Une aube dorée? L’Est de l’Europe imprégné du péché des aides européennes

1. Facteurs

1.1 Der Wille zur Verwaltung (La Volonté d’administration)

Jusqu’à 2014, en « Banlieue nord » de Pils, en République tchèque, une amie gérait une école maternelle privée. Une école petite (comptant une vingtaine d’enfants), modeste, charmante, pas chère (à 2300 euros par an), entièrement autonome, ne touchant pas une seule couronne des fonds publics. En 2013, la ville de Pils a décidé d’investir deux millions d’euros dans la construction de trois écoles maternelles pour 150 enfants: une place créée à 13 000 euros sans compter les coûts de gestion annuels non publiés. Les écoles maternelles créées par la ville sont presque gratuites. En conséquence, dès 2015, il se peut qu’il n’y ait plus d’école privée en « Banlieue nord ». Une absurdité économique et sociale: même si la ville payait les frais scolaires de cet établissement privé, donc « bourgeois », pour chaque enfant de Pils, elle gagnerait des milliers d’euros par an et par enfant tout en s’épargnant énormément d’administration. Et sans avoir tué un établissement solide.

AiePayePar contre, dès 2015, il y aura plus de directeurs et de subordonnés, donc plus de pseudo-pouvoir administratif, plus de prétendu pouvoir social pour décider des admissions aux écoles, plus de gestion de fonds publiques, plus d’administration, plus de marchés publics. Hélas, il suffirait d’une seule chose: laisser vivre les petits, voire faciliter leur vie.

Cet exemple simple, mutatis mutandis, démontre une tendance générale liée aux aides européennes dans lesquelles l’Est de l’Union se noie de nos jours: l’incessante volonté des pouvoirs publics de gérer, de s’imposer et de régler là où il n’y a guère besoin d’eux.

1.2 Die Menschenschöpfung (La création de l’homme)

En 1957, douze ans après la guerre, le contrat a été clair: « Vous, les industriels allemands, pour que vous paracheviez votre réhabilitation, vous payerez pour cette acceptation dans la famille de l’humanité une dîme à ses porte-flambeaux: les pauvres agriculteurs français et italiens ».

En 2004, quinze ans après la chute du Mur, cette logique s’est renversée et approfondie. Conscient de l’énorme marché toujours à demi-vide de la rive droite de l’Oder et derrière les Monts Métallifères, l’Allemagne a été prête à répéter – à grande échelle – la leçon de Wiedervereinigung de 1990: « Nous, les postindustriels allemands, sommes prêts à faire de vous, les pauvres postcommunistes, de nouveau des hommes par nos euros. En tant qu’hommes civilisés, vous nous ouvrirez vos marchés entièrement. »

2. Impacts

2.1 Redondance

Ainsi, l’an 2004 a, d’un côté, marqué un point positif sans égal dans beaucoup d’aspects pour les nouveaux pays membres: les lois octroyées par l’Union étaient d’une qualité incomparable avec celles qui les avait précédées et devraient suivre; les pays ont gagné en sécurité au sens large (énergétique, économique) ; avec le libre-échange, la civilisation promise est réellement venue.

Malheureusement, l’Union n’a pas approfondi ses incontestables réussites de « small state »: les lois changées, peu a été investi dans la formation et l’équipement de l’appareil administratif et judiciaire. Une sécurité vraiment commune est loin d’être lancée. Le libre-échange reste souvent uniquement consumériste. Pire, face aux défis graves, poussés par les facteurs susnommés, l’Union s’est imposée aux nouveaux pays membres avec les milliards d’euros d’incitations, de subventions et d’aides.

En accordant les incitations, officium se pense être plus malin que la rue. Ce qui n’est que très rarement le cas. Les projets subventionnés sont ceux qui ne sont pas viables autrement. La plupart d’entre eux sont surdimensionnés. Ils sont réalisés par ceux qui savent le mieux remplir les papiers et non pas par les plus aptes. Par conséquent, les armées d’experts ès subventions abondent. Ils créent une économie complètement irréelle, fantomatique même. La charge bureaucratique générée par les aides les destinent souvent uniquement aux grandes structures qui disposent du personnel purement administratif requis: les plus grands destinataires sont alors les plus grandes entreprises qui sont les dernières à en avoir besoin. Ainsi, au lieu de la concurrence, c’est une monopolisation qui est promue.

2.2. Corruption

« Qu’est-ce que l’Europe pour vous, réellement? » l’Atelier Europe demanda-t-il à des dizaines de reprises lors de ses voyages d’études à travers la République tchèque, la Pologne, la Hongrie et la Lituanie. « Les subventions! », la réponse univoque sonna-t-elle. Si naturelle, terre-à-terre la réponse soit-elle, elle n’est pas d’autant moins attristante. Car les subventions sont une source de corruption au sens symbolique et moral du terme.

  • Elles sont une corruption par leur nature do ut des: « On vous paye, pour que vous fassiez! » (que vous nous acceptiez, que vous nous ouvriez la porte!).
  • Ainsi, elles sont hors d’un vrai contrôle – celui qui corrompt ne se demande pas de ce qu’il advient de son aumône. Il le prend simplement pour un mal nécessaire.
  • Ainsi, quoique tout le monde sache que le système est profondément inique, peu d’implications sont considérées. Notamment au niveau des pays récepteurs dont l’utilisation et le contrôle des aides est très variable. Qui aurait intérêt à arrêter ce flux ?
  • Ceci, et il s’agit du résultat le plus grave, a créé une caste énormément riche et puissante, allaitée par le courant qui ne s’assèche jamais, et qui va tout faire à la fin pour que le système soit maintenu. Telle est toujours l’implication la plus importante de la corruption, et non pas le vol en soi car l’Europe a quand même déjà trop d’argent, semble-t-il.
  • Finalement, les subventions donnent naissance à une corruption morale. Dans de nombreux domaines (notamment dans l’agriculture, dans les infrastructures publiques et dans les ressources renouvelables) il n’est plus possible d’opérer sans toucher aux incitations (pourvu que tous les autres y touchent). De cette façon, d’innombrables entités dépendantes, nourries, quémandeuses sont nées. Voilà la liberté tuée.

 

Vojtěch Svoboda