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Quand l’envie d’Europe ne manque pas d’ambitions

par Michaël Malherbe, Secrétaire général

Les programmes des principaux partis politiques français aux élections européennes de juin 2024 dessinent des visions très variées certes, mais autour d’un point commun, une sorte d’ambition pour l’Europe. Ces visions, qui représentent la diversité des opinions relatives à la construction européenne sont malgré tout souvent positives : une « puissance » pour Renaissance, une « alliance des nations » pour le RN, une « civilisation » pour Reconquête, une Europe « à l’endroit » pour LR, une « puissance publique européenne » pour le PS, un « État providence écologique européen » pour les Écologistes ou encore une « Europe des peuples » pour le PCF.

Les différences majeures résident dans l’approche de la souveraineté, de l’économie et des transitions écologique et numérique, des frontières et même des innovations reflétant une diversité d’opinions sur le futur rôle de l’Europe, pour les Européens et dans le monde.

On peut identifier des « alliages » idéologiques qui se rassemblent au gré des programmes électoraux, autour de certaines convergences à l’échelle des grandes lignes, avant de rentrer davantage dans le détail des mesures :

  • Renaissance et Les Républicains partagent une vision d’une Europe forte et souveraine, avec un accent sur la défense et l’investissement technologique même s’ils diffèrent sur la méthode de gestion de l’économie et de la transition écologique et sur les sujets plus sociétaux.
  • Rassemblement national et Reconquête mettent l’accent sur la souveraineté nationale et la protection des frontières, avec une réticence à des intégrations européennes plus profondes, même s’ils ne franchissent pas la ligne du Frexit.
  • Place publique – PS et Les Écologistes visent une Europe écologique et sociale, avec un fort engagement en faveur des droits humains et de la justice sociale, mais les Écologistes sont plus radicaux dans leur approche environnementale et les Socialistes plus idéalistes dans les moyens budgétaires.
  • Parti communiste et LFI prônent des politiques anti-austérité et anti-libéralisation, mettant en avant la nécessité de protéger les services publics et de planifier l’économie pour assurer les transitions.Des points de divergence clés se cristallisent néanmoins rapidement à l’échelle de la vision de l’Europe : le clivage le plus « classique » oppose Renaissance, Place publique – PS, Les Écologistes qui favorisent une intégration accrue et même pour certains un fédéralisme européen, tandis que Rassemblement National, Reconquête, Les Républicains, Parti communiste et LFI prônent une Europe des nations avec divers degrés de coopération interétatique et respect de la souveraineté nationale.

Consensus de façade sur la défense

Si le sujet de la défense, afin d’assurer la sécurité des Européens, n’est oublié par aucun parti politique, derrière les convenances consensuelles autour du soutien à l’Ukraine et de la paix, ce qui se projette est bien plus que des nuances dans les mesures recommandées entre Renaissance et Les Républicains relatives au réarmement et au renforcement de la défense européenne, tandis que Rassemblement National et Reconquête sont minimalistes sur le sujet et que Parti communiste et LFI se placent sur la ligne d’une politique de paix, contre l’escalade militaire.Si l’on entre dans les détails, Renaissance veut une force armée de réaction rapide, le Rassemblement National une coopération industrielle sur des projets de défense, Reconquête vise le réarmement de l’économie européenne et la défense des intérêts français. Les Républicains visent à un renforcement militaire pour affronter les menaces extérieures. Place publique – PS veulent donner à l’Europe les moyens de se défendre, Les Écologistes bâtir une politique de diplomatie et de défense commune pour la paix, le Parti communiste promouvoir la paix et la sécurité collective et LFI fait la promotion d’un cessez-le-feu immédiat dans les zones de conflit.

Quelle transition ?

Sur l’énergie et le climat, l’une des principales préoccupations des citoyens, les lignes de fractures se recomposent différemment autour d’un seul axe, avec Renaissance et Les Écologistes, réunis autour d’objectifs ambitieux pour la transition énergétique et la protection de l’environnement, tandis que Reconquête est à l’autre extrémité sur une position de scepticisme climatique et d’opposition au pacte vert. Entre les deux, Les Républicains ou le Parti communiste se positionnement à mi-chemin en faveur d’une transition écologique avec soutien à l’industrie et souveraineté énergétique.

Là encore, plus dans le détail, les divergences se précisent davantage. Renaissance veut reprendre le destin énergétique en main avec une priorité au nucléaire et aux renouvelables tandis que le Rassemblement National cherche la souveraineté énergétique sans dépendance excessive aux énergies renouvelables. Reconquête s’oppose au pacte vert et promeut des énergies traditionnelles tout en intégrant des innovations écologiques. Les Républicains encouragent le progrès et la science pour affronter le changement climatique. Place publique – PS veulent créer une agence de planification écologique européenne, Les Écologistes sont sur l’objectif de 100% d’énergies renouvelables d’ici 2040, le Parti communiste se fait le chantre de la promotion d’une écologie populaire et de la souveraineté énergétique et LFI plaide pour la planification écologique européenne.

Autour de l’économie, les lignes de partage retrouvent des modes de différenciation propre à la vie politique parlementaire française contemporaine. Renaissance plaide pour l’Union de l’épargne et de l’investissement et 1 000 milliards d’euros pour faire face aux chocs écologique, technologique et sécuritaire, tandis que Rassemblement National et Reconquête sont favorables au protectionnisme et à la souveraineté économique. Place publique – PS et Les Écologistes se rejoignent autour de la réindustrialisation et de la transition écologique de même que Parti communiste et LFI, contre les règles d’austérité et pour la redistribution des richesses.

Pour trouver les lignes de fracture les plus sensibles, les migrations illustrent la diffraction de la société française où il peut être utile de distinguer chaque force politique: Renaissance propose un contrôle renforcé des frontières et une coopération entre les polices et services de justice. Le Rassemblement National veut réhabiliter les frontières nationales et mettre en place une « double frontière » ainsi que renvoyer les migrants illégaux avec l’aide de Frontex. Reconquête fait de la surenchère avec la mise en place d’une triple-frontière ainsi que l’expulsion et la remigration des clandestins. Les Républicains visent sobrement à maîtriser les frontières extérieures. A gauche, les positions évoluent entre Place publique – PS pour l’harmonisation des procédures d’asile et la création d’un espace européen de protection des demandeurs d’asile ; Les Écologistes sont en faveur d’une politique d’accueil juste et digne; le Parti communiste pour une politique migratoire plus humaniste et le respect des droits des migrants et LFI plaide pour l’organisation d’un accueil coordonné et digne et la garantie du droit d’asile sur le sol européen.

Sur l’innovation et les technologies, c’est l’opportunité de se différencier tant par les absences, comme l’intelligence artificielle peu mentionnée, que par les présences : Renaissance et Les Républicains plaident pour des investissements dans les secteurs numériques et technologiques, le RN pour un cloud souverain européen pour protéger les données et Place publique – PS et Les Écologistes pour la protection des créateurs et les technologies vertes.

Les questions institutionnelles

Les réformes institutionnelles de l’Union européenne sont également un sujet de divergence notable parmi les principaux partis politiques français. Renaissance vise à un renforcement des institutions européennes pour une Europe plus intégrée avec la création de nouveaux fonds et mécanismes pour la coopération entre États membres. Le Rassemblement National s’oppose à une Europe fédérale, veut renforcer le rôle des nations et des souverainetés nationales et même plaide pour une sorte de sortie de l’UE en réaffirmant « la supériorité de la Constitution française sur les normes et juridictions européennes », une position défendue différemment par Reconquête qui veut « modifier l’article 55 de notre Constitution pour sanctuariser la primauté du droit national sur le droit européen ». Les Républicains ne proposent pas de réforme institutionnelle, moins de normes et plus de résultats, tandis que Place publique – PS liste ses attentes : création d’une agence de planification écologique européenne, d’un « défenseur des droits » élu par le Parlement européen sans aller jusqu’à la position des Écologistes qui proposent une assemblée constituante européenne pour refonder l’Europe sur des bases plus démocratiques et écologiques. Sur la question du budget, Place publique- PS plaide pour augmenter le budget européen pour atteindre 5% du PIB, avec des ressources propres pour financer des initiatives paneuropéennes.

Les divergences sur la réforme institutionnelle de l’UE illustrent des visions fondamentalement différentes du futur de l’Europe. Les partis pro-européens comme Renaissance, Place publique – PS, et Les Écologistes cherchent à renforcer et à réformer les institutions européennes pour une intégration plus profonde et démocratique. En revanche, les partis souverainistes comme Rassemblement National, Reconquête, Les Républicains (avec mesure), Parti communiste, et LFI insistent sur la préservation de la souveraineté nationale et une limitation des compétences de l’UE, tout en favorisant des coopérations interétatiques sur des domaines spécifiques.

