par Gabriela Martin, Déléguée Générale
La transition écologique, un nouvel enjeu de relations internationales
La 7e édition de ChangeNOW de mars 2024, à l’organisation de laquelle l’Atelier Europe a contribué, s’est voulue un événement d’innovation citoyenne et de diplomatie internationale pour susciter un véritable changement axé sur la transition écologique et sociale, au moment où l’existence de divers mouvements populistes climato-sceptiques menacent l’unité du projet européen. Dans le même temps, des leaders du changement définissent des priorités et des actions pour la transition durable. Quelle est ainsi la position des candidats français aux élections européennes ?
Face aux défis écologiques, l’économie inclusive est devenue un thème clé
Les menaces actuelles ont imposé le développement de solutions. On peut penser à la réduction de la biodiversité; 30% des espèces seraient menacées de disparition d’ici 2050 ; ou à la déforestation ; 6 millions d’hectares par en Amazonie. Mais surtout au changement climatique ; selon les prévisions du GIEC, la température mondiale s’élèverait en 2100 de 1° à 6° en plus ; qu’ils soient d’origine humaine ou des émissions de gaz à effet de serre, ils ont des conséquences catastrophiques : le niveau des mers augmenterait (+0,5 m), entrainerait la disparition des petits États insulaires – Maldives, Nauru – et l’accroissement des réfugiés climatiques – vingt millions aujourd’hui selon l’ONU -. Le lien entre paix et gestion équitable de l’environnement est régulièrement soulignée.
ChangeNOW, plateforme d’innovation et espace d’action, fait partie des réponses à ces périls. Sa mission est de faciliter et d’accélérer la transition vers un monde durable, en aidant les autres à avoir le plus d’impact possible et à recentrer les efforts collectifs en faveur des générations futures. Qu’il s’agisse de technologies révolutionnaires ou d’initiatives menées par des communautés, chaque échange au sein de ChangeNOW réaffirme l’engagement de leurs acteurs à relever les défis auxquels notre planète, du fait de l’extraction continue des ressources, est confrontée.
La plateforme organise chaque année son rassemblement phare à Paris. Au printemps 2024,1 il a réuni des initiatives allant de la COP15 sur la désertification, à l’autonomisation des femmes en Afrique, en passant par l’organisation du plus grand événement dédié aux fonds d’impact et le premier débat électoral européen axé sur la transition écologique et sociale.
Des idées et solutions originales sur les liens sociaux y ont également été présentées, enrichies par les perspectives de divers praticiens qui aident les organisations à relever des défis d’une économie plus inclusive. En effet, c’est au cours de la 2ème journée de ChangeNow qu’a été explorée l’inclusivité sous différents angles, notamment celui des femmes, des hommes, des jeunes et des communautés autochtones, tout en abordant des sujets comme l’économie circulaire et l’impact économique du changement climatique. Ces conversations mettent en évidence une volonté commune de créer un changement positif dans la société.
La notion de transition écologique s’est imposée
L’écologie est la science de l’environnement. Elle constate des effets marqués par la présence humaine et explore des pistes de remédiation, tout en restant modeste sur les effets croisés des actions proposées, car de nombreux exemples d’actions contre- productives ont déjà été observées : e.g. arbres et impact environnemental.
C’est la mesure de l’impact environnemental humain, considérant à l’origine plusieurs centaines de dimensions – les minerais et molécules de base – depuis l’origine jusqu’à l’élimination. Depuis, cette mesure a été simplifiée en regroupant les différentes origines par type : minerais, énergie, air, eau etc. Les mesures ont constaté dès les débuts une dégradation de l’environnement.
Tout est sombre ? Oui et non.
Un véritable plan d’action européen : la plupart des États membres de l’Union européenne ont réussi à atteindre les objectifs 2020 de l’UE en matière de climat et d’énergie et visent désormais la neutralité climatique à l’horizon 2050.
Ainsi 100 leaders pour le changement ont bâti des ponts entre les industries et les continents, initiant des partenariats qui les propulseront vers un avenir plus durable.
Si la transition écologique divise les sociétés, il est possible de forger un consensus
Les questions en matière de transition écologique divisent les sociétés. L’interaction entre l’écologie, la science de l’environnement, le bien commun, un concept propre à chacun, et le bien-être, un sentiment, est à l’origine de nombreuses incompréhensions et de conflits tant au niveau politique que sociétal, et mérite un petit détour afin de décoder plus facilement les enjeux actuels.
La science de l’environnement, comme les autres sciences, est de moins en moins perçue comme crédible. 17 % de jeunes en France pensent que la science apporte plus de mal que de bien à l’humanité. Il y a ainsi 31 % de climato- sceptiques dans le monde, 38 % des 18- 24 ans pensent que le changement climatique n’existe pas…La compréhension et l’acceptation des résultats vient des générations plus anciennes et cultivées 2. L’acceptation différente de l’apport scientifique opère un clivage social et générationnel.
