Samedi 10 mars: États généraux de l’ Europe !

L'Atelier se joint au rassemblement de la famille européenne en participant, comme partenaire,

aux États généraux de l'Europe,

ce samedi 10 mars 2012

à Sciences-Po (Paris 6),

de 9h à 19h.

C'est un forum exceptionnel pour débattre de nos idées, comme simples citoyens mais aussi en la présence de candidats à l'élection présidentielle.
Vous trouverez de plus amples information en téléchargeant le programme.

Nous vous attendons nombreux!

L'équipe de l'Atelier Europe

Lire également la tribune  De l'Europe des États à l'Europe des citoyens

La France, l’euro, l’Europe – Propositions européennes pour le prochain Président

L’Europe ne tient presque aucune place dans la campagne présidentielle, ce qui ne surprend guère. Éviter les sujets qui fâchent, c’est le b. a. ba de toute campagne électorale, et l’Europe reste le champ d’affrontement de deux grands idéaux: indépendance nationale contre union et fédération des peuples. Les Français savent que la France n’a pas le choix entre l’appartenance et la non-appartenance à l’Europe et, pas plus aujourd’hui qu’hier, ne souhaitent sortir de l’Union européenne. Mais une campagne présidentielle repose sur le postulat de l’omnipotence du peuple souverain; l’appartenance à l’UE, quant à elle, impose des contraintes et réduit la liberté d’action de la nation, singulièrement en matière économique. Cette tension est particulièrement marquée à gauche: d’où, sur fond de quasi-absence de discours européen chez tous les principaux candidats, les récentes prises de position du Parti socialiste, telle l’abstention lors du vote établissant le Mécanisme européen de Stabilité (MES), principal outil destiné à combattre la crise de l’euro, ou la volonté déclarée de François Hollande de renégocier le Pacte budgétaire tout juste adopté par 25 États membres1. Un candidat socialiste ne saurait répudier ouvertement le jacobinisme économique d’une majorité de ses électeurs, cette ambiguïté dut-elle entretenir – à juste titre – la défiance à son égard des principaux partenaires de la France.

Il y aurait pourtant beaucoup à redire sur la stratégie adoptée par l’UE depuis deux ans pour combattre la crise de l’euro. Cette stratégie repose sur la conviction, réelle ou affichée, que la solution à cette crise consiste à résorber immédiatement les déficits publics des États. Que cette analyse soit fondamentalement erronée, des économistes qui n’appartiennent pas tous au PS, et qui pour certains ne sont même pas européens, l’écrivent depuis deux ans2, et les événements leur ont donné raison: les cures d’austérité imposées non seulement à la Grèce, mais à une majorité de pays européens, ont non seulement replongé l’Europe dans la récession, mais n’ont en outre rien fait pour restaurer la confiance des acteurs économiques et des marchés dans la monnaie européenne, bien au contraire. Les États européens réussiront sans doute, pour la plupart, à remplir leurs objectifs de réduction des déficits, au prix d’un appauvrissement durable (particulièrement dans les États situés à la périphérie du Continent, notamment au Sud), et sans que l’euro s’en trouve le moins du monde viabilisé – même en faisant abstraction du cas grec.

Oui, il y aurait beaucoup à redire; mais la solution à cette crise européenne est nécessairement européenne et incompatible avec un repli sur la nation ou sur l’idéologie. Les failles structurelles de l’euro, qui dépassent largement le cas grec, ont été analysées3 et sont principalement au nombre de trois, à savoir: l’interdiction du financement des États par la Banque centrale européenne; les relations de codépendance entre grandes banques et gouvernements nationaux; l’absence de mutualisation des dettes des Etats. Si la BCE semble avoir trouvé, via le financement direct des banques rachetant ensuite de la dette publique, un moyen partiel de contourner la première interdiction, le caractère strictement national du financement des États et l’absence de contrepartie au niveau européen demeurent la faiblesse essentielle de l’union monétaire.

Continuer la lecture de « La France, l’euro, l’Europe – Propositions européennes pour le prochain Président »

L’Islande: Un pas en avant, deux pas en arrière

L’Atelier Europe accueillera pour un dîner-débat, le vendredi 2 mars, Baldur þórhallsson, Professeur à l’université de Reykjavik et membre suppléant du Parlement islandais (rapporteur sur l’adhésion). Il est spécialiste des petits États membres de l’Union européenne, de leur rôle et de leur influence dans l’Union.

