Mes Chers Amis,
Je ne suis pas venu ce soir vous parler de bilan. Le moment viendra au terme des cinq années du mandat que vous m'avez confié de juger ce qui aura été accompli. Aujourd'hui l'heure n'est pas aux bilans. L'heure est à l'action.
Alors que la crise économique est en train de changer le monde.
Alors que des difficultés de toutes sortes rendent la vie de chacun plus dure, alors que le présent est si lourd, nous devons nous tourner vers l'avenir.
Nous avons le choix d’être le jouet des évènements ou d’être les acteurs de notre propre histoire. Ou nous nous battons pour les valeurs qui sont les nôtres, pour le modèle de société que nous voulons, pour la croissance dont nous avons besoin ; ou ce sont les autres qui nous imposeront leurs valeurs, leur modèle de société, leurs choix économiques.
Se tourner vers l'avenir ce n'est pas attendre les bras croisés que la crise s'arrête et que la croissance reparte toute seule. On sait que la crise s'achèvera un jour. Mais nul ne peut prévoir à partir de quand les choses iront mieux. Nul ne peut prévoir quand l'économie se remettra à créer des emplois, quand les bilans bancaires seront assainis, quand la confiance reviendra.
Le travail des responsables politiques n'est pas de prévoir ce que tous les experts du monde ne savent pas prévoir.
Le travail des responsables politiques n'est pas de prévoir le calendrier de la reprise. Ce n'est pas ce que les Français attendent d'eux.
Le travail des responsables politiques c'est d'agir pour que les effets de la crise soient les moins douloureux possibles, pour que les sacrifices soient le plus équitablement répartis, pour que la reprise intervienne le plus tôt possible, qu'elle soit la plus forte possible, pour que la France soit en position de tirer le meilleur profit de la reprise mondiale lorsqu’elle interviendra. Le rôle des responsables politiques c’est de travailler jour après jour à lever tous les obstacles à la croissance, à corriger tous les défauts qui empêchent notre pays de tirer le meilleur parti de ses ressources, du courage et de l’intelligence des Français.
Voilà ce que l’on attend des responsables politiques.
La crise est là.
Il faut combattre les angoisses et les peines qu’elle engendre.
Il faut atténuer les souffrances des plus fragiles, des plus démunis, qui payent les conséquences d'une crise dont ils ne sont absolument pas responsables.
La crise a sa part de psychologie.
Nous n'en sortirons pas si le plus grand nombre n'arrive pas à se persuader que demain sera meilleur qu'aujourd'hui et, que l'avenir ne doit pas être vécu comme une menace.
Nous nous en sortirons si nous rendons l'espoir à tous ceux qui l'on perdu.
Je me souviens qu'il y a trois ans je suis venu ici, à Nîmes, parler de la France, de son génie, de ses valeurs, de ce qu'elle avait accompli au cours de son histoire, de ce qu’elle était capable encore d’accomplir. J'avais parlé de la nécessité de retrouver la fierté d'être Français parce que c'est en puisant dans cette fierté que le peuple français trouvera la force et le courage d'étonner une fois encore le monde.
Depuis deux ans la France a eu le courage de se réformer. Elle a bousculé les conservatismes qui en la paralysant la condamnait à un déclin irrémédiable.
Face à toutes les crises auxquelles elle a été confrontée, elle a pris le parti de l'action contre celui du renoncement.
Si la Géorgie n'a pas été rayée de la carte, si un cessez-le-feu a pu intervenir à Gaza, si l'Europe n'a pas cédé au sauve qui peut et au chacun pour soi quand le système bancaire a menacé de s'effondrer, c’est parce que la France, alors qu’elle exerçait la Présidence de l’Union européenne, a pris ses responsabilité pour permettre à l’Europe d’agir
Si la moralisation du capitalisme a été inscrite à l'ordre du jour des grandes négociations internationales, si le G20 s'est réuni à Washington, puis à Londres, c'est parce que la France l'a demandé au nom des 27 Européens unis.
