique dans la gouvernance du marché unique, proposant des mécanismes pour une participation publique accrue, tels qu’une « Conférence permanente des citoyens » pour fournir des contributions sur les politiques du marché unique.

Analyse critique

Les deux rapports offrent des perspectives et des stratégies précieuses, chacun avec ses propres forces et défis potentiels. L’approche de Draghi, avec son accent sur l’action centralisée et le financement à grande échelle, pourrait potentiellement conduire à des changements rapides dans des secteurs clés et accélérer la réponse de l’UE à la concurrence mondiale. Cependant, elle pourrait rencontrer une résistance politique des États membres réticents à céder plus de pouvoir à Bruxelles et des préoccupations concernant le potentiel de distorsions du marché et de risque moral.

La vision de Letta, axée sur la coordination, la mobilisation du capital privé et le renforcement de la dimension sociale, pourrait s’avérer plus politiquement acceptable et adaptable aux divers contextes nationaux. Cependant, elle pourrait avoir du mal à générer l’ampleur des ressources nécessaires pour des investissements transformateurs dans des domaines comme l’IA ou les technologies vertes et pourrait trop compter sur les forces du marché pour relever les défis systémiques.

Implications pour la politique de l’UE

Les rapports Draghi et Letta ne sont pas mutuellement exclusifs, et une synthèse de leurs recommandations pourrait fournir une stratégie globale pour renforcer la compétitivité de l’UE. Par exemple, combiner les propositions de financement ambitieuses de Draghi avec l’accent de Letta sur le capital privé et les considérations sociales pourrait aboutir à une approche équilibrée et efficace.

À court terme, les décideurs de l’UE devraient se concentrer sur les domaines de convergence entre les rapports, tels que :

  • Accélérer la transformation numérique : Cela inclut l’investissement dans des technologies clés, le développement de compétences numériques et la création d’un marché unique numérique plus intégré.
  • Renforcer le développement des compétences et l’éducation : Cela implique de réformer les systèmes éducatifs, de promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie et d’attirer les talents mondiaux.
  • Réduire la fragmentation du marché : Cela nécessite de compléter le marché unique dans des secteurs clés, d’harmoniser les réglementations et de simplifier les procédures administratives.

Les considérations stratégiques à long terme devraient inclure :

  • Trouver un équilibre entre l’action centralisée et la coordination des États membres : Cela nécessite une approche nuancée qui respecte la souveraineté nationale tout en assurant l’efficacité au niveau de l’UE.
  • Équilibrer la compétitivité économique avec la cohésion sociale : Cela implique de traiter les disparités régionales, de promouvoir des conditions de travail équitables et de garantir que les avantages du marché unique sont largement partagés.
  • Positionner l’UE dans la course technologique mondiale : Cela nécessite des investissements stratégiques en R&D, le soutien aux écosystèmes d’innovation et le développement d’une politique industrielle robuste.

Les rapports Draghi et Letta offrent des visions complémentaires pour renforcer la compétitivité de l’UE par un marché unique revitalisé. Bien qu’ils diffèrent dans leur approche, ils soulignent tous deux la nécessité urgente d’agir pour sécuriser l’avenir économique de l’Europe. À mesure que l’UE avance, elle doit trouver une voie qui combine ambition et pragmatisme, dynamisme économique et responsabilité sociale, et un engagement envers les marchés ouverts avec une reconnaissance de la nécessité d’une autonomie stratégique. Ce n’est qu’en faisant cela qu’elle pourra espérer créer un marché unique véritablement compétitif, innovant et inclusif, à la hauteur des défis du 21e siècle.

 

Demandez le programme !

 

Quand l’envie d’Europe ne manque pas d’ambitions

par Michaël Malherbe, Secrétaire général

Les programmes des principaux partis politiques français aux élections européennes de juin 2024 dessinent des visions très variées certes, mais autour d’un point commun, une sorte d’ambition pour l’Europe. Ces visions, qui représentent la diversité des opinions relatives à la construction européenne sont malgré tout souvent positives : une « puissance » pour Renaissance, une « alliance des nations » pour le RN, une « civilisation » pour Reconquête, une Europe « à l’endroit » pour LR, une « puissance publique européenne » pour le PS, un « État providence écologique européen » pour les Écologistes ou encore une « Europe des peuples » pour le PCF.

Les différences majeures résident dans l’approche de la souveraineté, de l’économie et des transitions écologique et numérique, des frontières et même des innovations reflétant une diversité d’opinions sur le futur rôle de l’Europe, pour les Européens et dans le monde.

On peut identifier des « alliages » idéologiques qui se rassemblent au gré des programmes électoraux, autour de certaines convergences à l’échelle des grandes lignes, avant de rentrer davantage dans le détail des mesures :

  • Renaissance et Les Républicains partagent une vision d’une Europe forte et souveraine, avec un accent sur la défense et l’investissement technologique même s’ils diffèrent sur la méthode de gestion de l’économie et de la transition écologique et sur les sujets plus sociétaux.
  • Rassemblement national et Reconquête mettent l’accent sur la souveraineté nationale et la protection des frontières, avec une réticence à des intégrations européennes plus profondes, même s’ils ne franchissent pas la ligne du Frexit.
  • Place publique – PS et Les Écologistes visent une Europe écologique et sociale, avec un fort engagement en faveur des droits humains et de la justice sociale, mais les Écologistes sont plus radicaux dans leur approche environnementale et les Socialistes plus idéalistes dans les moyens budgétaires.
  • Parti communiste et LFI prônent des politiques anti-austérité et anti-libéralisation, mettant en avant la nécessité de protéger les services publics et de planifier l’économie pour assurer les transitions.Des points de divergence clés se cristallisent néanmoins rapidement à l’échelle de la vision de l’Europe : le clivage le plus « classique » oppose Renaissance, Place publique – PS, Les Écologistes qui favorisent une intégration accrue et même pour certains un fédéralisme européen, tandis que Rassemblement National, Reconquête, Les Républicains, Parti communiste et LFI prônent une Europe des nations avec divers degrés de coopération interétatique et respect de la souveraineté nationale.

Consensus de façade sur la défense

Si le sujet de la défense, afin d’assurer la sécurité des Européens, n’est oublié par aucun parti politique, derrière les convenances consensuelles autour du soutien à l’Ukraine et de la paix, ce qui se projette est bien plus que des nuances dans les mesures recommandées entre Renaissance et Les Républicains relatives au réarmement et au renforcement de la défense européenne, tandis que Rassemblement National et Reconquête sont minimalistes sur le sujet et que Parti communiste et LFI se placent sur la ligne d’une politique de paix, contre l’escalade militaire.Si l’on entre dans les détails, Renaissance veut une force armée de réaction rapide, le Rassemblement National une coopération industrielle sur des projets de défense, Reconquête vise le réarmement de l’économie européenne et la défense des intérêts français. Les Républicains visent à un renforcement militaire pour affronter les menaces extérieures. Place publique – PS veulent donner à l’Europe les moyens de se défendre, Les Écologistes bâtir une politique de diplomatie et de défense commune pour la paix, le Parti communiste promouvoir la paix et la sécurité collective et LFI fait la promotion d’un cessez-le-feu immédiat dans les zones de conflit.

