2009-2014: Quel positionnement pour la France au sein de la future Commission européenne ?

 

La prochaine Commission européenne sera désignée dans le courant du mois d’octobre. Au cours des cinq prochaines années, elle aura à prendre des décisions fondamentales dans des domaines essentiels à l’avenir de l’Europe.

Les principales compétences de la Commission sont traditionnellement le Marché intérieur, la Concurrence et le Commerce. A cette liste, il convient désormais d’ajouter l’énergie et l’environnement, l’économie et l’industrie et la politique étrangère : des domaines où l’Europe, longtemps absente, joue désormais un rôle essentiel, rôle appelé à s’accroître au cours des prochaines années.

La France peut jouer un rôle moteur dans la mise en œuvre de ces nouvelles politiques européennes. Les domaines concernés constituent pour elle des intérêts essentiels, où ses compétences sont largement reconnues. La présente note se propose donc d’examiner différentes initiatives que pourraient prendre la France, et son futur représentant à la Commission, dans ces différents secteurs.

  


1. L’économie et l’industrie

Longtemps circonscrite pour l’essentiel à la Concurrence et au Marché intérieur, l’implication de l’UE dans l’économie européenne connaît depuis quelques mois une extension spectaculaire. Dès le début de la crise économique, l’Europe a en effet agi de manière décisive. D’une part, l’intervention massive de la Banque centrale a permis de sauver les systèmes financiers d’Europe centrale et orientale. D’autre part, l’adoption d’un plan de relance marque les premiers pas d’une intervention directe et volontariste de l’Europe dans l’économie, au-delà de l’aide financière régulièrement allouée aux titres des Fonds de cohésion et de la Politique régionale.

Le plan de relance marque un précédent important dans la gestion par l’Europe de son économie. Il constitue en effet un modèle d’intervention susceptible d’ouvrir la voie à une véritable politique industrielle européenne, telle que préconisée par la France depuis de nombreuses années. Les secteurs susceptibles de bénéficier d’une telle intervention sont variés : ils concernent aussi bien l’innovation et la recherche, que les nouvelles technologies, en particulier les énergies vertes, ou les réseaux de transport. Autant de secteurs largement bénéfiques à l’économie française elle-même.

     

2. La politique énergétique et environnementale

Marginale il y a encore quelques années, l’action de l’UE dans les domaines de l’énergie et du climat est devenue incontournable. La cause essentielle de cette révolution est la double crise énergétique et environnementale que connaît aujourd’hui le monde. Face à ces défis planétaires, l’action de l’Europe est appelée à s’accroître encore au cours des prochaines années.

La politique européenne en matière énergétique et climatique est aujourd’hui définie par trois grandes initiatives :

  • Le 3ème paquet législatif pour la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz, présenté fin 2007 et finalement adopté début 2009 ;
  • Le Paquet Energie-Climat, présenté en janvier 2008 et adopté par le Conseil européen de décembre 2008, sous Présidence française ;
  • Un Plan d’action pour la sécurité et la solidarité énergétique, largement inspiré de propositions faites par la France au début de sa Présidence de l’UE, présenté en novembre 2008 et dont les principales dispositions sont actuellement en discussion.

La mise en œuvre de ces différentes mesures devrait avoir des conséquences très importantes au cours des prochaines années. Certaines de ces conséquences pourraient s’avérer controversées : la France devra notamment rester vigilante face aux risques que comporte la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité pour les grandes entreprises énergétiques européennes et françaises. A l’inverse, les objectifs combinés de lutte contre le réchauffement climatique et de sécurité énergétique imposeront une intervention massive et ciblée des pouvoirs publics, comparable à ce que la France réalise déjà chez elle. Ces impératifs constitueront en outre un argument de plus en plus irréfutable en faveur de l’énergie nucléaire, confortant ainsi la position française dans ce secteur.