La France qui se bat pour la paix ;
La France qui se bat contre le fanatisme, contre le terrorisme ;
La France qui se bat contre l'injustice ;
La France qui se bat contre les dérives du capitalisme financier ;
La France qui veut que les grands pays émergents participent à la gouvernance mondiale parce que l'on ne peut pas prétendre régler les affaires du monde sans la Chine, l'Inde, l'Afrique et l'Amérique latine;
La France qui construit l'Union pour la Méditerranée ;
La France qui fait adopter l'accord européen sur le climat pendant sa présidence ;
La France du Grenelle de l'Environnement ;
La France du Grand Paris qui imagine la ville durable du XXIème siècle ;
La France qui réhabilite la valeur travail ;
La France qui veut jeter les bases d'un nouveau modèle de croissance ;
La France qui est fidèle à ses amis mais qui n'est inféodée à personne ;
C'est la France qui est fidèle à elle-même, la France dont les Français peuvent être fiers, la France que partout dans le monde on respecte parce qu’elle est utile.
Cette France que nous essayons de construire ensemble, cette France qui nous unit, dont l'idée est plus forte que nos divisions, cette France nous avons le devoir de la laisser à nos enfants plus belle, plus grande, plus forte que nous l'ont léguée les générations passées.
Nous n’y parviendrons pas sans l’Europe.
Longtemps nous n'avons pas eu de véritable ambition pour l'Europe.
Parce que nous n'avions plus assez d'ambition pour la France.
Parce que nous n'avions plus assez d'ambition pour nous-mêmes.
Longtemps s’agissant de l’Europe nous n'avons pas mis nos actes en conformité avec nos paroles.
Longtemps nous n'avons pas pris l'Europe assez au sérieux.
Longtemps nous nous sommes contentés d’une Europe de l’impuissance.
L'Europe de l’impuissance, c’est l’Europe qui ne veut rien, l'Europe qui renonce à peser dans les affaires du monde, qui renonce à défendre ses valeurs, à défendre ses intérêts, qui n'exprime aucune volonté, qui ne fait pas de politique et qui, par conséquent, sert de variable d'ajustement à toutes les politiques du monde.
C'est l'Europe qui subit.
L'Europe des pères fondateurs, c'était l'Europe qui avait décidé de ne plus se faire la guerre à elle-même, de ne plus s'autodétruire, c'était l'Europe qui avait décidé de ne plus assassiner sa jeunesse dans la boue répugnante des tranchées, l'Europe qui avait tiré les leçons d'une histoire tragique.
C'était l'Europe de De Gaulle et d'Adenauer où les peuples, sans rien oublier des malheurs du passé, avaient décidé de regarder ensemble vers l'avenir, vers cet avenir qui n'était pas écrit d'avance, qui cessait d'être le fruit d'une fatalité dès lors que s'exprimait une volonté humaine.
L’Europe des pères fondateurs c’est l'Europe qui a cherché son salut dans l'action, l'Europe qui a fait le pari insensé, et qui l'a gagné, qu'après les deux guerres les plus meurtrières de l'Histoire, en travaillant ensemble les peuples qui se haïssaient apprendraient à mieux se comprendre, à mieux se respecter et, peut-être, à s'aimer.
L'Europe des pères fondateurs, c'était l'Europe des politiques communes.
L’Europe du charbon et de l'acier.
L’Europe de l'atome.
L’Europe de la politique agricole commune.
C'était l'Europe qui agissait parce qu'elle ne voulait pas subir.
L'Europe des pères fondateurs, c'était l'Europe qui protégeait, l'Europe de la préférence communautaire, l'Europe
ouverte mais qui n'était pas naïve.
C’est l’esprit de cette Europe qu’il nous faut retrouver.