Le débat sur l’élargissement de l’UE reflète des visions opposées de l’avenir de l’Europe. Renaissance, Place publique – PS, et Les Écologistes voient l’élargissement comme une opportunité de renforcer l’UE, sous réserve de critères rigoureux en termes de démocratie, d’économie, et de droits de l’Homme (et environnementaux pour les Écologistes). En revanche, Rassemblement National, Reconquête, Les Républicains (avec prudence), Parti communiste, et LFI préfèrent consolider l’Union actuelle, en renforçant la souveraineté nationale et en évitant une dilution des institutions européennes et des politiques nationales, refusant toute nouvelle adhésion, souvent pour des raisons de protection de la souveraineté nationale et de prévention des politiques néolibérales.

ANNEXE : SYNTHESE DES PROGRAMMES ELECTORAUX AUX ELECTIONS EUROPEENNES DE JUIN 2024

Renaissance : nous avons besoin d’Europe

Le programme détaillé sur besoindeurope.fr vise à faire de l’Europe une puissance forte, sûre et indépendante et « en même temps » écologique, économique et sociale :

  • Réarmer, avec des budgets défense, une force de réaction rapide et un Fonds européen de soutien aux industries de défense ;
  • Mobiliser 1 000 milliards d’euros d’investissements pour faire face aux chocs écologique, technologique et sécuritaire, s’appuyant sur une « Union de l’épargne et de l’investissement » pour être champion du monde dans 5 secteurs clés : énergie, transports, numérique, santé et espace ;
  • Reprendre notre destin énergétique en main, le premier continent à l’électricité décarbonée, avec zéro énergie venue de Russie en 2025 et zéro énergie fossile en 2050, grâce au nucléaire et aux renouvelables ;
  • Protéger et contrôler nos frontières avec une force de garde-frontières renforcée et une coopération accrue entre les polices et services de justice ;
  • Inscrire le droit à l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux
  • Protéger nos enfants avec la majorité numérique à 15 ans ;
  • Bâtir un réseau européen des Instituts culturels nationaux pour la diffusion de la culture européenne

Rassemblement national : la France revient, l’Europe revit

Sur le site vivementle9juin.fr, le programme du RN vise à poser les jalons d’une Europe des nations qui défend à la fois les modes de vie et le niveau de vie des peuples, tout en portant l’ambition de coopérations entre États autour des grandes nécessités du XXIème siècle : la coopération industrielle et technique sur les grands projets d’avenir, notamment l’intelligence artificielle, le développement des échanges scientifiques sur les défis du XXIème siècle en vue de créer une Alliance européenne des nations pour rendre aux peuples leur souveraineté :

  • Réhabiliter la frontière comme outil de protection et de régulation ;
  • Un Pacte pour établir une concurrence extra-européenne loyale ;
  • « Double frontière » Contrôler les frontières nationales et mettre en place une frontière aux portes de l’Europe en permettant à Frontex de renvoyer les migrants illégaux ;
  • Reprendre en main notre souveraineté énergétique ;
  • Défendre la constitution d’un cloud souverain européen, et non d’un simple « cloud de confiance » perméable aux ingérences juridiques américaines et chinoises.

Reconquête : faire de la défense de la civilisation, la pierre angulaire de notre projet européen

  • Sur le site votezmarion.fr, 92 propositions pour libérer à l’intérieur et protéger à l’extérieur, avec leurs alliés groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR), au cœur de la véritable alternative à travers des minorités de blocage et des majorités de projet :
  • Combattre l’islamisation, stopper l’invasion, expulsion et remigration des clandestins, engager la triple-frontière avec une «frontière au-delà de nos frontières » ;
  • Affirmer les racines de notre civilisation européenne et chrétienne, protéger nos enfants de la propagande woke, de l’activisme lgbt, contre la drogue et pour la natalité ;
  • Reprendre notre destin en main, réaffirmer notre souveraineté et bâtir l’Europe des coopérations ;
  • Promouvoir une Europe des ingénieurs, de la recherche et de l’innovation, contre le pacte vert, en finir avec l’inflation des normes et des taxes ;
  • Réarmer l’économie européenne et défendre la puissance française.

Les Républicains : ensemble, redressons la France et remettons l’Europe à l’endroit pour maitriser notre destin

Avec un dispositif de communication minimal, sans site de campagne dédié, l’approche programmatique de « la droite pour faire entendre la voix des Français en Europe » : contre l’impasse inefficace et fédéraliste d’Emmanuel Macron et l’impasse socialiste et anti-européenne de Marine Le Pen : le RN est anti-européen et Renew est anti-nation. Redresser la France et remettre l’Europe à l’endroit pour pouvoir de nouveau maitriser notre destin : l’Europe doit se concentrer sur l’essentiel en mettant sa puissance d’intervention à affronter les défis qui ne peuvent être relevés qu’ensemble : la paix et la maitrise de nos frontières, l’adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité, l’investissement dans les technologies du futur et la prospérité grâce au marché intérieur. L’action de l’Europe doit passer par moins de normes et atteindre plus de résultats :

  • Face à des puissances prédatrices et à l’aggravation des menaces, l’Europe doit se réarmer ;
  • Pour garantir notre souveraineté économique et augmenter le pouvoir d’achat des Français, l’Europe doit choisir l’investissement et le progrès technologique et soutenir nos agriculteurs, nos pêcheurs et notre ruralité ;
  • Contre le changement climatique et pour la biodiversité, l’Europe doit encourager le progrès et la science ;
  • Pour maintenir la cohésion du continent européen, l’Europe doit maîtriser ses frontières extérieures ;
  • Pour se rapprocher des citoyens, l’Europe doit privilégier les grands projets et mettre en œuvre la volonté exprimée par les institutions représentatives des peuples européens.

Place publique – PS : Réveiller l’Europe

  • Le site de campagne Glucksmann2024.eu capitalise sur l’image de sa tête de liste, avec un programme, l’agenda « Europe 2030 » pour :
  • Une Europe puissante: donner à l’Europe les moyens de se défendre, réindustrialiser nos nations et rompre avec le dogme du libre-échange et produire en Europe afin d’assurer notre souveraineté industrielle en élaborant une stratégie du « fabriqué en Europe »
  • Une Europe écologique afin de bâtir une puissance pour le climat : créer une agence de planification écologique européenne, fondée sur le modèle de dialogue social du commissariat au plan afin d’assurer un suivi efficace de nos objectifs environnementaux et sociaux
  • Une Europe sociale, du pouvoir de vivre avec un plan d’investissement dans la rénovation des bâtiments et la construction de logements et un plan européen d’investissement dans les énergies renouvelables, le réseau électrique et les technologies propres ; une Europe qui défend les travailleurs : justice salariale, un « bouclier emploi » en généralisant le principe du « former plutôt que licencier » ; une Europe de la solidarité, de l’inclusion sociale et de la cohésion territoriale : doubler le budget du fond social européen ;
  • Une Europe humaniste et juste – défendre l’état de droit en créant un « défenseur des droits » élu par le parlement européen, ayant un rôle de vigie ; garantir à chaque femme européenne les droits les plus protecteurs de l’UE en adoptant la « clause de l’Européenne la plus favorisée » ; une Europe de l’hospitalité en harmonisant les procédures d’asile, d’examen et d’attribution du statut de réfugié conformément aux critères de la convention de Genève, via la création d’un espace européen de protection des demandeurs d’asile ;
  • Une Europe puissance pour l’avenir : une réelle exception culturelle européenne pour protéger notre création en doublant le budget européen de la culture alloué au programme «Europe Créative» ; assurer la protection des créateurs et ayants droit dans le marché européen de l’intelligence artificielle générative; reconnaissance mutuelle des diplômes dans tous les domaines et doubler le budget du programme «Horizon Europe» ; adopter une « exception sportive », au même titre que « l’exception culturelle » ; l’Europe de la jeunesse avec une allocation d’autonomie pour tous les jeunes européens de 15 à 25 ans, ni en emploi, ni en études ; l’Europe puissance géopolitique qui construise un partenariat entre égaux avec l’Afrique et la Méditerranée pour créer ensemble un espace de co- développement ;
  • Une Europe démocratique et intègre : démocratiser l’Europe et défendre l’intégrité de la démocratie européenne en créant une haute autorité de l’intégrité de la vie publique européenne ; lutter contre la concentration de la propriété des médias en approfondissant le règlement sur la liberté des médias ;
  • Une puissance publique européenne: soutenir l’investissement et l’activité économique en instaurant des règles climatiques pour investir dans la transition écologique, mutualiser les dettes européennes et augmenter le budget européen pour atteindre 5% du PIB.

Les Écologistes : sauver le climat et faire face à l’urgence sociale avec un État providence écologique européen.

