L’économie européenne vue d’Australie – un résumé critique

Alors que l’Europe est en crise et cherche désespérément des remèdes à la crise économique pour ne pas se laisser engloutir par les puissances économiques émergentes, les Australiens nous conseillent… Leurs constats et solutions sont plutôt atypiques. Économiquement non viable et profondément anti-intégration, l’argumentaire présenté dénote cependant une méconnaissance profonde de notre économie, son histoire et de la volonté politique qui sous-tend son modèle. Il est aussi cruel pour nous Européens car il marque un certain désintérêt de la part d’un pays prospère et inscrit dans une zone économique dynamique.

Plusieurs articles dans les journaux et revues australiennes ont attiré mon attention ces dernières semaines. La thèse qui revient invariablement: contrairement à l’idée généralement admise, les principaux bénéficiaires d’une intégration économique européenne sont les multinationales américaines, japonaises et aujourd’hui chinoises, indiennes, etc… Une désintégration ne serait pas une mauvaise nouvelle pour les entreprises européennes, surtout celles de petite taille.

Continuer la lecture de « L’économie européenne vue d’Australie – un résumé critique »

Cartels: l’UE veut-elle détruire l’industrie européenne?

La Commission européenne a rendu en novembre deux décisions importantes en matière de cartels, du moins au regard du montant des amendes imposées (€799 millions d'euros dans le cas du cartel du fret aérien, dont 310 millions pour Air France, et €648 millions pour le cartel dit des "écrans plats"). La décision relative au fret aérien, parce qu'elle condamne lourdement Air France, un "champion national", qui plus est détenu partiellement par l'Etat français, a fait l'objet de vives critiques, y compris au niveau ministériel.

Passons rapidement sur les critiques de l'ancien Secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Pierre Lellouche, qui a critiqué l'amende au motif qu'elle aurait été discriminante car Lufthansa, opérateur allemand également impliqué dans le cartel, y aurait échappé. La procédure de clémence, par laquelle les entreprises sont encouragées par une réduction partielle ou totale de l'amende encourue à dénoncer les ententes illicites auxquelles elles participent, si inélégante puisse-t-elle paraître, a le mérite de l'effet dissuasif, la publicité faite à ces décisions en atteste. De plus, la procédure de clémence se fonde sur le droit communautaire tel qu'adopté par les représentants des Etats membres. La consternation et l'effroi exprimés par M. Lellouche sont donc pour le moins surprenants et ne méritent pas plus de commentaires.

Les arguments avancés par M. Bussereau, alors Secrétaire d'État aux transports, qui s'est déclaré "effaré" par la décision, méritent une réponse plus circonstanciée. La politique de concurrence, en s'attaquant aux cartels, et donc en pouvant imposer des amendes parfois très élevées aux entreprises contribue-t-elle à fragiliser des groupes déjà soumis à une concurrence internationale acharnée?

Tout d'abord, les sanctions de la Commission frappent sans discrimination les entreprises, européennes ou non. L'amende imposée aux fabricants d'écrans plats (aucune entreprise européenne) en est l'illustration, tout comme les amendes imposées à Intel et Microsoft, accusés d'avoir abusé de leur position dominante.

Ensuite, le montant des amendes infligées est déterminé en fonction de critères préalablement définis dans une communication de la Commission, et ce en toute transparence afin de garantir, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice, la sécurité juridique des entreprises quant aux sanctions encourues. Par ailleurs, il n'existe essentiellement que deux catégories de sanctions dissuasives possibles: pécuniaires et pénales. Or, les Américains utilisent les deux bâtons quand l'UE ne recourt qu'aux amendes. Les dirigeants des grands groupes européens qui hurlent au scandale face aux amendes infligées par la Commission devraient donc méditer sur le sort de leurs homologues américains exposés à des peines de prison. Si nous devions significativement réduire les amendes encourues, il faudrait bien ouvrir alors le débat sur la pénalisation du droit de la concurrence en Europe sauf à encourager les cartels faute d'effet dissuasif des sanctions.

Enfin, rappelons que la justification première de l'interdiction des ententes entre entreprises (les cartels étant la forme la plus aboutie de telles ententes) tient au fait qu'une entente (c'est-à-dire la création d'une position de marché équivalente à un monopole) a pour effet de léser les consommateurs au profit des entreprises membres du cartel. Cette situation est préjudiciable à l'intérêt général dans le sens où le gain des producteurs est inférieur à la perte engendrée pour les consommateurs, au travers de prix plus élevés et de quantités moindres. Autrement dit, l'utilité globale (englobant les différents acteurs économiques: entreprises, consommateurs, etc.) qui résulte d'une situation de concurrence effective est supérieure à celle associée à une situation de monopole sur un marché (prix plus faibles, quantités produites plus importantes, emplois plus nombreux, etc.). Cette justification représente le cœur de la politique de lutte contre les cartels.

Il s'agit là d'une approche statique: à un instant donné, une situation de concurrence est préférable à une situation cartellisée. Mais cela ne répond pas totalement à la critique suivant laquelle, d'un point de vue plus dynamique, la lutte contre les cartels serait préjudiciable aux grands groupes français et européens.