« Un pas en avant, deux pas en arrière », ce pourrait être un bref mais lucide résumé de ce que fut pendant de nombreuses années, l’attitude de l’Islande vis-à-vis de l’Union européenne. Et il aura fallu attendre une crise, et non des moindres, celle de 2008 et singulièrement l'effondrement de son système bancaire hypertrophié, pour que le débat sur l’adhésion trouve un nouveau souffle.

Illustration: Peter Schrank (The Economist)L’Islande dépose finalement sa candidature d’adhésion à l'Union européenne le 16 juillet 2009. Le statut de candidat lui est accordé le 17 juin 2010 et les négociations d'adhésion débutent formellement le 27 juillet 2010. Choix raisonnable et raisonné ou ferveur populaire pour l’Union européenne? La question se pose.

Le gouvernement islandais a pour objectif d'adhérer en 2013, adhésion qui sera par ailleurs sujette à un référendum en Islande.

I. Flashback sur les relations « je veux, je veux pas » de l’Islande avec l’Union européenne

Il serait réducteur de considérer que le dépôt de candidature de l’Islande n’est que le simple résultat de la crise de 2008. Depuis de très nombreuses années, l’Islande coopère activement avec les pays de l’Union européenne et les relations se sont intensifiées au fil du temps. Intégrée à l’Espace économique européen (EEE), l’Islande participe, comme tout membre de l'Association européenne de libre échange (AELE), au marché unique européen. Elle a également signé un accord de participation à la convention de Schengen.

Cependant, l’adhésion à l’Union européenne ne va pas de soi pour les responsables politiques. Des années 1990 à la crise de 2008, deux grandes formations politiques – le Parti de l'indépendance, conservateur, et le Parti du progrès, libéral – sont opposées à l'adhésion, considérant que l’Islande n’avait aucun intérêt à adhérer et encore moins à adopter l’Euro. Seul, le parti Alliance, parti d’opposition, soutient l'ouverture des négociations d'adhésion.

La crise financière de 2008 marque un tournant et si de nombreux responsables politiques restent hostiles à une entrée dans l’Union européenne, les esprits évoluent.

La politique de rigueur mise en place change la donne. En contrepartie des restrictions sur les salaires, les syndicats demandent que l'Islande fasse acte de candidature à l'Union européenne. Plusieurs formations politiques leur emboîtent le pas, tout en posant un certain nombre d’exigences. Par exemple, le Parti du progrès soutient cette candidature mais avec de strictes conditions telles que la pleine autorité de l'Islande en matière de politique de pêche, un point d'achoppement historique dans les relations avec l'Union, et sur les autres ressources nationales, point qui reste encore aujourd’hui central dans les négociations. Parallèlement, l’idée de soumettre l'ouverture des négociations et la signature du traité d'adhésion à l'Union à un référendum progresse.

Les élections de 2009, post-crise, marquent un changement d’attitude très net. Les principales formations politiques mettent le sujet de l’adhésion au centre du débat. On parle alors d'une candidature immédiate à l'Union européenne et d'une adoption de l'Euro dans les quatre ans, outil perçu comme un moyen de gérer la dette – importante – du pays.

Ces évolutions aboutiront au dépôt de candidature le 17 juillet 2009, peut alors commencer la phase de négociations d’adhésion.

Partenaire de longue date de l’Union européenne, l’Islande applique déjà une partie conséquente de l’acquis communautaire, ce qui laisse entrevoir un processus de négociations rapide, d’autant plus que l’Islande est une démocratie établie. Selon différentes analyses, l'Islande appliquerait déjà deux tiers de la législation de l'Union européenne du fait de sa participation à l'EEE. On estime alors que l’Islande pourrait probablement entrer dans l'Union européenne en même temps que la Croatie, au 1er juillet 2013.

II. Mais quels sont les points d’achoppement dans ces négociations d’adhésion ?

Le point de friction le plus emblématique des négociations est certainement celui de la pêche. Puissance économique reposant essentiellement sur ses ressources naturelles et la pêche, l’Islande est particulièrement sensible à la législation relative aux quotas de pêche autorisés, et de nombreux incidents sont venus émailler les négociations d’adhésion. À titre d’exemple, en 2010, le Commissaire européen aux affaires maritimes et à la pêche condamne la décision unilatérale des pêcheurs islandais d'augmenter leurs quotas de pêches de maquereaux au-delà des niveaux autorisés – de 2 000 tonnes à 130 000 tonnes – en raison d'une présence abondante dans leurs eaux, alors que les pêcheurs écossais et irlandais observent ces quotas. En 2011, l’Islande relève, une nouvelle fois, son quota à 146 000 tonnes et elle s’expose à des sanctions de l’Union.