Plus l’Europe sera solidaire, plus l’Europe sera forte. Nous proposons un modèle de protection sociale et environnementale basé sur la solidarité : l’État-providence écologique, autour d’un programme de combats pour la justice et le vivant et d’un saut fédéral pour un sursaut européen :

  • Une Europe qui réencastre son économie dans les limites planétaires pour passer d’une économie qui détruit à une économie qui répare, un traité environnemental pour faire de la protection de l’environnement la norme des normes, sortir de l’austérité pour investir dans la bifurcation écologique, mettre la politique monétaire au service de l’écologie, un buy green and european act pour privilégier les produits vertueux et faits en Europe, baisser la tva sur les produits verts pour rendre les produits sains ou issus de l’économie circulaire accessibles à toutes et tous, un protectionnisme vert pour protéger nos entreprises et l’emploi de la concurrence déloyale et mieux protéger la planète ;
  • Une Europe qui agit pour sauver le climat : objectif 100% renouvelables en 2040, un fonds de souveraineté écologique pour sortir des énergies fossiles, un plan de report modal pour passer du camion et de l’avion au rail et au vélo, sortir la finance des activités climaticides et une politique d’adaptation au dérèglement climatique ;
  • Une Europe qui préserve enfin le vivant et les communs naturels : instaurer un droit à la nature, faire renaître une forêt primaire en Europe, mettre en place un pacte bleu pour préserver les fleuves, glaciers et océans, interdire les produits chimiques dangereux et sortir du plastique, conduire une stratégie ambitieuse pour le bien-être animal ;
  • Une Europe qui réussit la transition de l’agriculture et de la pêche : des revenus dignes et des pratiques plus écologiques: une PAC plus verte, plus juste, pourvoyeuse d’emplois, fonds de transition pour l’agriculture et pour la pêche, mettre fin aux pratiques agricoles et de pêche destructrices, assurer le renouvellement des générations, sortir du libre-échange et mettre en place une politique commerciale juste et une Europe qui protège face à l’explosion des inégalités et au nouveau régime climatique ;
  • Garantir la justice sociale en créant de nouveaux droits : un droit de veto social pour inverser la courbe des inégalités, un revenu minimum européen à commencer par un revenu de formation pour les jeunes, eau, alimentation, énergie : garantir les besoins essentiels, garantir le droit à un logement sain ;
  • Une Europe qui agit pour l’emploi : mettre en place un pacte pour l’emploi mobilisant et protégeant les travailleurs et les travailleuses dans la bifurcation de notre économie, impulser une politique industrielle de sortie des toxiques, protéger les droits des travailleurs et des travailleuses, renforcer les libertés syndicales et instaurer une garantie à l’emploi pour les personnes éloignées de l’emploi ;
  • Une Europe de la santé pour toutes et tous : un service public européen du médicament, le droit à la santé pour toutes et tous : une CMU européenne et un statut pour les aidants, investir dans la santé des femmes ;
  • Un saut fédéral pour refonder et démocratiser l’Europe : rendre le pouvoir au peuple : une assemblée constituante européenne, une union européenne qui se dote de ressources financières propres pour avoir enfin les moyens de sa politique, adopter une loi de séparation des lobbies et des institutions, protéger la liberté de l’information du pouvoir de l’argent et des ennemis de la démocratie, en finir avec les paradis fiscaux ;
  • Une Europe qui renforce les droits humains et défend des valeurs d’inclusion : inscrire l’ivg dans la charte des droits fondamentaux et déployer la clause de l’européenne la plus favorisée, combattre toutes les formes de discrimination, reconnaître toutes les unions et tous les enfants ;
  • Une Europe qui agit pour la paix et un ordre mondial plus juste : soutenir l’Ukraine face à Vladimir Poutine, bâtir une politique de diplomatie et de défense commune, entre Israël et la Palestine, l’Arménie et l’Azerbaïdjan… Partout : faire de l’Europe une force de paix, un Erasmus de la mémoire, pour construire une mémoire européenne commune, une politique d’accueil juste et digne, un traité de non- prolifération des énergies fossiles, garantir le droit au développement pour rééquilibrer les rapports nord sud.

Le Parti communiste : Gauche Unie pour le monde du travail : Reprenons la main en France et en Europe

Une autre construction européenne est possible, c’est un enjeu politique et social majeur pour une Europe des peuples et des nations libres, souverains et associés autour d’orientations nouvelles et d’engagements pour la mandature :

  • Garantir la souveraineté démocratique des peuples : lutter contre le retour de l’austérité européenne, refuser l’élargissement de l’UE, respecter les choix démocratiques souverains des peuples, de nouvelles coopérations économiques, contre les traités de libre-échange ;
  • Promouvoir la paix et la sécurité collective: imposer une réelle autonomie stratégique, impulser un espace méditerranéen de coopérations, bâtir un nouvel ordre du monde ;
  • Prendre le pouvoir sur le capital : favoriser une nouvelle industrialisation et lutter contre les délocalisations, promouvoir une écologie populaire et garantir notre souveraineté énergétique, construire une véritable politique commune de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation, dans l’objectif de garantir la souveraineté alimentaire des peuples, la régulation d’Internet et la construction d’une souveraineté numérique ;
  • Développer les services publics : en finir avec les libéralisations, sortir la santé des logiques marchandes, développer les services publics de transports, sortir l’enseignement et la recherche des politiques néolibérales, impulser une politique nouvelle en faveur de la jeunesse ;
  • Conquérir le progrès social et l’égalité : de nouvelles conquêtes sociales, l’égalité des droits, promouvoir la vie associative et l’économie sociale et solidaire, libérer l’art, la culture et les médias des dogmes du marché et défendre l’exception culturelle ;
  • Se donner les moyens de changer radicalement d’Europe en favorisant les luttes et les mouvements sociaux, en développant les coopérations politiques pour d’autres politiques en Europe, en agissant pour une autre utilisation de l’argent, en développant la lutte contre l’évasion fiscale et en réformant les fonds structurels européens.

LFI : la force de tout changer

La partie consacrée aux élections européennes sur le site de la France insoumise met en avant les fonds récoltés pour la campagne, dans les campagnes aux US et déroule un programme sans réforme institutionnelle de l’Europe :

  • Sortir de l’austérité et partager les richesses : abolir les règles d’austérité anti- services publics, taxer les riches et les superprofits, mettre en place une allocation d’autonomie contre la pauvreté de la jeunesse ;
  • En finir avec le dumping social : mettre en œuvre, au niveau européen, la victoire insoumise sur la directive de présomption de salariat effective empêchant les plateformes d’avoir recours aux faux indépendants ;
  • Sortir du libre-échange et relocaliser et mettre fin aux accords de libre-échange
  • Faire la planification écologique européenne : baisser les prix de l’alimentation en encadrant les marges des multinationales, sortir des pesticides et garantir une rémunération digne aux salariés de l’agriculture, passer au 100% énergie renouvelable d’ici 2050 ;
  • Faire respecter la souveraineté populaire en Europe : contre le retour de la Commission européenne soutenue par la coalition de la droite, des macronistes et des socialistes et chasser les lobbies des institutions européennes ;
  • Étendre les droits et libertés face aux réactionnaires : inclure le droit à l’IVG et à la contraception, et leur accès gratuit pour toutes les femmes, dans la Charte européenne des droits fondamentaux ;
  • Lutter contre l’exil forcé et organiser un accueil coordonné digne et garantir le droit d’asile sur le sol européen
  • Pour la paix : refuser la vassalisation de l’Europe, défendre un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza et incarner la voix de la paix en Europe ;
  • Nouvelles frontières de l’humanité : construire de nouveaux horizons de progrès écologique pour protéger les biens communs de l’humanité et nous porter aux nouvelles frontières que sont les mers et le virtuel..

Construire une économie inclusive et profitable à tous

par Gabriela Martin, Déléguée Générale

La transition écologique, un nouvel enjeu de relations internationales

La 7e édition de ChangeNOW de mars 2024, à l’organisation de laquelle l’Atelier Europe a contribué, s’est voulue un événement d’innovation citoyenne et de diplomatie internationale pour susciter un véritable changement axé sur la transition écologique et sociale, au moment où l’existence de divers mouvements populistes climato-sceptiques menacent l’unité du projet européen. Dans le même temps, des leaders du changement définissent des priorités et des actions pour la transition durable. Quelle est ainsi la position des candidats français aux élections européennes ?

