Pour un noyau dur stratégique d’Etats européens

Christian Saint-Etienne, Osons l’Europe des Nations,                                             Editions de l’Observatoire, janvier 2018

« Il y a un passage » insistait Magellan auprès du roi de Castille pour le convaincre de financer son expédition. « Il y a une fenêtre d’opportunité » exprime dans la même veine Christian Saint-Etienne au Président Macron dans son dernier livre.

L’originalité de l’ouvrage de l’économiste est de faire le lien entre deux ordres de discours habituellement disparates. D’une part le discours institutionnel européen, qui trouve son origine dans la Déclaration Schuman et décline de façon classique les étapes juridico-politiques de la construction européenne, de petits pas en grandes hésitations et de désillusions en reprises d’initiatives.

D’autre part, un discours de situation dynamique sur l’ordre géoéconomique de la troisième révolution industrielle, dans lequel l’auteur plonge l’objet européen. Constatant l’arrivée de ce qu’il appelle l’iconomie entrepreneuriale, Christian Saint-Etienne y confronte l’architecture actuelle de l’UE pour en conclure qu’elle n’est pas adaptée aux enjeux du moment. Là où les grands blocs mondiaux, zones de croissances économiques et démographiques fortes carburent au réalisme et à un certain impérialisme, l’UE oppose une absence de gouvernement économique, un dogme de la concurrence à maints égards paralysant  et une absence de stratégie coordonnée de long terme…

C’est que selon lui deux visions incompatibles animent le projet européen : celle d’une Europe fédérale resserrée, avec un projet stratégique ambitieux, et celle d’une zone de libre-échange ouverte au monde euro-méditerrannéen.

Pour l’auteur, il faut cesser de vouloir atteindre cet objectif contradictoire avec un seul instrument. Ces deux visions doivent être poursuivies en utilisant deux instruments : l’union européenne pour la zone de libre-échange et un noyau dur fédéral  de nations affirmant les valeurs politiques, morales, culturelles, industrielles, sociales de l’Europe par ailleurs.

Baptisée FEE, la « fédération économique européenne » qu’il appelle de ses voeux recouvrirait peu ou prou l’espace carolingien. Avec 305 millions d’habitants, elle compterait sur un Sénat de type romain et une Assemblée législative fédérale qui écrirait le Contrat social européen…  Une structure à mettre en place d’ici… 2020, selon l’auteur, sous peine que la fenêtre d’opportunité ne se referme.

Le raisonnement se situe bien dans le cadre d une Europe des cercles mais fixe-t-il vraiment des frontières géographiques ? Qui sont les pays exclus et sur quels critères ? Un pays comme l’Estonie par exemple aurait  toute sa place dans une Europe de la 3ème Révolution industrielle.

Par ailleurs, si le titre laisse présager d’un propos néo-souverainiste, il dépasse de loin le fond de l’ouvrage qui se situerait plutôt dans une ligne fédéraliste-réaliste.

A.B