Grèce / euro : le chantage de la troisième voie

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Face à la détérioration de sa situation économique et financière, et en l’absence de réformes tangibles, la Grèce semble confrontée au dilemme suivant : poursuivre dans la voie de la rigueur et des réformes structurelles en espérant que celles-ci produisent des résultats ou faire défaut sur sa dette et quitter l’euro.

La victoire des conservateurs ce dimanche, lesquels devraient gouverner avec les socialistes, suggère que la première branche de l’alternative va être privilégiée. Mais rien n’assure que cette situation soit durable, et après les incertitudes de ces derniers jours, le calme qui devrait suivre permet de reposer clairement les termes du débat.

Il est certain que si la Grèce sort de l’euro, elle fera défaut sur sa dette, libellée en euro : soit parce que l’effondrement de la nouvelle Drachme par rapport à l’euro rendra illusoire toute perspective de remboursement en euro, soit parce qu’une décision unilatérale de rembourser la dette en Drachme équivaudra à rembourser moins une fois la conversion en euro effectuée, c’est-à-dire à faire défaut de facto. Il est donc entendu que la sortie de l’euro conduirait donc au défaut souverain.

La réciproque n'est pas aussi limpide. En effet, en cas de défaut souverain, aucune disposition légale n’obligerait la Grèce à sortir de l’euro : aucun article des Traités n’interdit à un pays de la zone euro de ne plus rembourser sa dette , et il n’existe pas de mécanisme d’exclusion de la zone.

D’un point de vue économique et politique, la question est plus complexe. Faire défaut sans sortir de la zone euro poserait deux difficultés : d’un point de vue politique, il faut rappeler que la dette grecque est aujourd’hui largement « publicisée », puisqu’elle est détenue par l’UE (soit par le FESF), la BCE et le FMI. Autrement dit, si la Grèce refusait de rembourser, elle ferait subir plusieurs dizaines de milliards d’euro de pertes aux autres Etats membres, qui verraient leurs dettes publiques augmenter d’autant. Nul doute que la position de la Grèce s'en ressentirait, elle deviendrait un pays paria, n’ayant plus voix au chapitre dans la décision européenne et qui se verrait marginalisé en toutes circonstances. D’un point de vue économique, les banques grecques détiennent encore de nombreux titres grecs (sur lesquelles elles ont accepté de subir un « haircut » (décote) substantiel), que la BCE accepte comme collatéral pour les refinancer, c’est-à-dire pour leur apporter des liquidités. En cas de défaut, la valeur de ces titres deviendrait nulle, et les banques grecques se verraient priver de l’accès aux liquidités de la BCE, créant un risque de « bank run », et d’explosion du système bancaire grec.

Néanmoins, la perspective d’un défaut sans sortie de l’euro présenterait trois avantages. Tout d’abord, la Grèce éviterait les affres de la transition (fuite de capitaux, montée des taux d’intérêt, risque d’hyperinflation, etc.).

Ensuite, elle continuerait à bénéficier de la stabilité apportée par la monnaie unique (stabilité qui pousse des petits pays comme le Kosovo, Andorre ou le Monténégro à adopter unilatéralement  l’euro comme monnaie officielle, sans même appartenir à l’UE). 

Enfin, et c’est le facteur nouveau et décisif depuis quelques mois, l’austérité imposée par la Troïka (UE/BCE/FMI) paye et la Grèce est maintenant proche de l’équilibre primaire, ce qui signifie qu’avant d’avoir à payer les intérêts sur sa dette, les dépenses du gouvernement sont couvertes par les recettes. Ainsi, dans l’hypothèse où la Grèce ferait défaut, il est certain qu’elle se verrait privée de l’accès aux bailleurs privés ou public, mais cela n’emporterait pas de conséquences très sensibles puisque les dépenses seraient financées (tandis qu’un pays en déficit primaire – comme la France – qui ferait défaut se retrouverait rapidement en cessation de payement).

Tout bien pesé, il n’est pas impossible que le gouvernement grec puisse un jour être tenté par cette troisième voie : ni sortie de la zone euro, ni remboursement de la dette publique. Ou, plus cyniquement, qu’il utilise cette option comme un moyen de chantage envers ses créanciers publics pour obtenir un assouplissement des conditions qui lui sont imposées. 

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