Face aux défis écologiques, l’économie inclusive est devenue un thème clé

Les menaces actuelles ont imposé le développement de solutions. On peut penser à la réduction de la biodiversité; 30% des espèces seraient menacées de disparition d’ici 2050 ; ou à la déforestation ; 6 millions d’hectares par en Amazonie. Mais surtout au changement climatique ; selon les prévisions du GIEC, la température mondiale s’élèverait en 2100 de 1° à 6° en plus ; qu’ils soient d’origine humaine ou des émissions de gaz à effet de serre, ils ont des conséquences catastrophiques : le niveau des mers augmenterait (+0,5 m), entrainerait la disparition des petits États insulaires – Maldives, Nauru – et l’accroissement des réfugiés climatiques – vingt millions aujourd’hui selon l’ONU -. Le lien entre paix et gestion équitable de l’environnement est régulièrement soulignée.

ChangeNOW, plateforme d’innovation et espace d’action, fait partie des réponses à ces périls. Sa mission est de faciliter et d’accélérer la transition vers un monde durable, en aidant les autres à avoir le plus d’impact possible et à recentrer les efforts collectifs en faveur des générations futures. Qu’il s’agisse de technologies révolutionnaires ou d’initiatives menées par des communautés, chaque échange au sein de ChangeNOW réaffirme l’engagement de leurs acteurs à relever les défis auxquels notre planète, du fait de l’extraction continue des ressources, est confrontée.

La plateforme organise chaque année son rassemblement phare à Paris. Au printemps 2024,1 il a réuni des initiatives allant de la COP15 sur la désertification, à l’autonomisation des femmes en Afrique, en passant par l’organisation du plus grand événement dédié aux fonds d’impact et le premier débat électoral européen axé sur la transition écologique et sociale.

Des idées et solutions originales sur les liens sociaux y ont également été présentées, enrichies par les perspectives de divers praticiens qui aident les organisations à relever des défis d’une économie plus inclusive. En effet, c’est au cours de la 2ème journée de ChangeNow qu’a été explorée l’inclusivité sous différents angles, notamment celui des femmes, des hommes, des jeunes et des communautés autochtones, tout en abordant des sujets comme l’économie circulaire et l’impact économique du changement climatique. Ces conversations mettent en évidence une volonté commune de créer un changement positif dans la société.

La notion de transition écologique s’est imposée

L’écologie est la science de l’environnement. Elle constate des effets marqués par la présence humaine et explore des pistes de remédiation, tout en restant modeste sur les effets croisés des actions proposées, car de nombreux exemples d’actions contre- productives ont déjà été observées : e.g. arbres et impact environnemental.

C’est la mesure de l’impact environnemental humain, considérant à l’origine plusieurs centaines de dimensions – les minerais et molécules de base – depuis l’origine jusqu’à l’élimination. Depuis, cette mesure a été simplifiée en regroupant les différentes origines par type : minerais, énergie, air, eau etc. Les mesures ont constaté dès les débuts une dégradation de l’environnement.

Tout est sombre ? Oui et non.

Un véritable plan d’action européen : la plupart des États membres de l’Union européenne ont réussi à atteindre les objectifs 2020 de l’UE en matière de climat et d’énergie et visent désormais la neutralité climatique à l’horizon 2050.

Ainsi 100 leaders pour le changement ont bâti des ponts entre les industries et les continents, initiant des partenariats qui les propulseront vers un avenir plus durable.

Si la transition écologique divise les sociétés, il est possible de forger un consensus

Les questions en matière de transition écologique divisent les sociétés. L’interaction entre l’écologie, la science de l’environnement, le bien commun, un concept propre à chacun, et le bien-être, un sentiment, est à l’origine de nombreuses incompréhensions et de conflits tant au niveau politique que sociétal, et mérite un petit détour afin de décoder plus facilement les enjeux actuels.

La science de l’environnement, comme les autres sciences, est de moins en moins perçue comme crédible. 17 % de jeunes en France pensent que la science apporte plus de mal que de bien à l’humanité. Il y a ainsi 31 % de climato- sceptiques dans le monde, 38 % des 18- 24 ans pensent que le changement climatique n’existe pas…La compréhension et l’acceptation des résultats vient des générations plus anciennes et cultivées 2. L’acceptation différente de l’apport scientifique opère un clivage social et générationnel.

Les actions d’atténuation de l’impact environnemental sont possibles pour une Elite, la différenciation sociale en devient plus importante. Ce phénomène est sensible dans les pays développés, mais aussi entre les pays développés et les autres, aggravant la perception d’injustice : les COP successives en sont la représentation. Ce déséquilibre est d’autant plus envident que le dérèglement météorologique se manifeste plus violemment dans la zone subtropicale.

Les pays dont les habitants sont les plus touchés en 2019 : Mozambique, Zimbabwe, les Bahamas. Pour la période de 2000 à 2019 Puerto Rico, Myanmar et Haïti – sont africains – 15 % des catastrophes, 35 % des décès , Centro-Américains, avec une partie de l’Asie. 90% des décès dus aux catastrophes viennent des pays en développement. Quant à la désertification il s’agit de l’Espagne, du bassin méditerranéen et de l’Afrique du Nord3

Les pertes financières dépassent chaque année des records dans les pays développés. D’où la réticence des pays développés à financer les pays pauvres, et le sentiment d’injustice de ceux-ci. La dégradation climatique génère un clivage international, social et générationnel (les pays riches sont tous vieillissants).

Pour autant, en ce début de semestre 2024, l’un des enseignements de l’enquête de Destin Commun dans le cadre des élections européennes est celui d’un plaidoyer pour la sobriété : 7 Français sur 104 sont favorables. La France, plus divisée que l’Allemagne et le Royaume-Uni y voient une solution souhaitable face à la crise climatique.

Un consensus semble se forger : la sobriété, qui implique de consommer moins, est une solution souhaitable pour protéger l’environnement et lutter contre le changement climatique.

Selon la même étude de mars 2024 de Destin Commun, alors que l’écologie reste une opportunité de rassemblement pour 53% des Français, la pédagogie de l’ambition écologique de l’UE reste à faire : 59% des Français disent qu’un leadership écologique de l’UE les rendrait fiers d’être européens et 68% adhèrent à l’idée que la sobriété est une option souhaitable face à la crise climatique, mais seuls 22% ont connaissance du Green Deal.

Il est toutefois possible de favoriser un débat sur le plan européen, en faveur de la transition écologique

L’avenir écologique de l’Europe se joue aux prochaines élections. Alors, il a semblé essentiel aux fondateurs de ChangeNow de créer un débat autour des candidats français au Parlement européen, qui permettrait de rappeler au plus grand nombre l’importance de l’Europe sur ces questions de transition et d’aller voter le 9 juin prochain.

Les candidats Mathilde Androuët, Manon Aubry, Nicolas Bay, Clément Beaune, François- Xavier Bellamy, Aurore Lalucq et Marie Toussaint ont respectivement représenté les 7 partis français ayant plus de 5% d’intentions de vote. Ils ont débattu de la transition agricole et de la protection du vivant, de la transition énergétique, du rôle de l’Europe dans la transition écologique et du financement de celle-ci.

Si une analyse reste imparfaite en quelques mots la question sur « la mesure majeure pour la transition » offre un panorama très différencié :

Pour le grand plan d’investissement européen, Clément Beaune préconise de respecter les limites planétaires, Marie Toussaint de donner un prix au carbone, François-Xavier Bellamy de sortir des accords de libre-échange, Manon Aubry d’instaurer une clause de priorité nationale, Mathilde Androuet de créer un grand plan électro-nucléaire ,Nicolas Bay, et en fin Aurore Lalucq préconise quant à elle une fiscalité sur les ultra-riches pour financer la transition.

Cependant, ceci dissimule un aspect plus intéressant, à commencer par les points de convergence : Sortir des accords de libre-échange et fixer des prix planchers pour aider les agriculteurs à faire leur transition. Le besoin d’un grand plan d’investissement européen, en relocalisant les filières d’énergies renouvelables, le financement par une dette commune et plus de fiscalité sont les mesures saillantes.

Finalement, les différences fondamentales se manifestent dans les détails du débat :

Plus on va à aux mouvances dites de « droite », et plus on est 100% nucléaire, contre le passage rapide à la voiture électrique et contre toute mesure qui entrainerait une contrainte sur la croissance, comme les terres en jachère pour restaurer des habitats.

Pour les partis de gauche et les écologistes, la tendance est au 100% énergies renouvelables, financée par une taxe sur les superprofits pétro gaziers et les ultra-riches, avec un appel à réduire les gaspillages et protéger les biens communs comme l’eau sur le plan européen.

La transition verte, sujet politique majeur et au cœur de l’actualité internationale, a été au centre du débat.

La dégradation climatique génère un clivage international, social et générationnel. Ces trois facettes ne se recoupent pas complètement et donnent une impression de chaos général, d’archipélisation sociétale inconnue jusque récemment. La mondialisation favorise un jeu ouvert avec les autres grandes puissances étrangères.

L’amélioration de l’environnement entraîne l’adhésion de la majorité des personnes en France mais sans que cela devienne actuellement un projet de société européen.

