Quel gouvernement économique pour l’Union européenne ?

Jocelyn Guitton, membre du bureau de l’Atelier Europe et maître de conférence à Sciences Po, publie cette semaine un essai sur la gouvernance économique de l’Union européenne, fruit de réflexions formées au cours de ses activités professionnelles, d’enseignement et associatives, au sein de l’Atelier Europe notamment. L’ouvrage est préfacé par le Commissaire européen Michel Barnier.

QGEPlUE-JCDepuis le déclenchement de la crise financière en 2007, puis de la crise des dettes souveraines en 2009, l'Union européenne s'est en effet profondément réformée, à un rythme inconnu jusqu'alors. C'était nécessaire, mais rien n'indique que cela sera suffisant néanmoins.

La crise de la zone euro est avant tout une crise de crédibilité et d'indécision, de ses politiques et de ses institutions, c’est-à-dire en somme de sa gouvernance, dont les rouages n'ont pas permis l'émergence d'un véritable gouvernement économique européen.

Sur une scène économique mondiale où les pays émergents n'attendent pas le vieux continent pour aller de l'avant, il importe aujourd'hui plus que jamais d'aller vers un tel gouvernement, capable de prendre les mesures nécessaires pour sortir durablement de la crise et d’éviter que l'UE et ses membres ne se replient sur eux-mêmes, mais maintiennent au contraire leur leadership économique et politique.

Dans des termes accessibles, mais sans faire l'impasse sur les questions techniques nécessaires à la compréhension précise des enjeux, Jocelyn Guitton présente des pistes réalistes en vue de compléter une construction européenne ambitieuse, mais qui demeure inaboutie.

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Élargissement à la Croatie : le silence des uns fait le pouvoir des autres

Figaro-130722bLe 1er juillet 2013, la Croatie devient le 28ème membre de l’Union européenne, dix ans après la reconnaissance de sa candidature. Zagreb sera peut-être un jour suivi de la Serbie, qui a obtenu le statut de candidat en 2012. Quant à l’Islande, en île qu’elle est, elle hésite. Ainsi, malgré le poids de la crise économique et sociale sur l’agenda européen, l’élargissement de l’Union continue. À l’est du continent, des Européens attendent leur entrée dans la plus puissante et la mieux intégrée de toutes les unions régionales du monde. N’entrons pas, ici, dans le redoutable débat sur l’adhésion de la Turquie ; ni dans celui concernant la Bosnie, le Kosovo ou la Macédoine. À l’ouest, la « fatigue de l’élargissement » fait son œuvre : on ne voit pas bien quel pays, après la Serbie, pourrait adhérer rapidement. Il est possible que la porte se referme pour quelques temps.

Examinons plutôt l’une des conséquences méconnues de l’élargissement : le changement qu’il introduit au sein du Conseil, qui reste la principale instance de décision européenne. Car la présence d’un grand nombre de « petits » pays – ce qualificatif est un « gros mot » à Bruxelles mais, par souci de clarté et sans intention péjorative, faisons avec – autour de la table des négociations influence leur déroulement et, partant, façonne leurs résultats.

Ces « petits » États pèsent chacun moins de 10 voix, sur les 345 distribuées autour de la table. Ainsi la Croatie, qui se classe au 21ème rang des États membres (4,2 millions d’habitants), détient, comme l’Irlande, 7 droits de vote au Conseil. Les « grands » pays comme la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni en détiennent chacun 29. Depuis l’élargissement de 2004, les « petits » pays sont passés de quatre (Danemark, Finlande, Irlande et Luxembourg) à onze, avec les pays orientaux, Malte et les États baltes. Soit désormais un bon tiers de la table. Cette multiplication amène une fragmentation croissante des débats.

La question n’est pas tant de savoir de combien de voix dispose chaque pays, mais comment il pèse sur les débats : ses délégués peuvent-ils, en fait, intervenir ? Ont-ils les ressources dans leur capitale pour formuler des contre-propositions, gages d’une influence sur la négociation ? Ont-ils les leviers pour construire des alliances ? Et même : ce pays a-t-il lu tous les documents en discussion et a-t-il une opinion sur chacun d’eux ? Quand les sujets techniques – de la double coque des pétroliers à la dernière étude OGM – s’enchaînent à haute vitesse, il n’est pas facile de suivre le rythme.

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Le rêve d’Erdogan …

Duran Adam / L'homme deboutIl fait beau et chaud à Istanbul, Recep Tayip Erdogan s’est assoupi. Il rêve …

29 octobre 2023, la Turquie fête en grande pompe le centenaire de la fondation de sa République.
Le soleil est éclatant et la Grande Mosquée d’Istanbul sur la colline de Camlica resplendit de blancheur. Avec ses 6 minarets et son dôme futuriste, la plus grande mosquée du monde domine la mégalopole stambouliote.

