La finance au Luxembourg: vers un terrain de jeu assaini

skylineDeuxième article sur la présidence luxembourgeoise suite à notre voyage d’études à Luxembourg, le premier se trouve ici.

 

Le soft power de l’attractivité

L’attractivité de la place financière luxembourgeoise trouve notamment ses racines dans la Directive SICAV des années 1980, qui fait de l’administration de fonds l’Industrie phare du Luxembourg (3 600 mds € aujourd’hui). Cette Directive crée un passeport qui permet aux fonds de s’installer au Luxembourg, ouvrant la voie à la création d’un marché transfrontalier. Une expertise s’est ensuite construite autour de l’administration de fonds, avec laquelle peu de pays peuvent rivaliser. A cela s’ajoute deux autres activités: la Banque privée (300 mds d’avoir sous gestion) et l’Assurance, réassurance, assurance vie.

Le Luxembourg devient rapidement un Hub continental pour les banques européennes. En 1995, il compte 220 banques. Aujourd’hui, suite à la crise de 2008, il n’y en a plus « que » 143, mais dont les bilans ont globalement augmenté. Parmi les autres attraits pour les entreprises, il faut mentionner un cadre juridique très stable, la TVA la plus basse d’Europe ou la possibilité d’enregistrer des statuts d’entreprises directement en Anglais. En termes d’ouverture, le Luxembourg est le premier pays à accueillir une banque chinoise et joue aujourd’hui un rôle dans l’introduction du Yuan comme monnaie d’investissement. La plupart des fonds qui investissent en Chine d’ailleurs sont Luxembourgeois. Le pays s’intéresse depuis les années 1980 à la finance islamique qui impose justice, équité et transparence et se distingue des pratiques financières conventionnelles par une conception différente de la valeur du capital et du travail.

Les rescrits fiscaux et le Luxleaks

La publication en novembre 2014 de plusieurs articles relatifs à la négociation par l’administration fiscale luxembourgeoise de rescrits fiscaux (tax rulings) avec 340 multinationales permettant à ces dernières de bénéficier d’un taux d’imposition très faible, a placé le Grand-Duché sous le feu des critiques. En contre feu, l’adoption de la loi du 19 décembre 2014 a permis de donner une base légale à la pratique des rescrits fiscaux, tout en l’encadrant.

Les Rulings qui démontrent une volonté d’attractivité des entreprises, sont au cœur des critiques qu’essuie le Luxembourg. Or l’erreur, selon certains de nos interlocuteurs, a moins été le ruling en soi, que le fait de ne pas revoir leur contenu, qui datait. Entre 2014 et début 2015, le pays est en position de défense sur cette affaire. Aussi percevons-nous au cours de nos rendez-vous le besoin de mettre l’accent sur les mesures prises ces derniers mois: proximité d’un accord sur une assiette commune et progrès sur un code de conduite fiscal des entreprises. Mais pas question d’abandonner pour autant la spécificité nationale. Pour que le Luxembourg reste compétitif en finance, tous les Etats doivent respecter les mêmes règles. C’est pourquoi le Grand-Duché souhaite la mise en place d’un level playing field, un terrain de jeu commun, que les décisions du Conseil devraient favoriser, à travers la promotion de l’échange automatique d’informations.

En réalité, c’est bien la crise financière de 2008 qui a été le déclencheur de cette réflexion sur la transparence. Si les travaux de la précédente Commission ont visé principalement à rétablir la stabilité, la nouvelle mandature s’avère quant à elle tournée vers la croissance et l’investissement. C’est dans un tel cadre, assaini, qu’il apparait raisonnable de relancer la titrisation. A travers l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux, le marché intérieur, renforcé, doit pouvoir être le théâtre d’une ambitieuse stratégie d’investissement, amorcée avec le Plan Juncker.

Aymeric Bourdin