L'Europe qui ne fait plus de politique ;
L'Europe qui veut dépolitiser la démocratie, qui veut dépolitiser l'économie, qui veut dépolitiser la société ;
L'Europe qui se gouverne par des règles automatiques qui s'appliquent aveuglément quelles que soient les circonstances ;
L'Europe qui n’a pas le courage d’assumer une politique économique, pas le courage d’assumer une politique de change, pas le courage de conduire une politique industrielle parce qu'elle ne croit qu'au marché ;
L’Europe qui ne veut pas décider, qui ne veut pas prendre ses responsabilités ;
Cette Europe là est un reniement de l'idéal européen.
Cette Europe là n’est définitivement pas celle que nous voulons.
L’Europe devrait unir tous les Français parce qu’elle est l’expression d’un avenir commun.
Au lieu d’unir les Français l’Europe les a divisés.
Cette division entre la France du "oui" et la France du "non", nous ne devons pas faire semblant de l’ignorer. Nous devons la regarder en face.
On ne peut pas faire avancer la cause de l’Europe, en opposant une moitié des Français à l’autre moitié.
Ce soir je veux parler à tous les Français, je veux parler à la France du OUI, je veux parler à la France du NON.
On ne peut pas ne pas chercher à comprendre pourquoi pour un nombre de plus en plus grand de Français, l’Europe est devenue l’alibi de tous les renoncements au lieu d’être l’expression même de la volonté politique.
Si nous voulons réconcilier la France du "oui" et celle du "non", si nous voulons que l’Europe parle au cœur et à la raison de tous les Français, de tous les Européens, si nous voulons que tant de Français, tant d’Européens cessent de se sentir étrangers à la construction européenne, cessent d’avoir le sentiment qu’elle se fait sans eux et parfois contre eux, alors il faut changer l’Europe. C’est possible, nous l’avons fait pendant la Présidence française.
Nous vivons la première grande crise de la mondialisation.
Un système de pensée, un système de valeurs, un système financier arrivent à bout de souffle.
Un système où personne ne payait plus le vrai prix du risque, ni celui de la rareté.
Un système où le spéculateur comptait plus que l'entrepreneur et le travailleur.
Un système où la quête frénétique du rendement à court terme disqualifiait l'investissement à long terme.
Un système où l'industrie n'avait plus sa place, où la production devait disparaître avec ses usines et ses ouvriers.
Une course de vitesse s'était engagée entre le gonflement d'une économie virtuelle et le rétrécissement de l'économie réelle.
Course suicidaire parce que l'économie virtuelle ne peut se suffire à elle-même. Course suicidaire parce qu'entre le temps très court de l'économie de l'information, de la finance globale, de la communication et le temps long de la production, de l'industrie, des grandes infrastructures, de l'éducation, de la formation, de la recherche, du développement durable, la contradiction devenait insupportable, ingérable.
Comment financer un grand projet industriel quand le marché exige 15% de rendement tout de suite ?
Comment faire prudemment son métier de banquier qui est de prêter l'argent des épargnants en analysant rigoureusement la capacité de remboursement de l'emprunteur quand les marchés exigent la même rentabilité pour la banque de dépôt que pour le fonds spéculatif ?
Comment préserver l'avenir à long terme de la planète, gérer ses ressources non renouvelables, quand seul le présent compte et que le futur ne vaut rien ?
Derrière la crise économique, financière, sociale, il y a une profonde crise intellectuelle et morale, qui remet en cause nos représentations, nos repères, nos critères de jugement.
La réponse à cette crise intellectuelle et morale, c’est l’Europe qui peut l’apporter.
Depuis trois décennies, intellectuellement, moralement, idéologiquement, l'Europe suit le mouvement. La crise change la donne.
Le besoin d'État, la demande de protection sociale, l'exigence d'une régulation de la finance globale et de la mondialisation, la nécessité de construire un nouvel ordre économique et monétaire mondial, l’exigence de justice, tout cela ramène les idées, les valeurs de l’Europe au premier plan. Encore faut-il qu’elle l’assume.
A la question qui depuis si longtemps accompagne le déclin de l'Europe : Qu'est-ce que l'Europe peut faire ? La France répond par une autre question : Qu'est-ce que l'Europe veut faire ?
