L’UE, révélatrice de notre rapport ambigu au risque

Beaucoup a déjà été dit et écrit sur l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’UE, actuellement en cours de négociation. S’il fallait résumer les critiques, on pourrait dire que les contempteurs de cet accord craignent que les normes européennes s’alignent sur les normes américaines, supposées moins protectrices du consommateur, et ceci du fait de la pression du lobbying des grands groupes industriels.

Il ne s’agit pas ici de discuter de l’éventuel bien-fondé d’une telle critique, mais de relever un paradoxe dans l’attitude française à cet égard.

On (le Front National, les souverainistes de tous bords, et plus généralement tous ceux qui s’attaquent à l’Union européenne, la réduisant pour ce faire aux « technocrates de Bruxelles ») nous explique régulièrement que l’Europe est un carcan, qui se mêle de tout et n’importe quoi, quitte pour cela à employer la caricature et 4413713162_f598c8038c_zl’approximation, lorsque l’on mentionne la taille des concombres et celle des cuvettes de toilettes.

La critique n’est pas illégitime : dans une économie de marché, il est parfaitement logique de s’inquiéter de l’intervention étatique (ou européenne) lorsque la protection que celle-ci apporte aux consommateurs entrave en même temps le développement des entreprises.

Mais il y a un certain aveuglement à vouloir le beurre (la protection absolue des consommateurs) et l’argent du beurre (l’absence de réglementation à cet effet, car mécaniquement source de complexité).

Les Français se complaisent hélas dans ce paradoxe : on peste contre les règles, jugées toujours excessives (quelle idée de vouloir pasteuriser le fromage!) et bureaucratiques, mais on s’insurge lorsqu’une bactérie tue un malheureux consommateur d’huître ou de fromage au lait cru, car alors c’est que les autorités publiques n’ont pas joué le rôle que l’on présume être le leur.

Cela révèle une question à laquelle nous nous refusons en fait de répondre, celle de notre rapport au risque, et de notre degré d’aversion à celui-ci. Nous voulons en même temps le risque zéro (l’inscription du principe de précaution dans la Constitution le démontre) mais également tous les bénéfices qui découlent de la prise de risque, c’est à dire tous les fruits du progrès et de l’innovation.

Le sujet est complexe car réellement politique : aucune solution n’est pas essence préférable, mais nous devons collectivement nous demander dans quelle société nous souhaitons vivre, quel degré de risque nous sommes prêts à accepter pour bénéficier en retour des bénéfices associés. Il n’y a pas de meilleure réponse, mais cela n’empêche pas de poser la question en des termes clairs.

 

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