Les élections au Parlement européen au printemps 2024 seront le moyen par lequel les citoyens exprimeront leur soutien aux députés sur cette question de société, des épreuves telles que le climat, les valeurs fondamentales et le rôle de l’UE dans le monde. Il est à noter que chacun des défis qui se profilent pour les institutions renouvelées requiert de la participation active à la sphère publique.

Vers un Commissaire européen à la Défense

par Michël Malherbe, Secrétaire Général

Comment répondre aux défis sécuritaires d’une Europe en campagne ?

Alors qu’est passé en février dernier le terrible deuxième anniversaire de l’invasion russe en Ukraine et que les menaces sécuritaires se multiplient, l’idée d’une Défense européenne fait son chemin. Dans le contexte des déclarations récentes du président Français et du débat parlementaire national sur l’implication en Ukraine, l’Union européenne se trouve à un carrefour stratégique. Depuis quelques semaines, la proposition de nommer un nouveau Commissaire européen à la Défense, un poste inédit, a été mise sur la table. Cette proposition vise à renforcer la politique de défense commune de l’UE et à répondre efficacement aux enjeux sécuritaires actuels tels que la guerre en Ukraine et l’éventualité du retour de Donald Trump aux affaires. Sachant que selon l’Agence européenne de défense, les dépenses totales de défense ne représentaient que 1,5 % du PIB en moyenne dans l’UE en 2023, la défense n’a jamais été aussi présente dans les débats que lors de la préparation de ces élections européennes.

Roberta Metsola : l’UE doit prendre le leadership si Trump revient

Selon Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, « l’Europe doit être prête à assumer le leadership, quelles que soient les évolutions aux États-Unis ». Elle propose notamment la mise en place d’un nouveau budget de défense de l’UE. Pour Metsola, « l’Europe ne peut pas hésiter, quand on voit ce qui pourrait se passer de l’autre côté de l’Atlantique… L’Europe doit rester forte ». Elle insiste sur la nécessité d’une union de défense et d’une augmentation des dépenses de défense.

Ursula von der Leyen favorable à un rôle de défense de l’UE

Du côté de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen s’est également exprimée favorablement à une plus grande implication de l’UE en matière de défense, alors que son bilan au sujet de l’Ukraine n’est pas pleinement satisfaisant puisque l’engagement de l’UE à livrer 1 million d’obus à l’Ukraine d’ici mars 2024 est un délai que le bloc est sur le point de manquer. Trois personnes directement informées de la question ont révélé à Playbook, la newsletter quotidienne de Politico Europe que l’UE envisage de créer un nouveau poste de commissaire à la défense pour superviser les aspects industriels de la politique de défense.

Rôle du Commissaire à la Défense : ce qu’il ne serait pas et ce qu’il pourrait être

La politique de défense est actuellement répartie entre différentes institutions, l’idée serait de centraliser les politiques de défense. Actuellement, une Direction générale de la Défense et de l’Espace, sous-équipée à la Commission européenne cohabite avec une Agence européenne de défense, sous la responsabilité du Haut-Représentant Josep Borrell tandis que le programme d’achat conjoint de l’UE, l’EDIRPA, relève du Conseil des ministres. L’idée serait de centraliser certaines de ces fonctions au Berlaymont, le siège de la Commission européenne à Bruxelles.

Pour réussir, compte-tenu de la sensibilité des problématiques de défense, l’efficacité d’un Commissaire à la Défense dépendra de sa capacité à travailler en synergie avec les autres institutions européennes, tout en évitant la duplication des efforts. Le rôle du Commissaire à la Défense ne serait pas un rôle géopolitique qui pourrait éclipser les prérogatives nationales en matière de défense, a fortiori au sujet de l’OTAN, de l’ONU ou des armes nucléaires. En revanche, il pourrait s’agir d’un rôle visant à piloter la politique industrielle axée sur les besoins partagés en matière de munitions et sur le déploiement des investissements de l’UE dans des programmes de développement d’armements répartis dans plusieurs pays.

Candidats potentiels pour le poste de Commissaire à la Défense

Parmi les noms évoqués pour ce nouveau poste, on retrouve Radosław Sikorski, l’actuel ministre des Affaires étrangères de la Pologne, tandis qu’une autre candidate possible serait la Première ministre estonienne Kaja Kallas, qui se montre favorable à un « saut stratégique non seulement dans notre pensée mais aussi dans les réalisations concrètes ».

Controverses partisanes dans la campagne électorale

Le parti politique de centre droit, le Parti populaire européen, semble jouer un rôle moteur sur ce sujet, qui aurait pu largement diviser ses forces par le passé. Le projet de manifeste du PPE propose, dès janvier selon Euractiv, de créer ce poste de Commissaire européen à la défense, afin de « mieux coordonner les questions de défense dans le cadre des compétences de l’UE, de promouvoir la coopération et, en même temps, de garantir qu’il existe un budget de défense de l’UE d’au moins 0,5 % du PIB de l’UE, en plus des budgets nationaux », soit environ 100 milliards d’euros – le même chiffre que Thierry Breton déclare que l’UE devrait investir dans les industries de défense.

Au cours de la campagne électorale, une perception croissante se dégage selon laquelle l’Europe doit faire beaucoup plus en matière de défense, même si ce qui y sera inclus fera l’objet de débats acharnés. D’ores et déjà, quelques partis politiques se sont positionnés, avec davantage d’arrière-pensées électorales que de souci de l’intérêt général, comme du côté du Rassemblement national, qui s’y oppose.

Secouée par la situation en Ukraine et par les menaces de Trump, l’UE envisage des mesures en matière de défense qui auraient été inconcevables il y a seulement quelques années. Dans ce contexte, il est grand temps que l’Europe prenne des mesures pour renforcer sa capacité de défense et répondre aux défis sécuritaires actuels. La nomination d’un Commissaire européen à la Défense pourrait être une étape importante dans cette direction.

LE CHAOS DU MONDE OBLIGE L’EUROPE A SE DOTER D’UNE POLITIQUE ETRANGERE COMMUNE

par Patrick d’Humières

Les guerres du moment désignent à l’opinion quelles sont les puissances de premier rang et celles de second rang. L’Europe doit-elle se contenter d’être en deuxième catégorie et de régler les factures humanitaires sans peser sur les décisions globales et sans parvenir à infléchir l’ordre mondial dans le sens de ses valeurs ? Cette interrogation est existentielle car si nous ne trouvons pas rapidement une cohérence dans l’action extérieure, on ne pourra plus reprocher aux dirigeants des États membres de jouer leur partition et de se désolidariser de la communauté de destin qui est nôtre. Dans nos pays comme que dans le monde extérieur, au nord local comme au sud global, l’UE se doit de se présenter unie et cohérente devant les autres dirigeants de ce monde, qu’ils soient démocratiques ou autoritaires. Cette vérité simple nous interpelle d’autant plus qu’en matière commerciale, en matière environnementale, en matière humanitaire et dans plusieurs champs de la régulation, l’Union a fait le saut d’une représentation commune qui s’impose de mieux en mieux dans le jeu global.

Et l’intérêt d’une « PEC » est d’enclencher forcément la politique commune de défense, mais aussi les volets culturels, sanitaires et d’inclusion qui font cruellement défaut à l’édifice institutionnel européen et que les initiatives engagées jusqu’ici justifient d’aller beaucoup plus loin sans tarder.

Le monde stabilisé que nous quittons

L’Europe du « triple saut » peut-elle voir le jour en 2024, à l’occasion du débat électoral de juin, pour ajouter au saut économique puis institutionnel, indéniablement réussi, celui de l’action extérieure commune ? Certes, on sait bien qu’on touche là à la symbolique nationale la plus réflexe qui soit, dès lors qu’il s’agit d’incarner des vieux États-Nations et de permettre à leurs chefs d’État et de gouvernement d’exister au-delà des questions quotidiennes, en prenant en charge « l’essentiel », c’est à dire le destin de leur peuple aux yeux des autres !

Dans le monde stabilisé que nous quittons, les questions internationales étaient enfermées dans un cadre occidental hiérarchisé qui convenait bien à presque tous les acteurs et qu’ont facilement rejoint les nouveaux adhérents à l’Union en se démettant sur le tuteur impérial américain pour ce qui est touche à l’ordre mondial, son organisation, sa sécurité et ses enjeux nouveaux. Cet abandon évitait de se poser beaucoup de questions à long terme et, à part la France, l’UE ne s’imaginait pas devoir se positionner en propre sur des enjeux hypothétiques. L’irruption de la multipolarité tirée par la Chine, de la désoccidentalisation nourrie par les BRICS et de la révision nécessaire des relations économiques au nom des enjeux écologiques, force l’Europe à devoir affirmer une autre voie qui coïncide avec ses valeurs. Elle ne sait pas le faire en ordre à ce stade ; on se demande même si les principaux dirigeants de l’Union partagent cet objectif, certains s’accommodant volontiers d’une prudence hypocrite et d’autres poursuivant leur chemin solitaire faute de se retrouver dans la représentation commune bruxelloise. Malheureusement, cette béance diplomatique se voit ; elle nuit désormais à l’attractivité du projet européen, dont on oublie qu’il fut établi pour faire la paix et non pour s’en tenir à un mercantilisme sans âme et sans boussole. Or si la paix n’est plus là, que fait-on ?