Quand on ne veut rien on ne peut rien.
Pour que l’Europe veuille, il faut qu’elle cesse de se diluer dans un élargissement sans fin. Il faut que l’Europe ait des frontières. Il faut que l’Europe ait des limites. Il y a des pays comme la Turquie qui partagent avec l’Europe une part de destinée commune, qui ont vocation à construire ave l’Europe une relation privilégiée, qui ont vocation à être associé le plus étroitement possible à l’Europe mais qui n’ont pas vocation à devenir membre de l’Union européenne.
La France entretient depuis des siècles une relation d’amitié avec la Turquie et c’est au nom de cette amitié qui unit nos deux pays, c’est au nom du respect que l’on doit à ses amis que je veux dire la vérité à la Turquie. Ce n’est pas respecter ses amis que de leur mentir. Ce n’est pas respecter ses amis que de leur faire des promesses que l’on ne tiendra jamais.
Nous serions mieux inspirés d’engager dès maintenant avec la Turquie des négociations pour créer un espace économique et de sécurité commun. Cette grande ambition, nous pouvons la proposer aussi à la Russie qui ne doit pas être considérée comme un adversaire de l’Europe mais comme un partenaire. Ainsi serait créé un grand espace de plus de 800 millions d’habitants qui partageraient la même sécurité, la même prospérité.
Je ne souhaite pas que l’Europe soit une forteresse. Je ne souhaite pas que l’Europe se replie sur elle-même. Ce serait nier la nature même de l’Europe. L’Europe est un foyer, l’Europe est une source, l’Europe entretient avec une partie du monde des liens d’une intensité et d’une intimité particulières qui viennent de l’histoire, de la culture, de la langue. L’Europe est l’Europe parce qu’il y a l’Angleterre avec le Commonwealth, l’Espagne avec le monde hispanophone, le Portugal avec le monde lusophone, la France avec la francophonie, parce que l’Amérique est une enfant de l’Europe, parce qu’il y a la Méditerranée, parce qu’il y a l’héritage universel de la Grèce et de Rome, parce qu’il y a l’héritage de la chrétienté, parce que tous ces héritages, toutes ces solidarités dépassent les frontières, dépassent les nationalités.
C’est pourquoi la France a voulu avec tant de force l’Union pour la Méditerranée. C’est pourquoi elle a voulu que l’Europe reconnaisse qu’en se tournant vers la Méditerranée elle se tournait vers son avenir. C’est pourquoi elle a voulu que les relations entre les deux rives de la Méditerranée ne soient plus de simples relations de voisinage mais qu’elles expriment une destinée commune, une responsabilité partagée.
Cette diversité, cette ouverture sont des richesses à la condition qu’elles ne minent pas la cohésion de l’Europe, qu’elles n’affaiblissent pas son unité. Ces dernières années l’Europe a été faible parce qu’elle n’a pas été assez unie.
Ainsi ce fut une erreur d’accepter à l’intérieur même de l’Europe des dumpings monétaires, fiscaux, sociaux qui ont ouvert la porte à une concurrence déloyale. Ainsi ce fut une faiblesse pour l’Europe d’être divisés entre ceux qui ne voulaient faire confiance qu’au marché et ceux qui s’en méfiaient.
Pour que l'Europe veuille quelque chose, il faut aussi qu'elle puisse être gouvernée. Il faut que ses procédures, que ses institutions ne la réduisent pas à l'impuissance. C'est pourquoi la France a voulu sortir de la crise ouverte par le rejet de la Constitution Européenne. Il fallait débloquer l'Europe.
J'ai pris mes responsabilités. J'ai proposé dès avant l'élection présidentielle que soit négocié un traité simplifié qui ne serait pas une Constitution mais qui règlerait les problèmes institutionnels les plus urgents afin que nous puissions de nouveau discuter ensemble et décider ensemble. Avec l’Allemagne nous avons convaincu tous les Chefs d'État et de Gouvernement, même ceux qui avaient fait approuver la Constitution par référendum.
