Tous les « PIIGS » ne sont pas la Grèce: les marchés doivent faire preuve de discernement

Depuis que la Grèce ne se finance plus sur les marchés mais via les prêts accordés par l’UE ou le FMI, les marchés ont du se choisir de nouvelles cibles et parient désormais sur des défauts italien, espagnol, belge, voire même français. Les agences de notation suivent le mouvement (bien plus qu’elles ne l’anticipent ou l’entraînent) et dégradent, avertissent, s’inquiètent…amplifiant les hausses de taux d’intérêt sur les obligations souveraines de ces pays.

Il serait injuste et improductif de rendre les marchés responsables des difficultés de financement des États. Qui voudrait confier ses économies à des pays dispendieux, incapables de présenter des budgets équilibrés, et qui gèrent leurs finances publiques dans des logiques diamétralement opposées à celle d’un « bon père de famille »? On ne rappellera jamais assez que les premiers responsables de ces difficultés sont les Etats eux-mêmes: personne ne les a obligés à s’endetter.

Dès lors, pourquoi blâmer les « marchés » (un raccourci facile qui décrit un ensemble complexe d’opérateurs, du hedge fund au fonds souverain en passant par le détenteur de parts dans un fonds de pension, soucieux de son bas de laine)? Parce qu’ils ne jouent pas leur rôle comme ils le devraient et manquent de discernement en considérant qu’un « PIIGS » en vaut un autre, et qu’au sein de cette zone euro décidemment bien compliquée, à part l’Allemagne, il n’y a guère que des petits États somme toute assez peu sérieux.

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Arnaud Montebourg ou l’ineptie du protectionnisme européen

Bataille-navale2Dans sa lettre à Martine Aubry et François Hollande, Arnaud Montebourg prêche pour un "protectionnisme européen, social et écologique". Il faut reconnaître aux deux destinataires le courage d’avoir su botter en touche dans leurs réponses et de ne pas avoir repris à leur compte la revendication de "démondialisation".

"Démondialiser", comme le suggère Arnaud Montebourg, entraînerait des conséquences dramatiques tant pour l’industrie française, laquelle dépend largement des exportations, et a besoin de produits importés que la France ne sait pas ou ne peux pas produire, et de ce fait pour les salariés français également, que pour les ménages, lesquels seraient confrontés à une flambée du prix des produits importés (carburant, textiles, électronique…).

L’Atelier Europe a déjà démontré la vanité d’une telle politique, et souhaiterait simplement montrer ici à quelle point les propositions d’Arnaud Montebourg participent d’un mensonge électoraliste qui entretient le déni de réalité d’une partie des Socialistes à l’égard de l’Europe. Arnaud Montebourg invoque un protectionnisme "européen" (sans doute en partie pour éviter de voir sa thèse trop rapidement rapprochée de celle du Front National): il affirme ainsi qu’ "éclairés" par la position française, les autres pays européens suivront et se rallieront à cette thèse.

Arnaud Montebourg se place ici dans la droite ligne de Laurent Fabius, lorsque ce dernier réclamait en 2005 un traité "plus social". Il savait pertinemment que personne n’en voulait en Europe, ni évidemment les Anglais (opposés à un droit du travail trop contraignants), mais également ni les Scandinaves (attachés à un modèle protecteur dont ils ne souhaitaient pas débattre à Bruxelles), ni les nouveaux entrants (qui attirent des investissements et croissent grâce à la flexibilité de leur modèle). Pourtant, Monsieur Fabius a affirmé qu’il était possible d’harmoniser les politiques sociales européennes, d’avoir un SMIC européen, des législations communes, etc., comme si la France allait réussir à imposer aux autres la rigidité de son modèle plutôt que de se réformer. Monsieur Fabius connaissait la réalité, mais il l’a masquée à ses électeurs.

Monsieur Montebourg se pose en digne héritier de cette méthode (est-ce là une énième résurgence du dogme mitterrandien du PS pris sur sa gauche?). Car il faut le dire et le répéter: jamais les autres pays de l’UE ne voudront adopter de barrières protectionnistes telles qu’il les propose: l’Allemagne croît grâce à ses exportations, comme les pays scandinaves, tandis que les Anglais ou les Néerlandais sont viscéralement attachés au libre-échange, qui assure leur fortune depuis des siècles. Les pays latins sont peut-être moins enthousiastes à l’égard de la mondialisation, mais ils savent pertinemment qu’il s’agit d’une évolution irréversible: il suffit de constater que les dirigeants socialistes de ces pays (Zapatero, Prodi il y a quelques années) ont toujours été plus proches du modèle "blairiste" que des socialistes français (ces derniers se gaussent en général quand on évoque Tony Blair, mais ils gagneraient sans doute à tirer les leçons de leur isolement sur la scène socialiste européenne). Bref, là où les Britanniques se placent à un extrême du spectre libre échangiste, la France se trouve elle aussi isolée mais à un autre extrême, protectionniste. Malheureusement, les Français ne semblent pas en avoir conscience ce qui laisse libre cours aux spéculations électoralistes.

Dès lors, et Monsieur Montebourg le sait bien, même s’il refuse de l’avouer, la démondialisation devra se faire à l’échelle nationale, puisqu’elle ne se fera pas à l’échelle européenne. Est-ce faisable, alors que la France est dans le marché unique? La réponse est non, puisque la libre circulation des biens impose qu’une fois rentré dans l’UE (que ce soit à la frontière portugaise ou finlandaise), un produit y circule librement. Pour imposer de nouvelles taxes aux produits chinois, il faudra donc les imposer à la frontière française, et donc sortir du marché commun. Or ce dernier est le socle de l’UE: il faudra donc en sortir également (avec un effet dramatique sur nos exportations et nos importations, réseaux de transports, politique de concurrence, d’innovation, agricole, de développement…), abandonner l’euro (et donc faire le choix de l’inflation et de l’instabilité), et in fine se résoudre à devenir un petit pays en déclin et en repli.