Construire une architecture diplomatique collective est devenu un impératif vital pour l’UE

Construire une architecture diplomatique collective est devenu un impératif vital pour l’UE, dont on doit dire qu’il passera par un abandon négocié de certaines prérogatives de représentation associées aux États, même si on sait que l’aura que confère aux grandes nations la perpétuation d’une expression autonome et pompeuse sur la scène mondiale n’est ni efficace, ni indispensable pour faire bouger les lignes ; elle prolonge un sentiment d’existence ostentatoire, comme notre voisin d’Outre-Manche sait si bien le faire, avec son « marketing de la couronne » qui est une piètre compensation à l’échec de la stratégie « global UK ».

De fait, accepter de renoncer à cette démarche d’expression régalienne touche au symbolique quand il s’agit de représentation mais, croit-on, à la souveraineté lorsqu’il s’agit de choix structurants à partager, fut-ce avec un ami et partenaire sur toutes les autres politiques publiques, ce qu’on craint qu’il soit perçu par les opinions comme un abandon castrateur ; aucun dirigeant ne veut et ne peut transgresser simplement ce legs émotionnel sans s’assurer qu’il ne sera pas privé de deux composantes à part entière de son autorité légitime : la vision stratégique qui lui convient, d’une part, lors des phases de décision, et la possibilité de rester l’incarnation de son peuple face aux autres d’autre part, pour assumer ces choix , bref éviter le syndrome d’un Cyrano de Bergerac : « n’aller pas bien haut, peut-être, mais tout seul ».

Dépasser cette limite fondamentale tient de la dimension psychanalytique ou du réflexe archaïque nationaliste, parfaitement respectable, alors même que les Etats-membres ont appris de longue date à débattre et à convenir d’orientations extérieures communes ; paradoxalement, ce n’est pas tant le fond stratégique qui paralyse l’Union que la volonté de déléguer à une instance représentative le soin d’incarner et de faire vivre notre rapport au monde. Nous savons que nous pouvons dégager des options fondamentales communes à la majorité des 27 mais en ne voulant pas encore transférer leur incarnation et leur déploiement à l’Union, au moins en partie, nous en affaiblissons la portée et la perception, c’est-à-dire toute efficacité.

C’est bien la question de la capacité de l’Europe à compter sur la scène mondiale qui est le sujet

Or, c’est bien la question de la capacité de l’Europe à compter sur la scène mondiale qui est l’enjeu, pour favoriser des solutions négociées, atténuer des conflits et ouvrir de nouvelles voies de coopération et de régulation collective, terrain dont Amin Maalouf rappelle dans son dernier essai* que se joue là une capacité occidentale crédible à ne pas subir une remise en cause inéluctable », ainsi que « la réparation du monde » à laquelle il faut s’atteler enfin, pour favoriser un nouvel ordre coopératif.

La guerre en Ukraine nous a fait progresser de façon considérable sur le chemin d’une vision commune à l’égard de la Russie et dans nos rapports plus décomplexés avec les Etats-Unis et le reste du monde. Mais nous arrivons au pied de la muraille russe et la hauteur à franchir est beaucoup plus abrupte que la gestion réactive limitée assumée jusqu’ici ! La division escomptée par le Président russe n’a pas eu lieu et ce n’est pas là le moindre succès porté par un « occident » qui s’est retrouvé dans la défense militaire et politique de ses valeurs et de ses intérêts. Cet acquis défensif, à maintenir jusqu’au retour de l’Ukraine dans ses frontières, est le signe le plus encourageant que nous puissions afficher depuis la chute du Mur. Elle nous aide à oublier l’inconscience qui a marqué un lâche abandon au protecteur américain s’agissant des implications de l’architecture de sécurité collective post-89 que nous payons au prix fort aujourd’hui. A ne pas traiter nos enjeux réels, ils nous rattrapent un jour.

C’est aussi ce qui s’est passé avec l’éruption terroriste dont Israël a été victime le 7 octobre 2023, qui a pris de cours une Amérique et une Europe qui avaient largement jeté l’éponge dans le bourbier moyen-oriental, alors même que nous avons porté sur les fonds baptismaux onusiens un État juif doté d’une identité démocratique et campée sur le projet des deux États en Palestine, en vain malheureusement. L’Europe avait pris acte de son impuissance avec l’échec des accords d’Oslo et le refus du peuple juif de négocier la mise en place d’un État Palestinien. Rattrapée par la problématique insoluble et douloureuse de la coexistence de deux populations concurrentes sur la terre de leurs ancêtres, voulue par la communauté internationale mais refusée par les protagonistes, l’Union vient de faire une démonstration pathétique de son incapacité à penser et agir solidairement en termes de puissance qui compte. La France tient son rang, l’Allemagne gère sa culpabilité, l’Espagne et l’Italie affichent des choix trop simples… nous vivons là un rendez-vous manqué avec notre Histoire : si nous ne savons pas plus contribuer de façon déterminante à faire émerger rapidement un modus vivendi, via une double solution humanitaire et diplomatique, pour canaliser le conflit ouvert et déboucher sur des règles de coexistence viable, nous serons aussi les perdants d’un drame dans lequel nous avons une certaine paternité. Il est à craindre que nous y perdions la crédibilité d’acteur international pour longtemps.

Les Européens ont une responsabilité directe dans la réorganisation de l’espace moyen-oriental

De fait, les européens, pas mieux que les Américains, n’ont été capables de faire valoir un ordre juste et appliqué qui garantisse les intérêts de tous les peuples du Moyen-Orient, et parce qu’on sait que l’équation est quasi impossible, il faut la porter d’autant plus ! Il ne sert à rien de renvoyer à notre vacuité militaire l’explication de notre pusillanimité politique. L’analyse historique de cette tragédie nous oblige à réparer notre faiblesse actuelle à agir qui a atteint un paroxysme dans la division récente des votes européens à l’Assemblée générale des Nations-Unies. Nous nous devons de tirer les conséquences pour nous aussi Français de cette situation car nous sommes solidaires de la crédibilité de l’UE, au risque de donner raison à tous ceux qui ne veulent que des solutions militaires jusqu’au-boutistes et destructrices, misant sur la victoire définitive d’un camp sur l’autre et se refusant à faire une paix qui n’est pas la leur. C’est ce langage, distillé par le Président français, qui est attendu par le reste du monde.

La sécurité d’Israël dans des frontières à fixer en respectant celles de ses voisins, et la vie palestinienne possible dans un espace reconnu -probablement à démilitariser – sont les conditions d’un retour à la paix au Moyen-Orient qu’il faut rechercher plus que jamais en reprenant la méthode norvégienne qui avait réussi. L’UE a besoin en tout cas d’une stratégie commune immédiate qui exprime une unité de fond et de forme, dont elle doit faire le laboratoire d’une politique étrangère commune effective, sortie des débats doctrinaux infinis, en privilégiant une approche pragmatique dès lors qu’elle met fin aux conflits inacceptables. Plusieurs pistes, bien connues des dirigeants et des diplomates, sont sur la table. On se contentera ici d’ordonner certaines solutions pour rappeler qu’elles font partie des champs de progrès envisageables et que seules la volonté politique et la hauteur de vue collective les rendront possibles. Ce sont des voies pour bâtir cette politique étrangère européenne existentielle à l’occasion du conflit moyen-oriental que nous devons aider par-dessus tout à sortir de l’engrenage de la violence et de la lutte à mort qu’il a pris, pour installer la coexistence qui est la seule voie menant à la paix.