Le Traité de Lisbonne a déjà été ratifié par 25 pays sur 27. Si tous les États membres le ratifient, ce que je souhaite, ce que j’espère, ce que j’attends, son entrée en vigueur mettra pour un temps un terme au débat institutionnel et permettra que l'Europe s'interroge davantage sur ses finalités que sur ses procédures.
Si le Traité de Lisbonne entre en vigueur, l'Europe aura un président stable du Conseil européen, un Parlement exerçant pleinement ses prérogatives, un Conseil européen assumant toutes ses responsabilités, fixant une ligne politique commune et une Commission qui, à sa place, sous le contrôle du Parlement et du Conseil, exprimera au quotidien l'intérêt général de l'Union. En même temps, l'Europe sera délivrée de la règle de l'unanimité qui oblige toujours à s'aligner non sur la plus grande ambition mais sur le plus petit dénominateur commun.
L’adoption du traité de Lisbonne est un rendez-vous politique incontournable pour l’Europe.
Nous ne pouvons pas accepter le statu quo !
Je voudrais dire un mot sur les grand pays. Ils n’ont pas plus de droits que les petits pays mais ils ont plus de devoirs. Au cours des dernières années l’une des grandes faiblesses de l’Europe est venue de ce que les grands pays n’ont pas assumé suffisamment la part de devoir qui était la leur. Nous devons en tirer les leçons pour l’avenir.
Le plus important c'est la capacité d'initiative, c'est la capacité à faire de la politique, c'est que chacun prenne ses responsabilités. Ce qui est catastrophique c'est que l'initiative soit paralysée, ce qui est catastrophique c'est le refus de la politique, c'est la dilution des responsabilités.
L'Europe qui agit, l'Europe qui existe, l'Europe qui est capable de se faire entendre, de faire valoir son point de vue, c'est celle qui a été capable de réunir tous les Chefs d'État et de Gouvernement de la zone Euro avec le Président de la Commission européenne et le Président de la Banque Centrale européenne, de les faire débattre ensemble, travailler ensemble, décider ensemble alors que cela ne s’était jamais fait, alors que cela n’était pas dans les habitudes, n’était pas dans les procédures.
L’Europe qui agit, l’Europe qui existe, qui se hisse à la hauteur de l’idéal européen, c’est l’Europe qui n’est pas prisonnière d’une religion, qui n’est pas prisonnière d’un dogme mais qui décide à partir des réalités, qui sait faire face à l’urgence. C’est l’Europe qui a sauvé ses banques quand elles étaient menacées d’effondrement. C’est l’Europe qui a sauvé son industrie automobile quand elle était menacée de disparaître. C’est l’Europe qui n’ouvre pas la porte aux prédateurs du monde entier en empêchant deux grandes entreprises européennes de s’unir sous le prétexte qu’elles détiendraient ensemble une part trop grande du marché. C’est l’Europe qui regarde la concurrence à l’échelle du monde entier et pas seulement de son marché intérieur.
La crise nous impose des remises en cause qui paraissaient impensables avant. Elle les rend possibles et elle les rend nécessaires au regard de ce qui se passe dans le monde.
Le principe même de l’Europe c’est le refus du chacun pour soi.
Il y a deux façons d’y parvenir.
La première c’est de condamner chacun à l’impuissance.
La seconde c’est de décider ensemble. C’est ce que veut la France.
Il y a deux façons d’être attaché à la concurrence.
La première c’est de la regarder comme une fin en soi.
La seconde c'est de la regarder comme un moyen. C’est ce que veut la France.
Il y a deux façons de rechercher la stabilité économique. La première c’est de faire en sorte qu’il n’y ait aucune politique économique. La deuxième c’est que les politiques économiques soient concertées. C’est ce que veut la France.
