Tous les « PIIGS » ne sont pas la Grèce: les marchés doivent faire preuve de discernement

Depuis que la Grèce ne se finance plus sur les marchés mais via les prêts accordés par l’UE ou le FMI, les marchés ont du se choisir de nouvelles cibles et parient désormais sur des défauts italien, espagnol, belge, voire même français. Les agences de notation suivent le mouvement (bien plus qu’elles ne l’anticipent ou l’entraînent) et dégradent, avertissent, s’inquiètent…amplifiant les hausses de taux d’intérêt sur les obligations souveraines de ces pays.

Il serait injuste et improductif de rendre les marchés responsables des difficultés de financement des États. Qui voudrait confier ses économies à des pays dispendieux, incapables de présenter des budgets équilibrés, et qui gèrent leurs finances publiques dans des logiques diamétralement opposées à celle d’un « bon père de famille »? On ne rappellera jamais assez que les premiers responsables de ces difficultés sont les Etats eux-mêmes: personne ne les a obligés à s’endetter.

Dès lors, pourquoi blâmer les « marchés » (un raccourci facile qui décrit un ensemble complexe d’opérateurs, du hedge fund au fonds souverain en passant par le détenteur de parts dans un fonds de pension, soucieux de son bas de laine)? Parce qu’ils ne jouent pas leur rôle comme ils le devraient et manquent de discernement en considérant qu’un « PIIGS » en vaut un autre, et qu’au sein de cette zone euro décidemment bien compliquée, à part l’Allemagne, il n’y a guère que des petits États somme toute assez peu sérieux.


C’est un constat compréhensible par certains aspects, mais qui demeure simpliste. Oui, la Grèce est un État qui cumule de nombreuses difficultés qui rendent sa situation dramatique: déficits abyssaux, absence de structures étatiques solides propres à lever l’impôt, oligarchie, absence de relais de croissance, corruption, économie souterraine…jamais la Grèce n’aurait du rentrer dans l’euro et les autres États comme les institutions européennes portent une lourde responsabilité en la matière.

Mais les autres PIIGS (Espagne, Italie, Irlande, Portugal) ou la Belgique sont dans des situations incroyablement différentes: la dette de l’Espagne est par exemple inférieure à celle de l’Allemagne; l’Italie est en excédent primaire; la Belgique, l’Espagne, l’Italie et l’Irlande disposent d’industries solides (mais inégalement réparties sur leurs territoires respectifs) ; l’Italie et la Belgique ont réussi à contenir depuis plusieurs décennies des dettes publiques très élevées, démontrant une certaine habileté dans la gestion de leurs finances publiques…

Certes, tous ces pays souffrent de réelles faiblesses, au premier rang desquelles un déficit de croissance qui assombrit leurs perspectives, et dans une certaine mesure, la soutenabilité de leurs dettes publiques. Mais mettre à l’index leurs capacités de financement à court terme est une erreur, hélas potentiellement auto-réalisatrice.

On peut se rassurer en se disant que les marchés ne s’éloignent jamais très longtemps de la rationalité: les perspectives de profits à réaliser avec des dettes espagnoles, française ou italienne finalement bon marché devraient les amener à y revenir. C’est là une vision optimiste: espérons qu’elle fasse mentir l’adage de Keynes « markets can stay irrational longer than you can stay liquid ».