  • L’Union, associée aux États-Unis, peut offrir un cadre de discussion et des scénarios de travail, qui ne verront pas le jour aux Nations-Unies et qu’on ne peut laisser au seul Qatar le soin de formaliser. Il s’agit de se doter d’un outil de négociation spécialisé qui peut être mis au service des sorties de conflit. A la suite d’Oslo, la partie occidentale peut apporter son expertise et une organisation diplomatique à tous les acteurs concernés : il nous faut obtenir des États-Unis une acceptation à œuvrer en intelligence avec eux, en leur laissant le soin de tenir en respect l’équilibre militaire auquel l’UE ne prétend pas accéder, préférant nous attacher à la coordination humanitaire et au soutien au développement des Palestiniens, sachant que nous avons déjà un solde d’échanges très intense avec Israël qui doit continuer parallèlement.
  • L’arme humanitaire est en effet celle dont l’Union doit se servir par-dessus tout, en s’organisant mieux à cet effet, avec les acteurs en place (CICR, CR, ONG, agences spécialisées dont UNWRA etc…). Le contrôle de nos flux de dons ne doit pas laisser des détournements suspects. Nous pouvons nous doter d’un arsenal d’intervention alimentaire et médicale de premier plan qui offre aux populations civiles de vraies aides d’urgence sur les terrains les plus chauds avec une volonté de sortir enfin les réfugiés d’un provisoire qui dure beaucoup trop longtemps et favoriser une reconstruction sociale respectueuse des droits humains, dans un cadre contractuel qui appellera une trajectoire démocratique minimum, acceptable pour nous.
  • L’Union doit reprendre aussi le travail juridique sur le droit de la guerre, la liberté de l’information, l’application des sanctions et la condamnation pénale des crimes dans les situations de conflits, pour rendre la CPI plus effective et se saisir de la compétence universelle pour qu’une justice internationale s’affirme partout et là d’abord; le droit est l’arme indispensable de la diplomatie européenne, à construire de façon intraitable et inlassable. A cet effet, nous devons rejoindre la démarche allemande concernant le renforcement des législations sur le commerce des armes et en faire une doctrine européenne exemplaire.
  • Cette structuration d’un « soft power diplo-humanitaro-juridique et moral européen » n’a de chance de grandir que s’il est au service d’une politique étrangère européenne qu’il faudrait mettre à jour en s’inscrivant dans une vision du 21°siècle. Celle-ci doit résoudre à la fois les défis de protection de la biosphère, dont la question climatique en urgence, ceux des inégalités et des injustices qui marquent la réalité persistante des échanges internationaux et les comportements de mauvaise gouvernance des acteurs non étatiques, voire étatiques (cf. dictature comme au Myamar…); l’avancement du modèle d’entreprise durable à l’européenne devrait faire de nos grands groupes des alliés dans la maîtrise collective des biens communs à protéger, au travers d’une loyauté qui doit s’améliorer très substantiellement.

Il s’agit là, ni plus ni moins, de créer un nouveau modèle de gouvernance mondiale qui doit servir à refonder le cadre onusien, objectif en soi qui ne peut plus attendre ; il conditionne la stabilité générale et s’avère la seule réponse possible aux drames qui vont s’accumuler dans les zones en conflits chroniques et les États faillis. Cette réponse géopolitique de l’UE en vue de construire un monde d’interrelations positives rompt avec le post-colonialisme qu’on lui reproche souvent ; c’est ainsi que nous relancerons la relation à l’Afrique où la France s’est fait enfermée dans un rôle de bouc émissaire, à l’instigation de puissances concurrentes corruptrices ; le monde a grand besoin aussi de cette nouvelle architecture financière internationale remise sur la table par le Président français, mais également d’une réforme des agences des Nations-Unies que nous devons esquisser et rechercher à travers des coalitions de bonne volonté, en prenant la tête de ce chantier du siècle. Peut-on imaginer qu’un Conseil européen fondateur accouche d’une telle ambition, abondée par le Parlement et mise en musique par la Commission, lors d’un Sommet ad hoc qui devrait aller jusqu’à déboucher sur un avenant aux traités, à ratifier à la majorité simple des parlements des membres et des pays en cours d’adhésion ? Proposer cela aux électeurs européens en juin 2024 nous semble être notre devoir de citoyen français et européen à la fois.

La constitution d’un cercle volontaire pour bâtir l’outil diplomatique européen est une initiative à mettre en débat

Le curseur entre la responsabilité collective européenne et celle des États en la matière peut se déplacer progressivement et ménager les zones d’orgueil national persistantes. Une fois la doctrine et le cadre institutionnel légitimés par la plus complète et solide procédure démocratique réservée aux grands choix institutionnels, une façon de réussir ce « glissement communautaire » vers une Europe diplomatique serait de laisser au Conseil Européen le soin de définir dans chaque cas les positions circonstanciées et les lignes d’intervention appropriées, tout en s’enfermant dans une obligation de s’entendre à la majorité et de façon immédiate et organisée pour rester au cœur des crises. Il en résulterait un accord à convenir avec les chefs d’État et de gouvernement de soutenir l’expression collective adoptée à 27 et plus, sans la doubler ou la concurrencer, mais en y apportant de façon toujours concertée et associée le poids des États et l’expérience des pays membres. Le président en exercice de l’Union serait alors la personne naturellement vouée à incarner la démarche ainsi organisée. On peut imaginer aussi que l’Union confie systématiquement à un chef de gouvernement ou à une personnalité européenne expérimentée, le soin de conduire le chantier diplomatique en question, au cas par cas, et d’en rendre compte au Conseil européen, en le dotant de la force de l’outil diplomatique de l’Union, associant toujours l’action humanitaire et juridique.

Une vision renouvelée, une organisation volontariste et une capacité d’initiative opérationnelle sont les qualités attendues de la part d’une UE acteur mondial

Les leviers pour faire entrer l’UE dans le cercle des grandes puissances qui doivent s’atteler à remodeler l’ordre international, pour aider à sortir des conflits violents et prévenir les crises annoncées, sont identifiés. Le mandat européen qui s’ouvrira en 2024 devrait être l’occasion de traiter cette dimension vitale de notre projet collectif en l’inscrivant dans la vie commune.

Mais il y a deux conditions de crédibilité à cette évolution nécessaire. La première est de ne pas hésiter à prendre le relais des États-Unis dans le soutien à l’Ukraine, qui est aussi notre frontière et qui met à l’épreuve notre système de valeurs et notre cohérence institutionnelle. La deuxième condition indissociable est cette répartition des rôles à partager avec les États-Unis dans le conflit du Moyen-Orient, pour s’atteler à une solution palestinienne acceptable sur place.

Le défi est immense et on peut y inclure la construction d’un nouveau rapport avec l’Afrique et avec les BRICS. Il est le nôtre car s’il nous reste beaucoup à faire pour réguler le champ économique, en Europe et dans le monde, aucun électeur et aucun citoyen européen ne dira que c’est là la finalité du projet pour lequel on lui demande de déléguer un peu de sa souveraineté nationale, s’il n’y a pas pour ce faire une grande raison et une promesse sérieuse de faire plus et mieux que ce que chacun des États seul prétend apporter à ce jour. « La raison d’être européenne » trouvera sa justification dans cette capacité à aller plus loin que la prospérité et la paix interne, en s’attachant à bâtir l’ordre mondial où nos valeurs de solidarité, d’universalité des droits, de dignité et d’égalité entre les personnes trouveront à s’appliquer réellement. Tout semble en effet indiquer aujourd’hui que nous sommes en passe de régresser à moins que nous ne fassions notre affaire de ce que doit être l’ordre mondial du 21°siècle, négocié avec ceux qui veulent y occuper désormais toute leur place, légitimement. Tous ceux qui veulent la prospérité du monde, dont la paix est la condition première, sont nos partenaires et la démocratie grandira à travers notre propre exemplarité, dans et à l’extérieur de l’Union. Le projet européen se joue bien sur notre volonté à « refaire le monde ».

Pour une nouvelle vision stratégique française en Europe

Par Patrick d’Humières

La guerre a changé l’Europe et son projet ; la France doit en tirer toutes les conséquences

La dynamique militaire de l’Union est en train de déplacer le centre de gravité européen. Difficile de dire si depuis que le soutien à l’Ukraine mobilise l’essentiel des énergies à Bruxelles, la France longtemps avant-centre de l’équipe européenne, ne se trouve pas reléguée au milieu du terrain, sinon en défensive, tant l’agenda s’est transformé et les positions se sont déplacées ! A la limite, peu importe, si l’essentiel reste l’unité des 27 et si le passage à une « Europe puissance » avance. La France y a sa part déterminante. Pour autant, les enjeux ont bougé au profit des dimensions militaires, diplomatiques, énergétiques et technologiques. Sur ces questions où la France avait sa singularité, il lui faut désormais jouer beaucoup plus collectif si elle veut faire valoir sa place. ; ce reclassement induit une révision de ses logiciels historiques. Cela vaut aussi pour l’Allemagne.