Dans le monde tel qu’il est, l’Europe ne peut pas se passer d’une politique économique. Il n’est pas raisonnable que des pays dont les économies sont si étroitement liées et qui partagent la même monnaie n’aient pas une politique économique concertée qui ne peut pas se réduire à un objectif d’inflation et au respect des critères du pacte de stabilité.
La crise bancaire a montré à quel point le dialogue entre la Banque Centrale et les États-membres était utile sans qu’à aucun moment l’indépendance
de la Banque Centrale Européenne ait été le moins du monde remise en cause.
Elle a montré que l’on ne pouvait pas gouverner l’économie européenne seulement avec des critères comptables.
La crise a creusé les déficits parce qu’elle a diminué les recettes et augmenté les dépenses et parce que, face à la récession, augmenter les impôts aurait été une folie.
La crise ne nous oblige pas seulement à faire le constat d’une situation exceptionnelle. Elle nous donne l’occasion et elle nous oblige à aller plus loin dans la réflexion sur la politique économique comme sur la politique de la concurrence.
L’Europe pour préparer l’avenir a besoin d’investir. On ne peut pas indéfiniment emprunter pour consommer sans courir droit à la faillite. Mais on peut raisonnablement emprunter pour investir ou pour acheter des actifs quand leur prix est au plus bas.
Quand l’État prête des fonds propres aux banques pour qu’elles puissent à leur tour distribuer davantage de crédit, l’État gagne de l’argent. Quand l’État prête aux constructeurs automobiles pour qu’ils puissent faire face à leurs besoins de trésorerie, l’État gagne de l’argent.
Quand l’État investit dans le Fonds d’Investissement Stratégique pour permettre à nos entreprises de se développer et pour les mettre à l’abri des prédateurs, l’État peut espérer gagner de l’argent.
Quand l’État emprunte pour investir dans la Recherche ou dans les infrastructures, il peut espérer rembourser sa dette grâce à des recettes supplémentaires.
Quand l’État investit dans la réforme qui permettra de dépenser moins dans l’avenir, il gage le remboursement de sa dette sur les économies futures.
Quand on fait le choix de la relance par l’investissement on creuse le déficit mais on prépare l’avenir.
On ne peut pas regarder le montant du déficit sans regarder ce qu’il finance. On ne peut pas se contenter d’une approche comptable sans regarder la politique économique. L’assainissement des finances publiques passe par des économies sur les dépenses inutiles. Il passe aussi par l’amélioration de la productivité, par la compétitivité, par la réhabilitation du travail, par l’encouragement de l’esprit d’entreprise…
C’est en taxant moins le travail, c’est en investissant massivement dans un nouveau modèle de croissance, c’est en investissant massivement dans les technologies propres, dans de nouvelles sources d’énergie, c’est en investissant massivement dans la recherche, dans l’éducation, dans la santé que l’Europe pourra se payer demain la protection sociale, les services publics, la qualité de vie auxquels elle aspire sans creuser ses déficits.
On ne peut pas vivre indéfiniment à crédit. Mais on rembourse ses dettes en travaillant plus et en produisant plus, non en investissant moins.
Je le dis aux Français, après la crise on remboursera les déficits parce que l’on aura investi davantage, parce que l’on aura fait les réformes qui rendront la France plus compétitive.
Je le dis aux Français, nous ne pouvons pas espérer demain, quand la crise sera finie, avoir plus de croissance, plus d’emplois, plus de pouvoir d’achat, si le travail est plus taxé en France que partout ailleurs en Europe, si nos ménages et nos entreprises payent plus d’impôts, plus de charges qu’ils n’en payent dans les autres pays européens.
On ne peut pas vouloir faire l’Europe, faire circuler librement les capitaux, les hommes, les marchandises et en même temps augmenter les impôts. On ne peut pas vouloir faire l’Europe et refuser le bouclier fiscal que l’Allemagne a inscrit dans sa Constitution. Quand on est en Europe, quand on a le niveau de prélèvement que nous avons atteint, on n’augmente pas les impôts, on les baisse !