Quelle transition ?

Sur l’énergie et le climat, l’une des principales préoccupations des citoyens, les lignes de fractures se recomposent différemment autour d’un seul axe, avec Renaissance et Les Écologistes, réunis autour d’objectifs ambitieux pour la transition énergétique et la protection de l’environnement, tandis que Reconquête est à l’autre extrémité sur une position de scepticisme climatique et d’opposition au pacte vert. Entre les deux, Les Républicains ou le Parti communiste se positionnement à mi-chemin en faveur d’une transition écologique avec soutien à l’industrie et souveraineté énergétique.

Là encore, plus dans le détail, les divergences se précisent davantage. Renaissance veut reprendre le destin énergétique en main avec une priorité au nucléaire et aux renouvelables tandis que le Rassemblement National cherche la souveraineté énergétique sans dépendance excessive aux énergies renouvelables. Reconquête s’oppose au pacte vert et promeut des énergies traditionnelles tout en intégrant des innovations écologiques. Les Républicains encouragent le progrès et la science pour affronter le changement climatique. Place publique – PS veulent créer une agence de planification écologique européenne, Les Écologistes sont sur l’objectif de 100% d’énergies renouvelables d’ici 2040, le Parti communiste se fait le chantre de la promotion d’une écologie populaire et de la souveraineté énergétique et LFI plaide pour la planification écologique européenne.

Autour de l’économie, les lignes de partage retrouvent des modes de différenciation propre à la vie politique parlementaire française contemporaine. Renaissance plaide pour l’Union de l’épargne et de l’investissement et 1 000 milliards d’euros pour faire face aux chocs écologique, technologique et sécuritaire, tandis que Rassemblement National et Reconquête sont favorables au protectionnisme et à la souveraineté économique. Place publique – PS et Les Écologistes se rejoignent autour de la réindustrialisation et de la transition écologique de même que Parti communiste et LFI, contre les règles d’austérité et pour la redistribution des richesses.

Pour trouver les lignes de fracture les plus sensibles, les migrations illustrent la diffraction de la société française où il peut être utile de distinguer chaque force politique: Renaissance propose un contrôle renforcé des frontières et une coopération entre les polices et services de justice. Le Rassemblement National veut réhabiliter les frontières nationales et mettre en place une « double frontière » ainsi que renvoyer les migrants illégaux avec l’aide de Frontex. Reconquête fait de la surenchère avec la mise en place d’une triple-frontière ainsi que l’expulsion et la remigration des clandestins. Les Républicains visent sobrement à maîtriser les frontières extérieures. A gauche, les positions évoluent entre Place publique – PS pour l’harmonisation des procédures d’asile et la création d’un espace européen de protection des demandeurs d’asile ; Les Écologistes sont en faveur d’une politique d’accueil juste et digne; le Parti communiste pour une politique migratoire plus humaniste et le respect des droits des migrants et LFI plaide pour l’organisation d’un accueil coordonné et digne et la garantie du droit d’asile sur le sol européen.

Sur l’innovation et les technologies, c’est l’opportunité de se différencier tant par les absences, comme l’intelligence artificielle peu mentionnée, que par les présences : Renaissance et Les Républicains plaident pour des investissements dans les secteurs numériques et technologiques, le RN pour un cloud souverain européen pour protéger les données et Place publique – PS et Les Écologistes pour la protection des créateurs et les technologies vertes.

Les questions institutionnelles

Les réformes institutionnelles de l’Union européenne sont également un sujet de divergence notable parmi les principaux partis politiques français. Renaissance vise à un renforcement des institutions européennes pour une Europe plus intégrée avec la création de nouveaux fonds et mécanismes pour la coopération entre États membres. Le Rassemblement National s’oppose à une Europe fédérale, veut renforcer le rôle des nations et des souverainetés nationales et même plaide pour une sorte de sortie de l’UE en réaffirmant « la supériorité de la Constitution française sur les normes et juridictions européennes », une position défendue différemment par Reconquête qui veut « modifier l’article 55 de notre Constitution pour sanctuariser la primauté du droit national sur le droit européen ». Les Républicains ne proposent pas de réforme institutionnelle, moins de normes et plus de résultats, tandis que Place publique – PS liste ses attentes : création d’une agence de planification écologique européenne, d’un « défenseur des droits » élu par le Parlement européen sans aller jusqu’à la position des Écologistes qui proposent une assemblée constituante européenne pour refonder l’Europe sur des bases plus démocratiques et écologiques. Sur la question du budget, Place publique- PS plaide pour augmenter le budget européen pour atteindre 5% du PIB, avec des ressources propres pour financer des initiatives paneuropéennes.

Les divergences sur la réforme institutionnelle de l’UE illustrent des visions fondamentalement différentes du futur de l’Europe. Les partis pro-européens comme Renaissance, Place publique – PS, et Les Écologistes cherchent à renforcer et à réformer les institutions européennes pour une intégration plus profonde et démocratique. En revanche, les partis souverainistes comme Rassemblement National, Reconquête, Les Républicains (avec mesure), Parti communiste, et LFI insistent sur la préservation de la souveraineté nationale et une limitation des compétences de l’UE, tout en favorisant des coopérations interétatiques sur des domaines spécifiques.

Le débat sur l’élargissement de l’UE reflète des visions opposées de l’avenir de l’Europe. Renaissance, Place publique – PS, et Les Écologistes voient l’élargissement comme une opportunité de renforcer l’UE, sous réserve de critères rigoureux en termes de démocratie, d’économie, et de droits de l’Homme (et environnementaux pour les Écologistes). En revanche, Rassemblement National, Reconquête, Les Républicains (avec prudence), Parti communiste, et LFI préfèrent consolider l’Union actuelle, en renforçant la souveraineté nationale et en évitant une dilution des institutions européennes et des politiques nationales, refusant toute nouvelle adhésion, souvent pour des raisons de protection de la souveraineté nationale et de prévention des politiques néolibérales.