L’adoption de l’Euro a également été un point de discussion très important. À la suite de la forte dépréciation de la couronne pendant la crise, l’Islande a étudié la possibilité d'adopter l'Euro sans pour autant rejoindre l'Union européenne, s’inspirant de la pratique de différents pays, comme le Monténégro ou encore le Kosovo. L'Union européenne n’a pas donné suite car ces pays n’étaient pas dans des situations comparables: le Monténégro et le Kosovo n’ayant pas de monnaie propre et dans ces deux cas il s'agit plutôt d'un état de fait qu'une véritable intégration monétaire.

Enfin, l’affaire Icesave a généré quelques tensions entre l’Islande et deux membres de l’Union européenne. À la suite à la crise de 2008, le gouvernement nationalisa toutes les banques islandaises dont la filiale de Landsbanki, Icesave, qui opérait au Royaume-Uni et au Pays-Bas. Le système de remboursement mis en place privilégiait les déposants islandais au détriment des autres clients. En effet, accepter de rembourser le Royaume-Uni et les Pays-Bas creuserait encore la dette islandaise et rendrait donc encore plus difficile l'adoption de l'Euro – une des motivations majeures de l'adhésion de l'Islande à l'Union européenne – notamment en raison des critères de convergence. Cette affaire a empoissonné d’autant plus les relations avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas qu’un référendum en 2010 sur le remboursement des milliards perdus à ces deux pays donna la majorité au « non » et qu

Adieu la méthode communautaire, vive Monnet !

Comme toute construction à vocation politique, l’Union européenne est fondée sur un socle idéologique, en l’occurrence le postulat pacifique et égalitaire né des tourments de l’histoire européenne. Cette démarche est aujourd’hui bien consommée et l’Union, victime en quelque sorte de son succès majeur, la paix, ne parvient guère à trouver un élan qui parle aux générations filles d’une Europe apaisée. Pas ou peu de symbolique et une incapacité à fonder un récit rassembleur dans un ensemble qui s’est structuré essentiellement, au cours des siècles, par antagonismes.

Nombreuses furent les tentatives, ces dernières années, pour remédier à ce vide européen. Pas facile de décider que nous sommes amis simplement parce que ce serait logique de l’être et encore moins lorsqu’il s’agit de fonder une famille. Tout cela est bien connu.

Toutefois, il existe également un deuxième défaut de structure mis en lumière par la crise et qui n’est pas sans lien avec le premier. La méthode communautaire, proposée par Jean Monnet et ses condisciples a connu un foudroyant succès en prônant une politique des petits pas connue sous le vocable d’intégration fonctionnaliste. Pour simplifier, en confiant par petites touches de plus en plus de pouvoirs au niveau européen, l’Union s’est intégrée de façon dynamique, selon le principe du spill over, de la spirale qui veut qu’une compétence intégrée conduise à aspirer d’autres compétences. Tout cela fut d’une redoutable efficacité puisque le marché unique, par exemple, est fils de cette logique.

Fort de ce succès, la méthode communautaire est devenue une sorte de vache sacrée pour de nombreux européistes. C’est une erreur. Sur la forme, ces monnetistes n’honorent pas le maître pour qui le pragmatisme était au coeur de la démarche européenne, de la même façon que certains gaullistes trahissent l’Homme du 18 juin dont la cohérence de l’action, et sans doute le principe spirituel, n’était pas le formalisme de la souveraineté juridique mais de se donner les moyens de maintenir le bien le plus précieux, pour un individu comme pour un peuple, soit l’indépendance.

Surtout, sur la substance, il faut reconnaître que la méthode communautaire n’est pas parvenue à résoudre sa contradiction interne: plus les compétences des États sont partagés, plus l’intégration avance, moins le système apparaît légitime et partant plus il est contesté. La perception du décalage, à tort ou à raison, entre Bruxelles et les citoyens est devenu criant et il favorise un discours fantasmagorique sur une élite technocratique s’étant appropriée le pouvoir.

Continuer la lecture de « Adieu la méthode communautaire, vive Monnet ! »