La France se battra aux côtés de ses 26 partenaires européens pour obtenir un accord mondial ambitieux pour lutter contre le changement climatique. Mais je le dis solennellement, il n’est pas question d’imposer à nos entreprises des règles très contraignantes en matière d’environnement et d’importer en Europe des produits de pays qui ne respectent pas ces règles. Face aux pays qui refuseraient de jouer le jeu, la France se battra pour l’instauration d’une taxe carbone qui permettra à l’Europe de faire face au dumping écologique.
La France se battra pour mettre tous les acquis de la construction européenne, pour mettre le marché unique, pour mettre l’Euro au service de la croissance, au service de l’emploi.
Il nous faut des débats sur la politique monétaire.
Il nous faut des débats sur la politique budgétaire.
Il nous faut des débats sur la politique de la concurrence.
Il nous faut des débats sur la fiscalité. Je conteste la règle de l’unanimité pour baisser la TVA. Je conteste de ne pas avoir le droit de baisser la TVA sur les disques, sur les vidéos ou sur les produits propres. Aujourd’hui une voiture propre vaut plus chères qu’une voiture polluante, est-ce que c’est normal ?
Il nous faut des débats sur la préférence communautaire.
Il nous faut un débat sur les négociations commerciales. Comment elles sont menées ? Qui les mène ? Qui engage les Etats-membres ?
Ces débats sont utiles. Ces débats sont salutaires, ces débats sont nécessaires.
Il faut en finir avec cette pratique de l’Europe qui voudrait que l’on ne parle que des sujets sur lesquels nous sommes d’accord.
Il faut en finir avec cette pensée unique qui a peur de la discussion, qui a peur de la confrontation des idées.
On a eu des débats sur le traité simplifié. Ils ont été vifs et on est arrivé à un accord !
On a eu des débats sur l’Union pour la Méditerranée. Ils ont été vifs et on est arrivé à un accord !
On a eu des débats sur le plan de sauvetage bancaire. Ils ont été vifs et on est arrivé à un accord !
On a eu des débats sur le plan automobile. Ils ont été vifs et on est arrivé à un accord !
Et la Géorgie, vous croyez que ça a été simple entre 27 pays qui ont des histoires si différentes et dont certains ont encore en mémoire le souvenir douloureux d’une longue servitude ? Eh bien on y est arrivé quand même !
Et la préparation du G20 vous croyez que ça a été facile ? Eh bien on est parvenu à une position commune !
Et le paquet climat-énergie, vous croyez que ça s’est passé sans qu’il y ait des oppositions, des confrontations ? Eh bien on a fini par trouver un consensus sans réduire l’ambition.
Si nous sommes parvenus à surmonter nos divisions, c’est parce que nous avions de grandes ambitions. Il est plus facile de se mettre d’accord à 27 sur des grands projets que sur de petits, car ce n’est que pour bâtir quelque chose de grand que chacun est prêt à renoncer à ses égoïsmes. C’est pour cela que l’Europe se doit d’être ambitieuse. Il n’y a pas d’Europe possible sans de grandes ambitions pour l’Europe.
Je vais vous dire : il n’y aurait pas eu de débat, on aurait discuté de rien, on aurait écarté d’emblée tous les sujets qui étaient susceptibles de susciter des oppositions fortes, eh bien on n’aurait rien fait, on n’aurait rien décidé.
L’Europe ne peut pas prétendre à être une démocratie vivante si elle refuse le débat.
L’unité de l’Europe ne peut pas se construire sur la pensée unique.
Il ne faut pas craindre d’exprimer une opinion différente, il ne faut pas craindre d’être isolé parce qu’on aurait mis sur la table une idée neuve, parce que l’on aurait pris le risque de bousculer les habitudes.
C’est ça la politique : exprimer une conviction, même quand on est minoritaire, même quand on est le seul à y croire et puis s’efforcer de la faire partager, s’efforcer de convaincre. C’est de cela dont l’Europe a besoin.