ANNEXE : SYNTHESE DES PROGRAMMES ELECTORAUX AUX ELECTIONS EUROPEENNES DE JUIN 2024

Renaissance : nous avons besoin d’Europe

Le programme détaillé sur besoindeurope.fr vise à faire de l’Europe une puissance forte, sûre et indépendante et « en même temps » écologique, économique et sociale :

  • Réarmer, avec des budgets défense, une force de réaction rapide et un Fonds européen de soutien aux industries de défense ;
  • Mobiliser 1 000 milliards d’euros d’investissements pour faire face aux chocs écologique, technologique et sécuritaire, s’appuyant sur une « Union de l’épargne et de l’investissement » pour être champion du monde dans 5 secteurs clés : énergie, transports, numérique, santé et espace ;
  • Reprendre notre destin énergétique en main, le premier continent à l’électricité décarbonée, avec zéro énergie venue de Russie en 2025 et zéro énergie fossile en 2050, grâce au nucléaire et aux renouvelables ;
  • Protéger et contrôler nos frontières avec une force de garde-frontières renforcée et une coopération accrue entre les polices et services de justice ;
  • Inscrire le droit à l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux
  • Protéger nos enfants avec la majorité numérique à 15 ans ;
  • Bâtir un réseau européen des Instituts culturels nationaux pour la diffusion de la culture européenne

Rassemblement national : la France revient, l’Europe revit

Sur le site vivementle9juin.fr, le programme du RN vise à poser les jalons d’une Europe des nations qui défend à la fois les modes de vie et le niveau de vie des peuples, tout en portant l’ambition de coopérations entre États autour des grandes nécessités du XXIème siècle : la coopération industrielle et technique sur les grands projets d’avenir, notamment l’intelligence artificielle, le développement des échanges scientifiques sur les défis du XXIème siècle en vue de créer une Alliance européenne des nations pour rendre aux peuples leur souveraineté :

  • Réhabiliter la frontière comme outil de protection et de régulation ;
  • Un Pacte pour établir une concurrence extra-européenne loyale ;
  • « Double frontière » Contrôler les frontières nationales et mettre en place une frontière aux portes de l’Europe en permettant à Frontex de renvoyer les migrants illégaux ;
  • Reprendre en main notre souveraineté énergétique ;
  • Défendre la constitution d’un cloud souverain européen, et non d’un simple « cloud de confiance » perméable aux ingérences juridiques américaines et chinoises.

Reconquête : faire de la défense de la civilisation, la pierre angulaire de notre projet européen

  • Sur le site votezmarion.fr, 92 propositions pour libérer à l’intérieur et protéger à l’extérieur, avec leurs alliés groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), au cœur de la véritable alternative à travers des minorités de blocage et des majorités de projet :
  • Combattre l’islamisation, stopper l’invasion, expulsion et remigration des clandestins, engager la triple-frontière avec une «frontière au-delà de nos frontières » ;
  • Affirmer les racines de notre civilisation européenne et chrétienne, protéger nos enfants de la propagande woke, de l’activisme lgbt, contre la drogue et pour la natalité ;
  • Reprendre notre destin en main, réaffirmer notre souveraineté et bâtir l’Europe des coopérations ;
  • Promouvoir une Europe des ingénieurs, de la recherche et de l’innovation, contre le pacte vert, en finir avec l’inflation des normes et des taxes ;
  • Réarmer l’économie européenne et défendre la puissance française.

Les Républicains : ensemble, redressons la France et remettons l’Europe à l’endroit pour maitriser notre destin

Avec un dispositif de communication minimal, sans site de campagne dédié, l’approche programmatique de « la droite pour faire entendre la voix des Français en Europe » : contre l’impasse inefficace et fédéraliste d’Emmanuel Macron et l’impasse socialiste et anti-européenne de Marine Le Pen : le RN est anti-européen et Renew est anti-nation. Redresser la France et remettre l’Europe à l’endroit pour pouvoir de nouveau maitriser notre destin : l’Europe doit se concentrer sur l’essentiel en mettant sa puissance d’intervention à affronter les défis qui ne peuvent être relevés qu’ensemble : la paix et la maitrise de nos frontières, l’adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité, l’investissement dans les technologies du futur et la prospérité grâce au marché intérieur. L’action de l’Europe doit passer par moins de normes et atteindre plus de résultats :

  • Face à des puissances prédatrices et à l’aggravation des menaces, l’Europe doit se réarmer ;
  • Pour garantir notre souveraineté économique et augmenter le pouvoir d’achat des Français, l’Europe doit choisir l’investissement et le progrès technologique et soutenir nos agriculteurs, nos pêcheurs et notre ruralité ;
  • Contre le changement climatique et pour la biodiversité, l’Europe doit encourager le progrès et la science ;
  • Pour maintenir la cohésion du continent européen, l’Europe doit maîtriser ses frontières extérieures ;
  • Pour se rapprocher des citoyens, l’Europe doit privilégier les grands projets et mettre en œuvre la volonté exprimée par les institutions représentatives des peuples européens.

Place publique – PS : Réveiller l’Europe

  • Le site de campagne Glucksmann2024.eu capitalise sur l’image de sa tête de liste, avec un programme, l’agenda « Europe 2030 » pour :
  • Une Europe puissante: donner à l’Europe les moyens de se défendre, réindustrialiser nos nations et rompre avec le dogme du libre-échange et produire en Europe afin d’assurer notre souveraineté industrielle en élaborant une stratégie du « fabriqué en Europe »
  • Une Europe écologique afin de bâtir une puissance pour le climat : créer une agence de planification écologique européenne, fondée sur le modèle de dialogue social du commissariat au plan afin d’assurer un suivi efficace de nos objectifs environnementaux et sociaux
  • Une Europe sociale, du pouvoir de vivre avec un plan d’investissement dans la rénovation des bâtiments et la construction de logements et un plan européen d’investissement dans les énergies renouvelables, le réseau électrique et les technologies propres ; une Europe qui défend les travailleurs : justice salariale, un « bouclier emploi » en généralisant le principe du « former plutôt que licencier » ; une Europe de la solidarité, de l’inclusion sociale et de la cohésion territoriale : doubler le budget du fond social européen ;
  • Une Europe humaniste et juste – défendre l’état de droit en créant un « défenseur des droits » élu par le parlement européen, ayant un rôle de vigie ; garantir à chaque femme européenne les droits les plus protecteurs de l’UE en adoptant la « clause de l’Européenne la plus favorisée » ; une Europe de l’hospitalité en harmonisant les procédures d’asile, d’examen et d’attribution du statut de réfugié conformément aux critères de la convention de Genève, via la création d’un espace européen de protection des demandeurs d’asile ;
  • Une Europe puissance pour l’avenir : une réelle exception culturelle européenne pour protéger notre création en doublant le budget européen de la culture alloué au programme «Europe Créative» ; assurer la protection des créateurs et ayants droit dans le marché européen de l’intelligence artificielle générative; reconnaissance mutuelle des diplômes dans tous les domaines et doubler le budget du programme «Horizon Europe» ; adopter une « exception sportive », au même titre que « l’exception culturelle » ; l’Europe de la jeunesse avec une allocation d’autonomie pour tous les jeunes européens de 15 à 25 ans, ni en emploi, ni en études ; l’Europe puissance géopolitique qui construise un partenariat entre égaux avec l’Afrique et la Méditerranée pour créer ensemble un espace de co- développement ;
  • Une Europe démocratique et intègre : démocratiser l’Europe et défendre l’intégrité de la démocratie européenne en créant une haute autorité de l’intégrité de la vie publique européenne ; lutter contre la concentration de la propriété des médias en approfondissant le règlement sur la liberté des médias ;
  • Une puissance publique européenne: soutenir l’investissement et l’activité économique en instaurant des règles climatiques pour investir dans la transition écologique, mutualiser les dettes européennes et augmenter le budget européen pour atteindre 5% du PIB.