Or cette critique est infondée: d'un point de vue économique, les cartels, tout comme les monopoles, représentent des rentes pour les entreprises qui en bénéficient, au sens qu'ils leur apportent un profit supérieur à ce que leurs performances, leur productivité, leur capacité à innover devraient normalement leur rapporter dans une économie concurrentielle. Dans ces conditions, les entreprises concernées n'ont nulle incitation à innover et à chercher à faire mieux que leurs "concurrents", puisque les parts de marché et les prix ne résultent pas du libre jeu du marché mais sont déterminés suivant les accords passés au sein du cartel. À l'inverse, lorsque la concurrence joue entre les entreprises, celles-ci sont obligées d'innover pour pouvoir proposer des produits qui leur feront gagner des parts de marché, réduire leurs coûts, augmenter leurs prix pour des produits de meilleure qualité. Non seulement le service/produit apporté aux clients est donc optimal mais les entreprises conservent alors une compétitivité nécessaire à leur efficacité à l'échelle mondiale où se joue leur avenir. Un marché fermé par un cartel ne le restera qu'un temps face à l'agressivité de groupes issus de régions plus dynamiques.

Pour cela, les grands groupes européens et l'Europe dans son ensemble ont tout à gagner sur le moyen terme à favoriser des marchés concurrentiels: sans incitation à innover, investir, chercher, etc., nos champions européens seront tôt ou tard rattrapés par la concurrence étrangère. Les ententes ne constituent que de fragiles lignes Maginot qui freinent la transition nécessaire vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée où l'UE peut tirer pleinement profit de la qualité exceptionnelle de son capital humain.

 

JG

Et si la France sortait de la zone euro?

Un nombre croissant de voix se fait entendre pour appeler à une sortie de l'euro et à un retour au franc, qu'il s'agisse des hérauts de cette cause (Villiers, Dupont-Aignan), ou de pamphlétaires interlopes (Cotta), dans un contexte où les sondages suggèrent un affaiblissement du soutien à la monnaie unique.

Tout d'abord, les contempteurs de la monnaie unique comparent en général les avantages et les inconvénients respectifs liés à une monnaie européenne et à des monnaies nationales. C'est une erreur de raisonnement évidente: la seule comparaison qui vaille est celle entre un avant (i. e. la situation présente) et un après (i. e. le retour au franc), car c'est bien le coût lié à l'abandon qu'il faut évaluer ainsi que ce qui se passerait en cas de retour au franc. Peu importe en ce sens que la France ait eu raison ou tort d'adopter l'euro (et les justifications ex-post de l'adoption sont légion), et ce qu'il serait advenu de l'économie française: il s'agit maintenant d'un fait, et tout débat sur une autre base serait vain.

Continuer la lecture de « Et si la France sortait de la zone euro? »

Cessons de tergiverser: pas d’Union monétaire possible sans une véritable union économique !

Enfin, les vraies questions sont posées. Il ne saurait, en effet, y avoir de monnaie unique sans évaluation, rapprochement et coordination des situations budgétaires des différents États concourant à la zone Euro. En la circonstance, la susceptibilité souveraine est une position qui, au vue des éléments actuels parait difficilement tenable pour ne pas dire totalement irresponsable. L’Histoire récente nous démontre, en effet, s’il le fallait que la négligence, l’irresponsabilité, la prévarication peuvent être des pratiques fortement usitées même en Europe. Les faits sont éloquents. Souveraineté oblige, bon nombre d’États ont cru assurer leur liberté économique en ne respectant absolument pas les obligations auxquelles ils avaient volontairement souscrit en adhérant à la zone euro. Certains ont même frauduleusement manipulé les données relatives aux comptes publics. De surcroit, ils ont contribué à pénaliser les autres États membres appelés en appel de passif! Et réduit à bien de peu de chose la confiance mutuelle sans laquelle l'UE ne saurait fonctionner. Reconnaissons néanmoins que cette crise, qui était prévisible, aura le mérite de faire avancer significativement la construction européenne dans une logique plus intégrante. Il faut rompre avec le chacun pour soi budgétaire et donner enfin à l'Europe les moyens d'une véritable politique économique. Ce que les politiques n’avaient pas réussi à faire, les circonstances du moment pourraient l’imposer.

Loïc Tribot La Spière, Délégué général du CEPS

Jérôme Cloarec, Président de l'Atelier Europe

La zone euro à l’épreuve de la compétitivité

Après plusieurs mois d'atermoiements, les membres de la zone euro, avec l'appui de la BCE, semblent enfin s'être donnés les moyens de se prémunir contre un défaut souverain, accordant à la Grèce et aux autres « PIIGS » (l'acronyme de Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) un répit ponctuel, à supposer que les soubresauts actuels des marchés ne perdurent pas. Or, il ne s’agira là que d’un sursis si les États en question, mais également l'ensemble des membres de la zone, ne prennent pas la mesure des enjeux de long terme auxquels ils sont confrontés, en faisant le choix résolu de la compétitivité et en réduisant drastiquement le poids de leur dette publique.

Continuer la lecture de « La zone euro à l’épreuve de la compétitivité »