Je continuerai de défendre la nécessité d’une gouvernance économique de l’Eu
rope parce que c’est vital pour l’Europe si elle ne veut pas subir.
Je ne cèderai pas sur la nécessité d’une politique industrielle parce que si les usines s’en vont, si les ouvriers disparaissent, tout le reste s’en ira aussi, parce que ce serait la perte irrémédiable d’une culture, d’un savoir-faire, d’un système de valeurs.
Je ne reculerai pas sur la nécessité de conduire une vraie politique de l’énergie qui ne soit pas seulement une politique de la concurrence. Je veux porter l’idée d’une centrale européenne d’achat du gaz pour que l’Europe ait une vraie force de négociation face à ses fournisseurs. C’est comme cela que l’Europe peut être véritablement utile.
C’est à cela que l’Europe doit servir.
Je me battrai de toutes mes forces sur la nécessité de conserver une politique agricole commune ambitieuse parce que la sécurité alimentaire et l’autosuffisance alimentaire sont des objectifs vitaux pour l’Europe, parce qu’ils ne peuvent pas être atteints par le simple jeu de l’offre et de la demande. Je veux que dans le monde de demain il y ait encore une agriculture européenne, qu’il y ait encore une agriculture française, qu’il y ait encore des agriculteurs en Europe et en France et qu’ils puissent vivre du fruit de leur travail.
Quand 1 milliard de personnes dans le monde meurt de faim, renoncer à une ambition agricole pour l’Europe serait tout simplement une folie !
Je veux que l’Europe soit exemplaire sur la régulation financière, sur la réglementation des fonds spéculatifs, sur les paradis fiscaux, sur les rémunérations des dirigeants et des opérateurs financiers, sur le partage de la valeur parce que si sur ces sujets l’Europe n’est pas capable de donner l’exemple, si elle n’est pas capable de s’exprimer d’une seule voix et d’une voix forte dans les négociations internationales, alors à quoi sert-elle ? La France veut que l’Europe se dote d’un comité des régulateurs bancaires avec de vrais pouvoirs de sanction. L’Europe doit donner l’exemple.
Je voudrais vous faire partager cette conviction profonde : la France d’après la crise, l’Europe d’après la crise, le monde d’après la crise, c’est pour nous, Français, un seul et même problème, un seul et même combat.
La société dans laquelle nous voulons vivre.
Le modèle de croissance que nous voulons promouvoir.
Les valeurs que nous voulons faire prévaloir, c’est un seul et même projet c’est une seule et même politique.
C’est une politique pour la France.
C’est une politique pour l’Europe.
C’est une politique pour le monde.
C’est une politique dont le succès ne se décide pas qu’à l’intérieur de nos frontières. Il se décide aussi à Bruxelles. Il se décide aussi en Méditerranée. Il se décide aussi au G20. La politique européenne n’est pas une politique étrangère, l’Union pour la Méditerranée et la moralisation du capitalisme non plus.
Faire de la politique c’est toujours une façon de vouloir refaire le monde.
Nous ne referons pas le monde tout seul. Nous le referons avec tous ceux qui dans le monde partagent le même dessein et d’abord avec nos partenaires de l’Union Européenne.
Mais il nous faut changer l’Europe. La Présidence française de l’Union Européenne en a apporté la preuve : une autre Europe est possible, une autre Europe est souhaitable et cette Europe là peut peser dans les destinées du monde.
Le veut-elle ?
La réponse ne dépend que des Européens eux-mêmes.
La réponse ne dépend que de chacun d’entre nous.
Nous devons cesser de parler de l’Europe comme de quelque chose d’extérieur à nous-mêmes.
L’Europe ce n’est pas « eux ».
L’Europe c’est nous.
Si nous ne nous battons pas pour la changer elle ne changera pas toute seule.
En balayant toutes les vieilles idées, toutes les vieilles habitudes, toutes les vieilles certitudes, la crise nous rend de nouveau libres d’imaginer, libres de penser, libres d’inventer notre avenir.
Nous avons commencé, continuons.