Les Écologistes : sauver le climat et faire face à l’urgence sociale avec un État providence écologique européen.

Plus l’Europe sera solidaire, plus l’Europe sera forte. Nous proposons un modèle de protection sociale et environnementale basé sur la solidarité : l’État-providence écologique, autour d’un programme de combats pour la justice et le vivant et d’un saut fédéral pour un sursaut européen :

  • Une Europe qui réencastre son économie dans les limites planétaires pour passer d’une économie qui détruit à une économie qui répare, un traité environnemental pour faire de la protection de l’environnement la norme des normes, sortir de l’austérité pour investir dans la bifurcation écologique, mettre la politique monétaire au service de l’écologie, un buy green and european act pour privilégier les produits vertueux et faits en Europe, baisser la tva sur les produits verts pour rendre les produits sains ou issus de l’économie circulaire accessibles à toutes et tous, un protectionnisme vert pour protéger nos entreprises et l’emploi de la concurrence déloyale et mieux protéger la planète ;
  • Une Europe qui agit pour sauver le climat : objectif 100% renouvelables en 2040, un fonds de souveraineté écologique pour sortir des énergies fossiles, un plan de report modal pour passer du camion et de l’avion au rail et au vélo, sortir la finance des activités climaticides et une politique d’adaptation au dérèglement climatique ;
  • Une Europe qui préserve enfin le vivant et les communs naturels : instaurer un droit à la nature, faire renaître une forêt primaire en Europe, mettre en place un pacte bleu pour préserver les fleuves, glaciers et océans, interdire les produits chimiques dangereux et sortir du plastique, conduire une stratégie ambitieuse pour le bien-être animal ;
  • Une Europe qui réussit la transition de l’agriculture et de la pêche : des revenus dignes et des pratiques plus écologiques: une PAC plus verte, plus juste, pourvoyeuse d’emplois, fonds de transition pour l’agriculture et pour la pêche, mettre fin aux pratiques agricoles et de pêche destructrices, assurer le renouvellement des générations, sortir du libre-échange et mettre en place une politique commerciale juste et une Europe qui protège face à l’explosion des inégalités et au nouveau régime climatique ;
  • Garantir la justice sociale en créant de nouveaux droits : un droit de veto social pour inverser la courbe des inégalités, un revenu minimum européen à commencer par un revenu de formation pour les jeunes, eau, alimentation, énergie : garantir les besoins essentiels, garantir le droit à un logement sain ;
  • Une Europe qui agit pour l’emploi : mettre en place un pacte pour l’emploi mobilisant et protégeant les travailleurs et les travailleuses dans la bifurcation de notre économie, impulser une politique industrielle de sortie des toxiques, protéger les droits des travailleurs et des travailleuses, renforcer les libertés syndicales et instaurer une garantie à l’emploi pour les personnes éloignées de l’emploi ;
  • Une Europe de la santé pour toutes et tous : un service public européen du médicament, le droit à la santé pour toutes et tous : une CMU européenne et un statut pour les aidants, investir dans la santé des femmes ;
  • Un saut fédéral pour refonder et démocratiser l’Europe : rendre le pouvoir au peuple : une assemblée constituante européenne, une union européenne qui se dote de ressources financières propres pour avoir enfin les moyens de sa politique, adopter une loi de séparation des lobbies et des institutions, protéger la liberté de l’information du pouvoir de l’argent et des ennemis de la démocratie, en finir avec les paradis fiscaux ;
  • Une Europe qui renforce les droits humains et défend des valeurs d’inclusion : inscrire l’ivg dans la charte des droits fondamentaux et déployer la clause de l’européenne la plus favorisée, combattre toutes les formes de discrimination, reconnaître toutes les unions et tous les enfants ;
  • Une Europe qui agit pour la paix et un ordre mondial plus juste : soutenir l’Ukraine face à Vladimir Poutine, bâtir une politique de diplomatie et de défense commune, entre Israël et la Palestine, l’Arménie et l’Azerbaïdjan… Partout : faire de l’Europe une force de paix, un Erasmus de la mémoire, pour construire une mémoire européenne commune, une politique d’accueil juste et digne, un traité de non- prolifération des énergies fossiles, garantir le droit au développement pour rééquilibrer les rapports nord sud.

Le Parti communiste : Gauche Unie pour le monde du travail : Reprenons la main en France et en Europe

Une autre construction européenne est possible, c’est un enjeu politique et social majeur pour une Europe des peuples et des nations libres, souverains et associés autour d’orientations nouvelles et d’engagements pour la mandature :

  • Garantir la souveraineté démocratique des peuples : lutter contre le retour de l’austérité européenne, refuser l’élargissement de l’UE, respecter les choix démocratiques souverains des peuples, de nouvelles coopérations économiques, contre les traités de libre-échange ;
  • Promouvoir la paix et la sécurité collective: imposer une réelle autonomie stratégique, impulser un espace méditerranéen de coopérations, bâtir un nouvel ordre du monde ;
  • Prendre le pouvoir sur le capital : favoriser une nouvelle industrialisation et lutter contre les délocalisations, promouvoir une écologie populaire et garantir notre souveraineté énergétique, construire une véritable politique commune de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation, dans l’objectif de garantir la souveraineté alimentaire des peuples, la régulation d’Internet et la construction d’une souveraineté numérique ;
  • Développer les services publics : en finir avec les libéralisations, sortir la santé des logiques marchandes, développer les services publics de transports, sortir l’enseignement et la recherche des politiques néolibérales, impulser une politique nouvelle en faveur de la jeunesse ;
  • Conquérir le progrès social et l’égalité : de nouvelles conquêtes sociales, l’égalité des droits, promouvoir la vie associative et l’économie sociale et solidaire, libérer l’art, la culture et les médias des dogmes du marché et défendre l’exception culturelle ;
  • Se donner les moyens de changer radicalement d’Europe en favorisant les luttes et les mouvements sociaux, en développant les coopérations politiques pour d’autres politiques en Europe, en agissant pour une autre utilisation de l’argent, en développant la lutte contre l’évasion fiscale et en réformant les fonds structurels européens.