La conséquence politique de ceci sera au cœur du débat public des élections de 2024. Il faut dire à nos compatriotes que l’enjeu du vote n’est plus de ménager la souveraineté française et de faire cohabiter une double souveraineté nationale et communautaire, satisfaisant à la fois les tenants du passé et de l’avenir : nous y perdrions notre capacité d’influence. Il s’agit de placer la stratégie française au centre de gravité de la stratégie européenne pour en être un acteur complet, compris et contributif, qui aide à l’émergence de solutions audacieuses et dynamiques. Notre plus grand risque est d’être marginalisé dans le mouvement qui force l’Union à répondre à l’appel historique à être le 3° bloc mondial ; Partie prenante du monde occidental, l’Union devra couvrir le spectre de la puissance qui va du poids commercial au poids militaire et du poids des valeurs au poids des alliances. Sur le grand défi climatique planétaire, elle pourra apporter des solutions et face à la fragmentation géopolitique elle pourra apporter son savoir-faire de régulation. Qui aurait cru que l’Union aurait cette opportunité de remonter en première division mondiale ? Si la France en est un moteur et un facilitateur, cela dessinera sa stratégie pour longtemps.

D’abord libérer le front ukrainien; la victoire militaire ouvrira la voie géopolitique.

Tous les européens l’ont compris désormais : le projet d’Union Européenne est conditionné par le retour de l’Ukraine dans ses droits et l’instauration d’une sécurité collective sur le front Est, à partir de quoi tous les autres sujets de progrès retrouveront un sens. En attendant, l’Ukraine est notre nouvelle frontière. Tant qu’elle ne sera pas stabilisée, l’Union devra assumer un maximum d’efforts, militaires, économiques, humanitaires, non pour abattre la Russie, mais pour démontrer qu’elle est capable de défendre un projet politique, y compris dans sa dimension militaire.

Au moins le message est clair : l’UE doit assurer une perspective commune, sécuritaire et diplomatique, démocratique et solidaire aussi, aux populations allant de l’Atlantique au Dniepr, et de la Baltique à la Méditerranée. Nous savons désormais ce que nous avons en commun et que ce projet peut compter dans un jeu mondial menaçant et sans pilote.

Cette revendication d’une Europe géopolitique fut au cœur du message bruxellois depuis le départ du Royaume-Uni, qui nous a confronté paradoxalement au vertige d’un

isolement continental auquel « la structure communautaire » a su parfaitement réagir. Nous sentions qu’il fallait se donner une vocation mondiale, hors de quoi l’Union se perdrait dans ses débats de concurrence économique. Le mercantilisme ne suffit pas à répondre aux interrogations internationales que perçoivent tous les européens. Leur expérience historique lourde et dramatique a intégré ces questions au cœur des familles et des cultures.

Ce rebond doit beaucoup aux circonstances mais l’important n’est-il pas de s’en saisir ?

Le moment historique est fort et l’Union l’affronte avec intelligence, cohésion et audace même, osons le dire ! Quand il s’est agi d’acheter sur le marché mondial, de faire valoir des principes de droit contre des opérateurs hors contrôle et de soutenir les zones affectées par le conflit, l’UE a montré qu’elle savait faire. Mais cette situation ne règle pas pour autant les grands dossiers attendus par les opinions, car très identitaires, comme la politique d’immigration, la cohérence sociale et la protection aux frontières de nos productions nationales. Alors qu’il va falloir un jour se confronter à la dernière vague d’élargissement si l’on veut achever un processus d’union continentale et savoir construire une défense qui associe la solidarité atlantique et occidentale avec un mécanisme de souveraineté propre, la réussite à saluer est bien celle du Green Deal, qui a démontré que l’on pouvait négocier une entrée sérieuse dans l’économie écologique répondant au défi climatique, avec une dynamique industrielle qui affirme sa compétitivité, face à la Chine mais aussi aux Etats-Unis. Rappelons que ce ne sont pas les normes qui pèsent sur nos coûts, surtout si on les impose à nos concurrents, mais plus souvent l’absence d’innovation qui nous disqualifie ! Qui peut croire que sans un cadre qui organise la rupture, nos économies rentières auraient engagé les sauts technologiques attendus ?

Penser l’Union, c’est penser un projet démocratique et humain

La difficulté est plus dans nos têtes que dans nos forces ! Il y a encore en Europe une psychologie collective corsetée par les codes d’Ancien Régime, qui font croire que nos vieux pays ont besoin de claironner chacun autour de leur drapeau. Mais les opinions ne sont plus dupes et préfèrent appuyer un rapport européen au monde qui pèse efficacement dans la négociation géopolitique que d’assister à des combats de

coq ! Certains appellent même à la naissance d’une nation européenne, considérant que les budgets de défense remplaceront allègrement une constitution mort-née. La réalité est qu’une intelligence collective européenne s’affirme sans avoir besoin de s’en prendre aux symboles et aux porteurs des identités nationales. On remerciera les Ukrainiens d’avoir mis notre confédération d’États Nations au défi d’une capacité d’action stratégique. Mais ne manque-t-il pas à cette dynamique nouvelle un fil conducteur qui parle au cœur des européens, non pas de façon défensive et guerrière, mauvaise conseillère, mais de façon constructive et humaine, pour renouer avec le fond d’humanisme qui est notre dénominateur commun ?

Un projet de reconstruction de l’ordre mondial qui ne naîtra pas de la conflictualité sino-américaine mais bien d’une offre nord-sud que nous saurons proposer ensemble

Notre expérience ancienne des traités de paix, certains ratés, d’autres réussis, doit nous éclairer à ce sujet. Outre la reconstruction, qui est la priorité pour intégrer l’Ukraine dans de bonnes conditions, il y a un défi évident qui est l’application des garanties négociées, reposant sur une dissuasion conventionnelle adaptée, qui remette l’Europe en gardien de ses frontières dans le cadre de l’OTAN, seule alliance militaire crédible à ce jour. C’est là une première révision importante de la stratégie de défense française qui devra en tirer des conséquences pour ses nouvelles priorités, ses modes de décision et d’action. Si ce tournant est pris, il entraînera automatiquement celui des synergies diplomatiques qu’il faudra favoriser, à travers nos outils et nos démarches à « communautariser » de plus en plus, mais aussi en acceptant d’européaniser complètement une stratégie africaine qui glisse sous nos pieds. Il nous faudra lâcher les nostalgies impériales qui nous encombrent, au profit d’un projet de reconstruction collective de l’ordre mondial qui ne naîtra pas de la conflictualité sino-américaine mais bien d’une offre nord-sud que nous saurons proposer ensemble.

Ce réalignement d’une vision globale ne peut plus se contenter de poursuivre la prospérité par tous les moyens, mais doit bien plutôt favoriser une planète durable pour une vie humaine, juste et équitable partout, en mettant notre expérience et notre puissance au service des enjeux collectifs. Cela répond à la question ontologique : à quoi sert l’Europe ? En redonnant cette orientation simple à notre projet, nous

pourrons mobiliser à la fois les générations nouvelles et les aspirations critiques, condition indispensable de toute construction démocratique, mais aussi ouvrir un champ nouveau de la vie en société au 21°siècle. Cela nécessitera de favoriser la capacité d’expression de chacun par l’éducation, la culture, l’échange, dans le respect des droits et des diversités. Contrairement au projet d’après-guerre qui laissait entendre que l’attraction de l’Occident reposait sur la perspective pour chaque ménage de multiplier à l’infini les voitures, les frigidaires et les voyages en avion, le projet qui s’impose aujourd’hui au nord comme au sud, au nom d’une planète finie et souffrante, est celui d’une vie commune qui économise la ressource et préserve la régénération des écosystèmes, pour permettre à chacun d’exprimer sa vocation personnelle au service d’une humanisation des sociétés à laquelle il faut croire.

La France doit percevoir l’opportunité d’adhérer à un projet global européen

Le projet européen porte cela car il a su dominer ses échecs passés. En combattant toujours ses démons et ses fantômes régressifs, il reste un espace privilégié, sinon unique, où la démocratie est plus qu’une série de droits : une exigence spirituelle collective inextinguible. Soyons conscients que nous sommes des acteurs déterminants de cette mutation civilisationnelle qui nous sollicite, allant du retour de la barbarie absolue aux utopies les plus universelles et que nous devons faire en sorte que l’emportent les valeurs humaines en jeu derrière les valeurs politiques en débat et les controverses qui animent notre vie nationale. L’on pourrait faire des rapprochements avec d’autres périodes comparables qui ont vu s’affronter des envolées progressistes et des pessimismes désabusés. On ne dira pas que nos défis sont plus considérables et plus risqués que jamais, mais on ne devra pas manquer de se dire que si la France se justifie plus que jamais par sa promesse d’intégration réussie, c’est d’abord pour la mettre au service d’un idéal européen qui n’est plus dissociable du sien. Cela lui donnerait la possibilité nouvelle d’accomplir son projet en le partageant avec ses voisins les plus proches, avec lesquels elle a vécu depuis plus de mille ans une aventure chaotique, afin de rester dignes, ensemble, de ce que l’on a fait de mieux. Et si les décennies qui viennent redevenaient un temps de civilisation en Europe ?

Pour Atelier Europe, Patrick d’Humières Avis & contact : pdh@company21.fr