 

3. La politique étrangère

Si elle reste faible sur le plan militaire, l’Europe occupe en revanche une place de plus en plus importante sur la scène diplomatique. Ses domaines d’action privilégiés sont les régions de son voisinage immédiat :

  • Au Maghreb et au Machrek, l’action de l’Union européenne a été transformée en profondeur par la mise en place de l’Union pour la Méditerranée. Conçue par le Président de la République, cette institution vise à favoriser la résolution des conflits, à encourager la coopération et à créer un espace commun de paix et d’échanges culturels et humains. L’UpM vient d’entamer ses travaux et a déjà adopté plusieurs initiatives dans les domaines de l’énergie et du développement économique ;
  • En Afrique, l’action européenne s’est longtemps limitée à l’aide au développement économique. Elle est aujourd’hui complétée par une action en faveur de la résolution des conflits. Ces actions incluent des interventions militaires destinées au maintien de la paix ;
  • Au sein de l’ancienne Union soviétique, la position de l’Union européenne ne cesse de se renforcer. Aux relations anciennes, mais toujours complexes, avec la Russie, sont venues d’ajouter des relations de plus en plus étroites avec des pays comme l’Ukraine. Au vu des conflits récurrents entre la Russie et ses voisins, l’Europe est sans doute appelée à renforcer encore son implication dans une zone essentielle à ses propres intérêts, ainsi qu’à sa sécurité énergétique.

Dans chacune de ces trois régions, la France, de par sa présence et ses intérêts traditionnels, jouera un rôle essentiel dans la définition des positions européennes.

 

 

Conclusion

Quelle que soit la composition de la future Commission, la France continuera de jouer un rôle central dans la construction de l’Europe et la mise en œuvre de ses politiques.

Il est toutefois un domaine où, plus qu’ailleurs, l’implication de la France et de ses représentants pourrait s’avérer décisive. Ce domaine est celui de la politique énergétique. Ce constat s’appuie sur plusieurs facteurs :

  • La compétence de l’Union européenne en matière énergétique est devenue globale. L’Union est responsable de la régulation des marchés de l’énergie, contribue au choix et au financement des nouvelles infrastructures énergétiques, supervise la mise en œuvre du Paquet Energie/Climat par les Etats membres et joue un rôle de plus en plus important dans les relations avec les partenaires énergétiques de l’Europe. Autrement dit, le Commissaire à l’Energie est désormais un des membres les plus importants et influents de la Commission européenne.
  • Des décisions essentielles devront être prises au cours des cinq prochaines années. Les engagements du Paquet Energie/Climat, ajoutés à la nécessité d’accroître massivement la production et le transport d’électricité pour répondre à la demande, impliquent des investissements majeurs à l’échelle de l’Europe. Ces investissements devront être coordonnés (parfois même garantis) par la Commission européenne, éventuellement dans le cadre d’un second plan de relance. La Commission aura également un rôle essentiel à jouer dans la redéfinition en cours des relations avec les grands pays fournisseurs, en particulier la Russie.
  • La politique énergétique de la France, qui diffère traditionnellement de celle de ses partenaires, est de plus en plus citée en exemple par les responsables européens. Chacun admet aujourd’hui le rôle incontournable des pouvoirs publics (en complément de celui des grandes entreprises) dans le renouvellement du parc énergétique en Europe. Et les exigences combinées de la lutte contre le réchauffement climatique et de la sécurité énergétique imposent progressivement le retour de l’énergie nucléaire en Europe.

Enfin, l’énergie reste un secteur essentiel pour l’économie française, représentant 2% de son PIB et 26% de ses investissements industriels.

Un Commissaire français à l’Energie ne se contenterait pas d’accompagner les bouleversements en cours de la scène énergétique mondiale. Il aurait à prendre des décisions majeures, aussi cruciales pour l’avenir économique et industriel de l’Europe que pour sa place dans le monde. Une telle nomination constituerait en outre un moment important pour l’influence de la France en Europe. Elle devrait donc être encouragée par priorité.

 

 

Quentin PERRET

Responsable du Groupe "Energie / Europe élargie"