LFI : la force de tout changer

La partie consacrée aux élections européennes sur le site de la France insoumise met en avant les fonds récoltés pour la campagne, dans les campagnes aux US et déroule un programme sans réforme institutionnelle de l’Europe :

  • Sortir de l’austérité et partager les richesses : abolir les règles d’austérité anti- services publics, taxer les riches et les superprofits, mettre en place une allocation d’autonomie contre la pauvreté de la jeunesse ;
  • En finir avec le dumping social : mettre en œuvre, au niveau européen, la victoire insoumise sur la directive de présomption de salariat effective empêchant les plateformes d’avoir recours aux faux indépendants ;
  • Sortir du libre-échange et relocaliser et mettre fin aux accords de libre-échange
  • Faire la planification écologique européenne : baisser les prix de l’alimentation en encadrant les marges des multinationales, sortir des pesticides et garantir une rémunération digne aux salariés de l’agriculture, passer au 100% énergie renouvelable d’ici 2050 ;
  • Faire respecter la souveraineté populaire en Europe : contre le retour de la Commission européenne soutenue par la coalition de la droite, des macronistes et des socialistes et chasser les lobbies des institutions européennes ;
  • Étendre les droits et libertés face aux réactionnaires : inclure le droit à l’IVG et à la contraception, et leur accès gratuit pour toutes les femmes, dans la Charte européenne des droits fondamentaux ;
  • Lutter contre l’exil forcé et organiser un accueil coordonné digne et garantir le droit d’asile sur le sol européen
  • Pour la paix : refuser la vassalisation de l’Europe, défendre un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza et incarner la voix de la paix en Europe ;
  • Nouvelles frontières de l’humanité : construire de nouveaux horizons de progrès écologique pour protéger les biens communs de l’humanité et nous porter aux nouvelles frontières que sont les mers et le virtuel..

Présidence espagnole de l’UE : Rapport du voyage d’étude de Décembre 2023

UN SUCCES EN NEGOCIATION DE POLITIQUES EUROPEENNES MAIS UNE PRESIDENCE DECEVANTE EN POLITIQUE INTERIEURE

  1. L’Espagne dans l’Europe aujourd’hui

La situation économique

L’Espagne est un pays reconnu dans l’UE. Elle bénéficie de l’intérêt pour l’UE de ses élites économiques, en tant que cadre législatif, contrôle supranational et système de réassurance en cas de crise. En ce qui concerne la relation à l’UE du grand public, le soutien est confirmé dans les urnes. Aucune question sur la présence de l’UE dans l’Espagne ne se pose, même si quelques frustrations s’expriment sur des règlementations, en particulier autour du développement durable qui impliquent un très gros effort pour les entreprises, une problématique de formation, de reporting, de mise en œuvre des solutions face à des objectifs indiscutables.

Le plan Next Generation

Le financement européen via le plan de relance Next Generation vise à harmoniser les situations économiques dans les territoires, puisque cette fois, c’est le niveau national et non les régions, qui gère les fonds. Sur les 12 plans Next Generation du gouvernement, 9 concernent l’industrie.

  1. La présidence espagnole de l’UE

La présidence espagnole de l’Union européenne a abouti à de nombreux accords, Madrid réussissant à conclure 71 négociations législatives entre les trois principales institutions de l’UE. Parmi les thèmes concernés : la transition écologique, l’intelligence artificielle, les migrations et les réfugiés, les règles fiscales, l’autonomie ouverte et stratégique, etc. C’est indéniablement un succès politique. Même si de nombreux textes travaillés lors des précédentes présidences étaient déjà mûrs, le moment était venu d’en récolter les fruits.

Sur le plan intérieur, la présidence espagnole de l’UE était censée montrer un État fort pour faire oublier les tensions internes, mais dans une certaine mesure, cela n’a pas fonctionné. Après l’appel à des élections générales, le Parti populaire a remporté la victoire, mais Pedro Sanchez est resté chef de gouvernement par intérim pendant la présidence. Cette dernière s’est déroulée sur fond de paysage politique conflictuel et très politisé, avec un consensus important entre le PSOE et le PP sur les affaires européennes en termes de politiques, mais un désaccord total sur la politique intérieure. En conclusion, la présidence espagnole de l’UE a été un bon intermédiaire en termes de « politiques publiques » mais une présidence décevante sur le plan de la « politique politicienne ».

En Espagne, l’Europe revêt une importance particulière pour le grand public. Au sein du système monarchique, les élections peuvent être contestées, mais l’UE fait l’objet d’un consensus. La cinquième présidence espagnole aurait dû être l’occasion de progresser à la fois en profondeur et en élargissement. Elle aurait pu être exploitée et présentée comme celle d’un des rares États stables et capables de promouvoir un programme profondément européen. Dans une certaine mesure, l’Espagne a échoué dans son intention de se présenter comme le troisième pays le plus important de l’Europe et comme un « partenaire sûr » en raison de ses problèmes politiques internes. En effet, pendant quatre des six mois de la présidence, il y a eu un gouvernement d’affaires courantes. Le Parlement espagnol, le plus polarisé et fragmenté de l’histoire récente du pays, était prêt à exploser, et l’Espagne a dû en payer le prix fort.

La présidence espagnole semestrielle de l’UE s’est traduite par l’organisation par le gouvernement de temps de rencontres régionales sur des thématiques clés comme l’immigration, le travail et l’emploi, l’égalité hommes-femmes ainsi que la participation des syndicats au dialogue social. Une discussion tripartite sur la réforme du marché du travail, avec le patronat et les syndicats, un accord sur les retraites pour assurer la pérennité des pensions, un suivi des syndicats mais pas de contribution sur les financements du fonds européen Next Generation.

Les prochaines élections européennes

Les élections européennes de juin 2024 serviront de baromètre pour l’Europe et les résultats attendus ne sont guère un problème puisque 65 % des électeurs votent pour les deux partis les plus centraux de gauche et de droite. On s’attend à une victoire du Parti populaire, l’une des plus grandes délégations au sein du groupe PPE au Parlement européen. La crainte réside dans la tentation d’y voir une coalition droite-droite avec des conservateurs et des eurosceptiques, étant donné que Manfred Weber, le patron du PPE, semble pencher vers la droite.

III. La relation de l’Espagne avec la France

Relations entre les populations

L’ONG Dialogo, fondée lorsque l’Espagne est entrée dans l’Union européenne dans le but d’améliorer le dialogue entre la France et l’Espagne, confirme dans ses enquêtes d’opinion auprès des Espagnols et des Français, que la relation entre les deux pays évolue favorablement. L’Espagne se montre plus pro-européenne que la France, associant davantage l’Europe à la démocratie.

Relations culturelles

A Madrid, l’Alliance française fête ses quarante ans cette année. La place de la langue française en Espagne est la deuxième langue vivante, même si l’allemand a pu être la langue de référence pour les intellectuels. C’est un élément de compétitivité et une opportunité pour l’emploi.

Relations sur le plan énergétique

Dans la relation Espagne-France, la France est le premier client de l’Espagne et le deuxième ou troisième exportateur selon les années : le dossier des interconnections sur le marché des énergies devrait avancer pour mieux faire circuler les énergies renouvelables. L’Espagne est le hub européen du GNL, avec 8 usines de regazéification en marche, soit 35% de la capacité européenne.