Tayip Receip Erdogan, Président depuis 2014 après avoir été 10 ans Premier Ministre, vient d’assister à la prière et se dirige vers la terrasse pour savourer le grandiose panorama qui s’étend à ses pieds. Le Bosphore, somptueux ruban bleu marin, est parsemé des voiles blanches et de longues traînées d’écumes que laissent les yachts et les jets-ski. Depuis quelques mois en effet, le détroit est devenu un espace dédié à la navigation de plaisance ; clubs nautiques et marinas privés fleurissent sur ces rives. Plus l’ombre d’un cargo, plus une trace des gigantesques pétroliers qui transitent entre Mer Noire et Mer de Marmara : ceux-ci empruntent maintenant le canal de dérivation creusé en Roumélie et qui double le Bosphore.

Plus haut vers le nord, Tayip peut deviner les pieds du pont Yavuz Sultan Selim, dont la première pierre fut posée en 2013. Plus grand pont du monde avec ses 1 275m, il assure l’accès au plus grand aéroport du monde mis en service en 2017 et qui reçoit déjà ses 150 millions de passagers. Istanbul est devenu le hub de l’Europe pour le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique, détrônant Dubaï qui s’enfonce lentement dans ses dunes.

Abi ! Abi ! Uyan (réveille-toi) …

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Inflation: l’État nous ment-il?

Margareth Thatcher et l'inflation (source : http://www.guardian.co.uk/business/2011/jan/16/inflation-the-old-enemy-frightened)Si l’on en croit les chiffres officiels, l’inflation n’a jamais été aussi faible en France et dans la zone euro: suivant l’INSEE, les prix à la consommation ont effet augmenté de moins de 2% par an en moyenne depuis 1999 (1.8% d'évolution moyenne annuelle en France entre 1999 et 2010).

Pourtant, le ressenti de nos concitoyens ne reflète pas ce constat. Un article récent, qui comparait les prix de bien de consommation courante sur la base d’un ticket de caisse de la fin des années 90 et en déduisait une hausse des prix bien supérieure en moyenne (de l’ordre de 4% par an), a eu un certain retentissement sur la toile. Certains partis politiques, comme le Front National, font d’ailleurs leur beurre sur le sujet: cette prétendue hausse rapide des prix est ainsi au cœur de l’argumentation du FN en faveur du retour au Franc. Ce parti observait ainsi pendant la campagne de 2012 les prix de quelques biens de consommation courante depuis l’introduction de l’euro, en déduisant une hausse des prix sans commune mesure avec celle des revenus.

Peut-on vraiment s’arrêter à de telles comparaisons? Sont-elles simples ou bien simplistes? Les chiffres basés sur un ticket de caisse sont forcément très partiels (comment analyser l’évolution des prix en général à partir du prix du café et de l’eau minérale ?) et ne reposent sur aucun chiffre solide Or, sur la base d'une analyse sérieuse, en prenant les données précises et observées fournies par l’INSEE, on obtient des chiffres bien différents: le prix du pain a augmenté en moyenne de 2.7% par an entre 1999 et 2010, à comparer à 7.0% par an en moyenne entre 1970 et 1999, 4.8% par an en moyenne entre 1980 et 1999…

Certes, le pouvoir d'achat s'est dégradé en apparence pour certains ménages mais la critique des chiffres de l’INSEE est infondée: le biais de perception entre inflation réelle et inflation perçue a été étudié en détails et confirme la validité des mesures de l’INSEE: on perçoit plus l’évolution du prix des biens qui coûtent peu mais que l’on achète souvent – fruits et légumes, pain, essence… – que ceux que l’on achète rarement – hifi, téléphonie…: or les matières premières et les produits agricoles ont vu leur prix croître fortement sur les marchés mondiaux depuis 10 ans, tandis que les biens plus onéreux et moins souvent achetés ont vu leurs prix baisser. Au contraire, face à cette évolution, la hausse de l’euro nous a largement protégés!

Alors cessons d’attribuer à d’autres les causes de nos faiblesses, et de faire de l’euro ou de l’INSEE des boucs émissaires. Il n’y a pas de complot d’Etat destiné à cacher la vérité sur les prix aux citoyens et à manipuler les statistiques. On ne peut consommer que ce que l’on produit, et le pouvoir d’achat n’est pas une question de prix, mais de productivité et de croissance. Ce sont là les vrais débats.

L’Europe et le monde : quelle politique étrangère pour l’Union européenne ?

Equipe_diplomatie-2013Dans le cadre de son partenariat avec le
Master affaires européennes de Sciences Po, l’Atelier Europe avait
proposé aux étudiants pour l’année universitaire 2012-2013 de
s'intéresser à l'avenir de l'Union européenne.
Deux projets avaient été retenus et ont été présentés le 24 mai dernier à Sciences Po.
Voici le second:

L'Europe et le monde : quelle politique étrangère pour l'Union européenne ?

L'Europe et le monde : quelle politique étrangère pour l'Union européenne ? from Atelier Europe on Vimeo.

Nous adressons nos plus vives félicitations à Nicolas Jenny, Polina
Khomenko, Joseph Richard et Miriam Tardell pour le brillant travail.

 

 

Le premier projet Des traditions politiques nationales au fédéralisme se trouve .

 

Thomas Mimra
Quentin Perret
Responsables des projets collectifs pour l’Atelier Europe