Alors qu'elle semblait reléguée au second plan des politiques énergétiques occidentales par un sentiment largement partagé de sécurité et la poursuite d'objectifs jugés plus prioritaires, comme la compétitivité des prix de l'énergie ou le respect de l'environnement, la question de la sécurité énergétique a effectué récemment un retour remarqué. |
Ainsi,
en prélude à la PFUE, le rapport « Sécurité énergétique et Union
européenne : propositions pour la Présidence française » de la mission
de réflexion sur l’énergie présidée par Claude Mandil, ancien directeur
exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), a été remis au
Premier ministre le 21 avril 2008.
Selon
l’auteur du rapport, l’amélioration de la sécurité des
approvisionnements énergétiques de l’Union européenne comporte deux
aspects, qui sont liés. En premier lieu, la sécurité énergétique
appelle des réponses internes à l’Union européenne : renforcement des
efforts en matière d’économies d’énergie, mise en place de dispositifs
européens d’urgence en cas de crise d’approvisionnement, réalisation
d’investissements pour développer les terminaux de gaz naturel liquéfié
et les interconnexions électriques et gazières, etc. La définition
d’une politique de sécurité énergétique commune à l’UE serait alors de
nature à faciliter les relations énergétiques avec les pays
fournisseurs, comme la Russie ou les pays de la région Caspienne, et le
dialogue énergétique au niveau mondial.
la continuité du rapport Mandil, et dans le cadre de la PFUE, un
séminaire européen sur la sécurité énergétique s’est tenu à Paris le
1er décembre.
Près de 200
acteurs du secteur de l’énergie, entreprises, représentants de la
Commission européenne, des États membres de l’Union, organisations
internationales, représentants de la société civile & de think
tanks ont pu échanger tout au long de la journée, notamment sur la « 2ème analyse stratégique de l’énergie », présentée mi-novembre par la Commission européenne.
Ce
plan d’action vise à réduire la dépendance de l’UE à l’égard des
importations de gaz et de pétrole, et tenir les objectifs qu'elle s'est
fixés en matière de lutte contre le changement climatique.
La
Commission ambitionne de renforcer la disponibilité des stocks de gaz
et de pétrole et définir clairement quand et comment y avoir recours.
Elle souhaite également que le public soit mieux informé sur les stocks
détenus par les opérateurs, alors que le prix de l’énergie dans l’UE a
augmenté de 15 % en moyenne l'année dernière, et que plus de 50 % de
l’énergie consommée dans l’UE provient de pays extérieurs à l’Union.
Une
autre de ses grandes priorités est la création d'un corridor gazier
méridional. Ce réseau de gazoducs acheminera le gaz dans l'UE depuis la
région de la mer Caspienne, en passant par la Turquie.
L'UE
tient aussi à renforcer ses propres réseaux énergétiques (les lignes
électriques et les canalisations qui alimentent les particuliers et les
entreprises en électricité, en gaz et en pétrole) et à les moderniser
de façon à pouvoir exploiter les sources d'énergie renouvelables, comme
l’éolien.
L'énergie nucléaire est aussi
abordée, notamment pour les questions de sécurité et de gestion des
déchets. Les centrales nucléaires génèrent actuellement environ un
tiers de l'électricité consommée en Europe. Plus d'une dizaine de pays
européens envisagent d'en construire.
À la lumière de cette « 2ème analyse stratégique de l’énergie
», les intervenants ont mis en avant le manque de moyens en cas de
crise d’approvisionnement, la faiblesse des investissements dans ce
secteur, et ont émis le souhait de voir l’Europe définir des mesures
opérationnelles applicables le cas échéant, par une politique
volontariste.
La définition de ces
moyens opérationnels incombera à la République Tchèque, qui présidera
le Conseil de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2009. L’une de
ses trois priorités est en effet la sécurité énergétique, aux côtés de
l’Economie, et l’Europe dans le monde – relations extérieures (3 « E »).
Tomas
Hüner, secrétaire d’Etat tchèque à l’industrie et à l’énergie, présent
à ce séminaire, a évoqué quelques pistes, analyse de l’offre et de la
demande, renforcement des infrastructures, et solidarité européenne.
Cependant,
la diversité des ministres et officiels européens a rendu criants les
intérêts nationaux, et leurs divergences, chacun vantant le mérite de
son pré carré, et les efforts accomplis jusqu’alors dans le domaine
énergétique, tant en terme d’économie d’énergie que de sécurité
d’approvisionnement.
Rare soliste dans
ce concerto à multiples voix, Claude Mandil a insisté sur l’importance
d’une politique européenne de sécurité énergétique en concertation avec
les Russes, sur Nabucco notamment.
D’où
l’appel, en conclusion de cette journée, de Jean-Louis Borloo, ministre
de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de
l’aménagement du territoire, à l’égard des 27 États membres à « parler d’une seule voix ». « On
ne changera pas nos habitudes du jour au lendemain mais je crois qu’il
nous faut, comme pour le climat, donner plus de rôle au multilatéral, à la coopération régionale ».
L’Europe,
née sur les fondements de la Communauté européenne du charbon et de
l'acier (CECA, Paris, 1951), doit être le moteur de ce sujet
géostratégique majeur du XXIème siècle.