  1. La priorité espagnole de la relation avec l’Amérique latine

Pour le think tank el Cano, dont 30 % des efforts de recherche se concentrent sur l’Amérique latine, le rapport récent « Pourquoi l’Amérique latine compte ? » remet en question quatre idées largement acceptées :

  1. L’Amérique latine est un désastre économique, ce qui n’est pas le cas comparé à l’Europe, avec une croissance annuelle de 5%.
  2. L’Amérique latine est un désastre politique, ce qui n’est pas vrai. L’État de droit et la démocratie sont encore majoritaires.
  3. La Chine a pris le contrôle. Les États-Unis et l’UE restent les plus grands partenaires. Les gens aspirent à migrer vers les États-Unis et l’UE, pas vers la Chine.
  4. Les entreprises espagnoles regrettent d’avoir été globales en Amérique latine. Le retour sur investissement est très bon, comme en témoignent les réinvestissements continus de sociétés telles que Santander ou Spanish Telecom.

Cependant, des doutes subsistent.

  1. L’Union européenne ignore l’Amérique latine, comme en témoigne le non-approbation récente de l’accord sur le Mercosur. Cela pourrait changer la donne en augmentant le commerce intra-américain de 30% dans les échanges en Amérique latine grâce à des règles communes, connues sous le nom de l’« effet Bruxelles».
  2. La position de l’Espagne en Amérique latine est en déclin. Le terme « Ibero-America » sonne comme une vision post-coloniale, ne reflétant pas la réalité actuelle où le commerce est plus diversifié et le reste du monde gagne également en intérêt pour l’Amérique latine.
  3. L’Amérique latine est principalement associée au lithium et à la plupart des matières premières. Il est nécessaire de démontrer que l’approche européenne dans la région est moins extractive que les autres puissances, comme la Chine, en prenant l’exemple du Chili, le pays le plus européen de la région, avec lequel la relation s’est améliorée.

A vrai dire, l’Espagne exprime une fatigue de « relancer la relation avec l’Amérique latine » à  chaque présidence espagnole de l’UE, mais en l’ignorant le reste du temps. Ce n’est pas un discours sérieux ni crédible. La réalité est qu’on ne peut pas ignorer ce sous-continent, la région la plus euro-comptable en termes de relations humaines et de valeurs. Le potentiel est énorme, si l’UE joue son rôle.  Cela faisait 7 ans qu’il n’y avait pas eu de réunion UE-Amlat avant la présidence semestrielle espagnole. La base du dialogue doit partir des secteurs prioritaires comme énergie/climat, transports, digital ou éducation.

Le programme européen Global Gateway vise justement à identifier les projets dans lesquels investir entre entreprises européennes et locales, capables de bâtir de nouvelles chaînes de valeur plus sûres. Le game changer, c’est le partenariat entre les entreprises privées au-delà de l’investissement public. Enfin, pour réussir, il faut également investir du capital politique européen.

  1. Les défis

La sécurité économique

Le concept de « sécurité économique », d’un autre temps, est de nouveau à l’ordre du jour. Les institutions européennes ont publié une communication en juin dernier sur la sécurité économique, comme fondement d’une future protection contre les risques, d’une promotion des relations économiques, de la compétitivité et des partenariats. Il ne s’agit pas seulement d’un concept défensif, mais proactif, posant la nécessité d’agir face à la triple Transition digitale, des modèles économiques et environnementaux, qui détermineront l’avenir.

Les principaux défis portent sur :

  1. Le digital : Plusieurs enjeux comme le fair share, compte-tenu du poids de la construction des réseaux par les télécoms, exploités ensuite par les grandes plateformes qui profitent de leur avantage sans payer ; le prix du réseau doit être payé par les acteurs économiques, comme le prix d’accès à Internet pour le grand public.
  2. Le climat : Les énergies renouvelables et l’hydrogène vert
  3. L’investissement : il faut être capable, dans le contexte mondial post-covid qui a montré nos vulnérabilités, de mobiliser nos capacités intellectuelles et en capital pour investir dans les nouvelles activités comme les batteries électriques, l’économie circulaire, les biotech, etc.
  4. L’industrie : la politique industrielle de l’UE a été absente du modèle libéral des années 1990-2000. Nous avons besoin de trouver une nouvelle politique industrielle européenne, dans la sécurité économique, la promotion de la compétitivité, des marchés plus diversifiés et la promotion de bases industrielles dans de nouvelles activités.

L’économie circulaire

Le Manifeste de BNP Paribas Personal Finance couvre différentes interventions en matière de philanthropie, de support digital et d’opportunités commerciales dans des segments comme :

  1. La location plutôt que l’achat d’équipements technologiques d’appareils électroniques grand public tels que les téléphones mobiles et les consoles de jeux, en collaboration avec Carrefour et Samsung.
  2. La mise en circulation de vélos recyclés : Circular Bike occupe la deuxième place dans le secteur des vélos en Espagne, avec une part de marché de 35% à 40% dans le financement de nouveaux vélos.
  3. Le développement de garanties étendues pour les voitures, les appareils électroménagers blancs et bruns (cuisine, mobilier, etc.).

A la place du Black Friday, une opération C-Friday pour Circulaire a été lancée, en partenariat avec une ONG, dans un mélange entre philanthropie et entreprenariat débouchant sur des outils de sensibilisation à la seconde main, des formations sur la collecte de biens de consommation pour le réemploi ainsi que le recyclage.

La principale problématique en matière de durabilité réside dans la sensibilisation visant à transmettre le message selon lequel tout ce que vous achetez a une seconde vie. Il est nécessaire de faire progresser la sensibilisation du grand public pour encourager un changement d’attitude.

En Espagne, l’intérêt pour l’économie circulaire gagne du terrain. Moins qu’en France, mais l’objectif est de la rendre plus mainstream. Pour le grand public, la première préoccupation est budgétaire, la « Seconde main » constitue une manière de récupérer un peu d’argent. Le changement climatique est aussi un argument puissant pour les consommateurs, impactant les gens chez eux rendant l’efficacité énergétique des maisons est un critère pertinent pour l’achat ou la location, tandis que les énergies renouvelables progressent rapidement.

La banque BNP Paribas, dans son ensemble, considère que la durabilité est l’un de ses critères fondamentaux, bien qu’aucun objectif officiel ne soit pour le moment déclaré tant que la nouvelle taxonomie nécessite des clarifications. Cependant, dans les rapports trimestriels, des indicateurs clés de performance (KPIs) sont produits et suivis, permettant ainsi la réalisation de projets futurs avec des résultats concrets.

L’association REMAR, partenaire de BNP Paribas Personal Finance, constitue un réseau regroupant 200 000 membres actifs en Espagne. Son objectif est de créer une économie circulaire. Elle s’engage dans la collecte, la réutilisation et la circulation de produits, ainsi que dans la récupération d’aliments auprès des supermarchés pour les redistribuer. En outre, l’association pilote la collecte auprès d’usines, gère des boutiques solidaires et des maisons d’accueil pour les familles en Espagne ; sans oublier ses actions solidaires en Afrique, avec des envois quasi quotidiens de conteneurs pour distribuer de la nourriture dans les prisons et auprès des orphelins.