Arnaud Montebourg n’a pas eu le courage d’aller au bout de son raisonnement, et en cela, s’est rendu coupable d’entretenir l’idée d’un socialisme français phare de l’Europe, illusion dans laquelle s’enferme une partie des socialistes français. La France, comme toute démocratie, a besoin d’une opposition crédible et mérite donc mieux que cela. Souhaitons donc que le lauréat de la primaire du PS, Monsieur Hollande, se garde d'emprunter les chemins obscurs proposés par Monsieur Montebourg en matière économique.

 

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Le Front National et la voie du déclin

EuroLe Front National a fait de la sortie de l’euro l’un de ses chevaux de bataille dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Il a notamment publié un plan de sortie de l’euro, qui s’accompagnerait d’une dévaluation pour relancer l’économie française.

L’Atelier Europe a déjà démontré l’ineptie des scénarios de retour au Franc, l’inflation et l’instabilité qu’ils entraîneraient, affectant durement et durablement les entreprises comme les ménages, à court comme à long terme.

Nous souhaitons simplement ici rappeler ce qui pourrait être une évidence, à savoir que la dévaluation est le choix des faibles, de ceux qui ont capitulé car ils ne pensent plus être capables de produire mieux, donc font le choix de produire moins cher via une monnaie dévaluée.

Certes, la dévaluation peut apporter une « bouffée d’air » à court terme , mais elle n’enrichit pas le pays qui la pratique (il vend plus au début – mais se fait payer dans une monnaie qui vaut moins – et son chômage baisse transitoirement – jusqu’à ce que les salariés se rendent compte qu’ils sont en fait moins payés en termes réels puisque l’inflation importée érode leur pouvoir d’achat)

D’autre part elle le détourne des vrais enjeux, ceux de la compétitivité, telle qu’elle s’acquiert par l’innovation, les investissements dans la recherche et le développement, mais aussi le capital humain via la formation initiale et professionnelle… En résumé, tout ce qui permet à un pays de fabriquer de meilleurs produits et de fournir de meilleurs services, tout ce qui lui permet de devenir de plus en plus « price maker » (c'est-à-dire d’imposer ses prix sur les marchés internationaux car ses produits se distinguent suffisamment de la concurrence et sont peu sensibles au prix) et de moins en moins « price taker » (c'est-à-dire d’être obliger de mener une concurrence par les prix quand d’autres (et trop de) pays sont capables de proposer les mêmes produits). 

La dévaluation proposée par le Front National n’apporte rien de tout cela : elle utilise au contraire l’euro comme bouc émissaire pour éviter de poser les bonnes questions, auxquelles le FN semble bien incapable de répondre.

La France doit donc choisir entre la facilité et l’illusion du court terme qu’apporte la dévaluation compétitive, et la compétitivité à long terme, qui seule peut enrichir un pays et faire durablement croître la qualité de vie et le pouvoir d’achat de ses citoyens. C’est un choix difficile pour un homme ou une femme politique, car il faut convaincre les électeurs que la croissance durable passe par la rigueur à court terme, l’adoption de réformes qui obligent à certains coûts de transition. Peut-être cela distingue-t-il les hommes d’Etat des politiciens : le Front National et ses leaders ont tranché une fois de plus.

 

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Budget européen : mais que veulent les Etats-membres ?

La Commission européenne a dévoilé cette semaine son projet de budget, pour l’Union européenne, pour la période 2014-2020. Ce projet comprend notamment une taxe sur les transactions financières et une remise à plat du « chèque britannique », un mécanisme qui assure au Royaume-Uni une moindre contribution nette au budget de l’UE.

C’est un budget d’une certaine ambition, face auquel plusieurs Etats membres ont fait semblant de s’offusquer, en avançant deux arguments d’apparence imparables : comment les institutions européennes osent-elles demander plus alors qu’elles prêchent la rigueur pour les Etats-membres ? Comment un Etat (en l’occurrence le Royaume-Uni) peut-il accepter de verser sensiblement plus au budget de l’UE qu’il ne reçoit de subventions (agricoles, régionales, de R&D…) ?

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L’Europe, prochaine victime de la régulation bancaire ?

Après la crise financière de 2008 qui a ébranlé le monde bien au-delà de la seule sphère économique, l’ensemble des autorités, qu’elles soient politiques ou économiques, a été unanime: il faut tirer les enseignements de la crise et prendre les mesures nécessaires pour éviter qu’un tel événement ne se reproduise. Pour répondre à une préférence accordée aux profits à court terme, à une supervision défaillante et à une régulation peu contraignante, le mot d’ordre a été simple: régulons !

Évidemment, cette volonté affichée est bien louable. Pour autant, une régulation internationale est-elle possible? Une mesure unique est-elle même souhaitable et adaptée à l’ensemble des pays ?
L’Europe et les États-Unis se sont mis au travail, produisant moult rapports, préconisations et autres recommandations, notamment en matière bancaire avec les discussions communément appelées « Bâle III ».

En l’état actuel des discussions, les banques seraient notamment amenées à renforcer considérablement leurs fonds propres et à renoncer aux prêts trop longs. Ce qui peut sembler, à premier abord, une excellente idée, pose en réalité un certain nombre de questions.

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