Les actions d’atténuation de l’impact environnemental sont possibles pour une Elite, la différenciation sociale en devient plus importante. Ce phénomène est sensible dans les pays développés, mais aussi entre les pays développés et les autres, aggravant la perception d’injustice : les COP successives en sont la représentation. Ce déséquilibre est d’autant plus envident que le dérèglement météorologique se manifeste plus violemment dans la zone subtropicale.
Les pays dont les habitants sont les plus touchés en 2019 : Mozambique, Zimbabwe, les Bahamas. Pour la période de 2000 à 2019 Puerto Rico, Myanmar et Haïti – sont africains – 15 % des catastrophes, 35 % des décès , Centro-Américains, avec une partie de l’Asie. 90% des décès dus aux catastrophes viennent des pays en développement. Quant à la désertification il s’agit de l’Espagne, du bassin méditerranéen et de l’Afrique du Nord3
Les pertes financières dépassent chaque année des records dans les pays développés. D’où la réticence des pays développés à financer les pays pauvres, et le sentiment d’injustice de ceux-ci. La dégradation climatique génère un clivage international, social et générationnel (les pays riches sont tous vieillissants).
Pour autant, en ce début de semestre 2024, l’un des enseignements de l’enquête de Destin Commun dans le cadre des élections européennes est celui d’un plaidoyer pour la sobriété : 7 Français sur 104 sont favorables. La France, plus divisée que l’Allemagne et le Royaume-Uni y voient une solution souhaitable face à la crise climatique.
Un consensus semble se forger : la sobriété, qui implique de consommer moins, est une solution souhaitable pour protéger l’environnement et lutter contre le changement climatique.
Selon la même étude de mars 2024 de Destin Commun, alors que l’écologie reste une opportunité de rassemblement pour 53% des Français, la pédagogie de l’ambition écologique de l’UE reste à faire : 59% des Français disent qu’un leadership écologique de l’UE les rendrait fiers d’être européens et 68% adhèrent à l’idée que la sobriété est une option souhaitable face à la crise climatique, mais seuls 22% ont connaissance du Green Deal.
Il est toutefois possible de favoriser un débat sur le plan européen, en faveur de la transition écologique
L’avenir écologique de l’Europe se joue aux prochaines élections. Alors, il a semblé essentiel aux fondateurs de ChangeNow de créer un débat autour des candidats français au Parlement européen, qui permettrait de rappeler au plus grand nombre l’importance de l’Europe sur ces questions de transition et d’aller voter le 9 juin prochain.
Les candidats Mathilde Androuët, Manon Aubry, Nicolas Bay, Clément Beaune, François- Xavier Bellamy, Aurore Lalucq et Marie Toussaint ont respectivement représenté les 7 partis français ayant plus de 5% d’intentions de vote. Ils ont débattu de la transition agricole et de la protection du vivant, de la transition énergétique, du rôle de l’Europe dans la transition écologique et du financement de celle-ci.
Si une analyse reste imparfaite en quelques mots la question sur « la mesure majeure pour la transition » offre un panorama très différencié :
Pour le grand plan d’investissement européen, Clément Beaune préconise de respecter les limites planétaires, Marie Toussaint de donner un prix au carbone, François-Xavier Bellamy de sortir des accords de libre-échange, Manon Aubry d’instaurer une clause de priorité nationale, Mathilde Androuet de créer un grand plan électro-nucléaire ,Nicolas Bay, et en fin Aurore Lalucq préconise quant à elle une fiscalité sur les ultra-riches pour financer la transition.
Cependant, ceci dissimule un aspect plus intéressant, à commencer par les points de convergence : Sortir des accords de libre-échange et fixer des prix planchers pour aider les agriculteurs à faire leur transition. Le besoin d’un grand plan d’investissement européen, en relocalisant les filières d’énergies renouvelables, le financement par une dette commune et plus de fiscalité sont les mesures saillantes.
Finalement, les différences fondamentales se manifestent dans les détails du débat :
Plus on va à aux mouvances dites de « droite », et plus on est 100% nucléaire, contre le passage rapide à la voiture électrique et contre toute mesure qui entrainerait une contrainte sur la croissance, comme les terres en jachère pour restaurer des habitats.
Pour les partis de gauche et les écologistes, la tendance est au 100% énergies renouvelables, financée par une taxe sur les superprofits pétro gaziers et les ultra-riches, avec un appel à réduire les gaspillages et protéger les biens communs comme l’eau sur le plan européen.
La transition verte, sujet politique majeur et au cœur de l’actualité internationale, a été au centre du débat.
La dégradation climatique génère un clivage international, social et générationnel. Ces trois facettes ne se recoupent pas complètement et donnent une impression de chaos général, d’archipélisation sociétale inconnue jusque récemment. La mondialisation favorise un jeu ouvert avec les autres grandes puissances étrangères.
L’amélioration de l’environnement entraîne l’adhésion de la majorité des personnes en France mais sans que cela devienne actuellement un projet de société européen.
Les élections au Parlement européen au printemps 2024 seront le moyen par lequel les citoyens exprimeront leur soutien aux députés sur cette question de société, des épreuves telles que le climat, les valeurs fondamentales et le rôle de l’UE dans le monde. Il est à noter que chacun des défis qui se profilent pour les institutions renouvelées requiert de la participation active à la sphère publique.