La priorité de la réindustrialisation et de la formation

Les préoccupations économiques pour 2024 portent sur les déficits publics importants, sur la nécessité de faire évoluer les lignes budgétaires après 4 ans de renouvellement du budget voté par la précédente mandature. La réindustrialisation (gigafactory de batteries électriques) ne compense pas la désindustrialisation qui touche aussi l’outil industriel espagnol.

La priorité serait d’améliorer la formation pour les entreprises, en particulier pour la transformation digitale. Les besoins concrets des entreprises ne sont pas couverts par les formations universitaires, qui représentent une reconnaissance sociale par les diplômes, alors que la perception de la formation professionnelle pourrait être plus positive compte tenu des emplois qualifiés à la clé.

L’action syndicale pour les industries

L’action du syndicat UGT, 900 000 adhérents et plus de 100 000 représentants dans les entreprises pour les industries, coordonne trois activités, la formation, l’égalité et l’emploi, ce qui représente 2,8 millions d’emplois et un tissu de 194,000 entreprises, plus de 80% étant des PME. Il assure le suivi des mesures gouvernementales dans toutes les filières, en particulier l’encadrement des conventions collectives, l’État privilégiant une harmonisation par le haut avec de meilleures garanties tandis que le secteur privé privilégie des accords moins disant.

Le syndicat dispose d’une force de négociation grâce à ces conventions sectorielles. Trente-huit conventions sont en cours, avec le double défi d’accompagner des entreprises de taille différente et d’assurer la transition numérique et durable, tout en assurant un accompagnement juridique autour de la transposition en cas de conflit d’interprétation des mesures prévues dans les entreprises.

L’un des principaux défis correspond à la tertiarisation des industries, se traduisant par la baisse de la part industrielle dans l’économie, qui est passée de 28% en 1981 à 12% en 2023. De ce fait, la réindustrialisation est très importante, se traduisant par la transformation du modèle industriel avec la numérisation et la durabilité, alors qu’il n’y a pas de mesures concrètes au plan national puisqu’il n’y a pas de ministère de l’industrie ; les politiques industrielles sont régionales en Espagne, du fait de la structure territoriale fédérale.

Autres politiques syndicales :

  1. L’emploi des jeunes via tout type de formations : de requalification, duales académiques et professionnelles, en entreprise (stages et alternances) afin de créer davantage d’emplois, de réduire les inégalités territoriales et de combler les pénuries sur des métiers manuels ;
  2. Les travailleurs des plateformes : L’Espagne a été pionnière dans la régulation des chauffeurs et livreurs, alors que la startup Uber préférait les auto-entrepreneurs, la relation employeur-employé doit être encadrée par un contrat afin d’ouvrir à des droits syndicaux et d’indemnités de licenciement.
  3. Les algorithmes : Les syndicats en Espagne demandent accès aux algorithmes de toutes les entreprises lorsque le travail est impacté par la productivité exigée ou lorsque des biais impactent les recrutements. Ces demandes portent sur les « commandes », pas sur les développements techniques, un peu comme une notice pour les médicaments ainsi qu’un regard sur ce qui est contrôlé chez les salariés, sur les indicateurs qui pointent la productivité individuelle.

Les questions de sécurité

Il existe un lien fort en Espagne avec les États-Unis, notamment l’importation de gaz depuis l’agression Russe en Ukraine, ainsi qu’une base militaire américaine près de Gibraltar, officiellement pour l’OTAN depuis les années 1960, plus grande base en Europe occidentale, utilisée dans chaque conflit au Moyen-Orient.

0,7 % du PIB a été alloué à l’Ukraine. L’Espagne est le quatrième pays le plus important en dehors de l’Ukraine où les enfants ukrainiens sont éduqués, même si l’Ukraine se trouve à six heures de vol et qu’il n’y a pas de liens historiques entre les deux pays.

En Afrique, l’Espagne est le seul pays de l’Union européenne ayant une frontière terrestre avec le Maroc, qui collabore sur des questions telles que le terrorisme, les migrations irrégulières et le trafic de drogue illégal. L’Espagne joue le rôle d’intermédiaire entre les partisans et les opposants à la coopération avec la Chine au sein de l’Union européenne.

L’énergie

Sur les questions énergétiques, les États-Unis sont le plus grand investisseur étranger en Espagne, ce qui témoigne d’une relation très forte. L’Espagne est devenue importatrice de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis la crise en Ukraine, exploitant des installations de GNL qui étaient auparavant inutilisées. Le pipeline en provenance d’Algérie, historiquement principale source de gaz,  s’est asséché pour des raisons politiques (le gouvernement espagnol a changé d’avis sur l’occupation du Sahara occidental par le Maroc) et militaires.

La Catalogne

Sur la Catalogne, l’opposition y était pro-européenne, tout comme dans le projet indépendantiste écossais. Ils espéraient que l’adhésion à l’UE pourrait être un progrès pour leur nationalisme. Les sécessionnistes dominent désormais, visant l’indépendance. L’autonomie régionale catalane joue désormais le jeu politique avec un parti plus radical et antisystème, qui a élevé la crise au niveau de l’UE. La crise est passée d’une Catalogne nationaliste à une Catalogne sécessionniste, avec un discours du type « L’Espagne nous vole ».

Le point de non-retour serait la réforme de la Constitution, une boîte de Pandore, nécessitant une majorité des 3-5e. Le PSOE et le PP ne traitent pas de cette question territoriale, même si cela entraîne le pays dans des tensions économiques et politiques. Le danger réside dans des accords de facto en dehors de l’État de droit.

La Catalogne est une préoccupation qui éloigne l’économie de ses priorités, qui consomme le capital politique des dirigeants et représente potentiellement un risque pour l’unité de l’État. Au niveau européen, l’enjeu est celui de la non-reconnaissance de la Catalogne indépendante qui pèse le même poids démographique et économique que l’Autriche et la problématique de la reconnaissance de la langue catalane comme langue officielle de l’UE.

Le sentiment d’indépendance s’est développé à partir de la crise économique de 2008.

Avec la crise économique en 2012 et la quasi-intervention de l’UE en Espagne dans la gestion économique du pays, les dirigeants ont été conduits à un effort de repositionnement pour ne plus être en risque de mise sous tutelle. Mais cet élan réformateur est brisé par la déstabilisation occasionnée par la question catalane ; la plupart des acteurs à Madrid exprime une relative fatigue de subir ce sujet sans y trouver de solution.

LANCEMENT DE LA CAMPAGNE DES ELECTIONS EUROPENNES: LE GRAND RETOUR DE L’AGRICULTURE

par Michaël Malherbe, Secrétaire Général

Nombreux sont ceux qui s’attendaient à une entrée en campagne sur la souveraineté technologique de l’Europe dans les données, l’intelligence artificielle, la 5G ou les services numériques. L’on s’attendait sans doute à tout ce qui nous permettrait de réussir le XXIe siècle de l’Europe. A tout sauf à l’agriculture.

Adieu veau, vache, cochon, couvée

Et patatras, comme dans la Fable de Jean de La Fontaine, « Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? » Face au lait renversé, « Je suis gros Jean comme devant ». « Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée » ! C’est sans doute ce que nous pouvons constater avec ce coup d’envoi de la campagne des élections européennes de juin prochain, qui aura finalement bel et bien commencé : à côté des sujets technologiques, géopolitiques, sanitaires, un thème ancien a émergé dans la foulée d’une contestation.

Comment cette campagne qui n’a cessé de se dérober à ceux qui tentaient de s’en saisir, depuis plusieurs semaines déjà, est-elle parvenue à rompre le désintérêt des différents acteurs européens ? Mille et un scénarios pouvaient dorénavant s’échafauder à mesure que les nouvelles responsabilités de l’Europe accumulées pouvaient offrir un angle à la campagne électorale. Au cours de la mandature, l’UE s’est notamment vue confiée de nouvelles responsabilités sur des enjeux majeurs comme la lutte contre la pandémie de Covid ou le soutien contre l’agression russe en Ukraine, autant d’eau potentielle au moulin du débat électoral. Les états-majors des partis politiques européens ne cessaient de bâtir des plans de bataille, mais rien n’y faisait, la campagne ne prenait pas.

C’est par le plus vieux métier de l’Europe que la campagne électorale a déchiré le voile

De manière fracassante, tant le drame est malheureusement complet, la détresse des agriculteurs est enfin parvenue à capter l’attention des citoyens. On retiendra donc, à l’ère de la polémique virtuelle, quotidienne, stérile, que ce sera l’un des sujets les plus européens qui aura ouvert le bal de la campagne européenne. L’agriculture s’est manifestée aux premières loges de nos consciences médiatiques par la crise d’un secteur en plein chantier.

Pourtant, pour tous ceux qui suivent attentivement l’actualité des affaires européennes, il faut dire que le feu couvait depuis quelques temps. Les premiers pas de la nouvelle Commission von der Leyen se sont déroulés conformément au programme, autour d’une ambition majeure, le Pacte vert pour l’Europe, porté par Frans Timmermans, un Vice-Président entreprenant. Mais, celui-ci a quitté son poste avant la fin de son mandat, pour rejoindre la politique nationale néerlandaise, laissant le Green Deal orphelin de son principal avocat, alors que certains des textes les plus difficiles étaient encore en discussion.

Creusons le cœur du contentieux, qui s’est porté sur le projet de restauration de la nature, un texte prévoyant de fixer pour la première fois des objectifs contraignants pour restaurer les écosystèmes, les habitats et les espèces afin de mettre en place des mesures de restauration efficaces afin de couvrir au moins 20 % des superficies terrestre et maritime de l’UE d’ici à 2030, considérant en particulier que la productivité agricole dépend de la santé des écosystèmes et notamment des pollinisateurs.

Lors des discussions au Parlement européen pour l’adoption du texte sur la restauration de la nature, nous avons assisté sans doute au mélodrame le plus intense de la mandature, avec une sorte de victoire à la Pyrrhus qui a laissé beaucoup de traces. Comptons les forces en présence et regardons le résultat après la bataille.

Du côté des partisans du texte sur la restauration de la nature à compter dans les rangs des eurodéputés qui ont largement voté pour la confirmation d’Ursula von der Leyen en début de mandat, les grands principes du Green Deal sont sauvés, la victoire n’est que de façade, mais disons qu’on a sauvé les meubles, la vision d’un modèle, d’une société idéale zéro-carbone.

Du côté des opposants, qu’il a fallu chercher au cœur même de la famille politique de la présidente de la Commission européenne, le PPE, rassemblant la droite européenne, ce texte fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase, le calice à boire jusqu’à la lie qu’ils ne pouvaient justement plus assumer auprès de leur famille politique, au cœur des zones rurales et des territoires.

The Perfect Storm

C’est ce que l’on appelle #ThePerfectStorm, qui rassemble de nombreuses injonctions contradictoires, révèle des lignes de fracture profondes, suffisantes pour potentiellement redéfinir les contours entre des majorités et des oppositions non pas de circonstance, mais durables, irréversibles, comme ce fut le cas pour les fameuses deux gauches irréconciliables théorisées par Manuel Valls.

D’un côté, les partisans d’une vision généreuse de la société future, bas-carbone, sympathique et écologiste, respectueuse de la biodiversité animale et végétale. Un modèle de société promu dans une démonstration qui nous explique que nous n’avons pas le choix pour lutter efficacement contre les dérèglements climatiques. C’est à prendre ou sinon c’est la fin du monde.

De l’autre, les soutiens du monde réel, concret, matériel, des habitants des zones rurales, des acteurs qui ne s’occupent pas seulement d’entretenir les paysages pour la beauté du geste, mais qui vivent de leur activité dans les pays, le monde des paysans.

Comment une telle divergence existentielle, autour de la politique européenne la plus emblématique, la plus historique et dorénavant la plus contestée et critiquée aura-t-elle pu passer aussi longtemps sous silence ?

Les agriculteurs, en France, mais aussi dans la plupart des États-membres, ont une relation ancienne avec l’Union européenne, pourvoyeuse de fonds visant à transformer le secteur, à une certaine époque, vers des logiques de productivité et d’auto-suffisance, davantage aujourd’hui vers une forme de souveraineté alimentaire, dont l’ouvrage devra être remis sur le métier.

Le vade-mecum de campagne

En définitive, l’opération de préemption de ce début de campagne par les agriculteurs est une très bonne nouvelle, d’abord parce que leur drame est un sujet qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse pour y apporter des réponses à long-terme. Ensuite, parce que cela nous rappelle à tous qu’en Europe, rien ne se fait sans cette capacité à construire des coalitions, qui fait que ce sont des agriculteurs aux quatre coins de l’hexagone français et de l’Europe tout entière qui se manifestent et expriment leur désespoir. Enfin, parce que ce sujet, comme nous venons de le voir, est sans doute le plus susceptible de permettre aux Européens de faire des choix de société engageants, structurants pour l’avenir, cohérents vis-à-vis de nos engagements, d’une grande lisibilité pour le grand public et d’une certaine logique aussi dans les relations futures avec nos différents partenaires.

Au détriment de leur propre existence, les agriculteurs nous montrent aussi le coût politique très élevé à payer pour parvenir à capter l’attention concomitante, à la fois des pouvoirs publics nationaux et européens, mais également des médias d’information, sans oublier évidemment les citoyens-électeurs.

Ce sera justement le rôle de la campagne des élections européennes de 2024, qui ne semblait pas encore s’être donné une éventuelle mission, de débattre de nos choix existentiels pour l’une des activités économiques les plus illustres et les plus nobles, qui avait été au cœur du projet de la construction européenne, compte-tenu de sa capacité à fédérer autour d’une vision commune. Et puis, il faudra formuler des propositions cohérentes, réalistes, respectueuses pour cette politique publique, la PAC, qui en a vu bien d’autres. Et il s’agira enfin de trancher entre les options des différentes familles politiques.