Voyage d’études à Dublin

1301-IrlandeL’Atelier Europe se rendra en voyage d’études à Dublin du 18 au 21 avril, à l’occasion de la Présidence irlandaise du Conseil de l’UE.

Ce déplacement s’inscrit dans la continuité d’une tournée des capitales européennes initiée lors de la présidence tchèque, et qui a perduré depuis, à StockholmMadridBruxelles,BudapestVarsovieCopenhague et Nicosie.


Ces voyages ont été l’occasion de rencontrer les gouvernements et acteurs institutionnels, et nous ont permis de mieux comprendre les priorités de chaque présidence, leur mise en œuvre et la carte mentale de l’Europe de nos partenaires.

Programme des rencontres :

Emmanuelle Michelin d’Achon
Ambassadrice auprès de la République d’Irlande

Brendan Halligan
Président du think tank IIEA (Institute of International and European Affairs)

Cabinet du Taoiseach (Premier Ministre)
Lorcan Fullam, directeur adjoint de cabinet, conseiller diplomatique affaires européennes
Gerald Angley, directeur de la communication politique de la Présidence

Dara Murphy
Député du Fine Gael

Michael McGrath
Directeur des affaires européennes et internationales, Ministère des finances

Declan Ganley
Président de Libertas

Un Allemand en Provence

Günter Verheugen de michaelthurm, sur FlickrGünther Verheugen, ancien commissaire européen aux Entreprises et ancien vice-président de la Commission européenne, donnait un discours, ce 26 mars 2013, à l’institut d’études politiques d’Aix en Provence, sur le thème de l’avenir de l’Europe. Son intervention mérite d’être relatée, à la fois convaincue et à la recherche de chemins radicalement nouveaux pour l’avenir de l’UE.

G. Verheugen incarne la première des générations de leaders allemands qui, sous la houlette de Schröder, ont pour la première fois depuis la 2ème Guerre mondiale, adopté une approche plus libre de l’Europe, défendant non seulement l’Allemagne en tant qu’acteur européen, mais aussi en tant qu’Etat ayant ses intérêt à défendre.

L’Union européenne, explique aujourd’hui M. Verheugen à l’issue de son expérience bruxelloise, est prise dans un dilemme : d’une part, il lui est nécessaire de mieux coordonner l’action de ses membres pour faire face à la crise économique, ce qui implique d’intégrer davantage certaines politiques ; d’autre part, il est devenu crucial d’agir autant que possible au niveau national, parce qu’à l’évidence c’est le seul niveau de légitimité démocratique vraiment accepté par les peuples, et que s’en écarter de trop, c’est courir le risque, plus du tout irréaliste, d’une sanction des votes extrêmes, dangereux pour l’Europe elle-même. Dans ces conditions, comment faire ?

Continuer la lecture de « Un Allemand en Provence »

Bepe (il embro) Grillo, le masque du vide

La crise politique en Italie a un caractère local très marqué. Depuis la fin de la partitocratie absolue à la suite de l’opération mani pulite, les Italiens n’ont jamais réussi à trouver le juste modus vivendi pour l’organisation de leur vie politique. En Italie, comme en France du reste, le contrat né des conditions brinquebalantes de l’Après-Guerre est mort mais nul substitut ne s’impose. La réforme institutionnelle partielle, en donnant par exemple une prime au vainqueur des élections à la Chambre, n’a stabilisé qu’à la marge le système politique qui semble aujourd’hui à nouveau paralysé. De fait, comme souvent, la solution politique ne se trouvera pas dans les arguties juridiques mais bel et bien dans la recherche d’un consensus, non seulement au sein des partis, mais surtout de la population.
Or, force est de constater que l’Italie connaît une crise morale forte, sur fond de corruption, de partis discrédités et de profondes césures dans le pays à l’image des relations jamais simples, malgré l’échec de la Lega Nord de Umberto Bossi, entre le Nord, prospère, et le Mezzogiorno moins industrieux. Par ailleurs, le cas Berlusconi est une énigme pour tous les partenaires de la Péninsule : comment ce vieux marlou qui a exercé le pouvoir à plusieurs reprises depuis 1994 et qui a laissé le pays exsangue voilà seulement 15 mois, peut-il encore séduire un électorat de centre droit qui disposait pourtant d’une alternative crédible, sérieuse oserait-on, en la personne de Mario Monti ? Quelle que soit la réponse, il faut bien constater que l’argument moral vaut non seulement pour le vieux capo mais aussi pour certains de ses électeurs.
Toutefois, ce serait une erreur de considérer que la crise est purement de nature italienne. Les commentateurs ont souligné le risque pour les économies de la zone euro mais, au-delà de la menace systémique, l’imbroglio italien nous renvoie à nos propres turpitudes. L’offre proposée aux Italiens était pathétique : un bouffon, un corrompu, un apparatchik et un technocrate. Certes, on objectera que le choix démocratique consiste bien souvent à exclure plutôt qu’à adhérer. Mais n’est-on pas précisément au bout de ce système, n’est-ce pas l’expression d’une profonde lassitude ?
Partout en Europe, Mariano Rajoy, Elio di Rupo, David Cameron, ou encore François Hollande en sont les expressions éclatantes ; on vote par dépit, pour sanctionner négativement. Or, dans une période de mutation comme la nôtre, les électeurs ont besoin de visibilité et les partis traditionnels ne sont pas parvenus à éclairer quoi que ce soit, tout occupés à leurs propres luttes de pouvoir intestines. Dans ce contexte, les formations contestataires récoltent une prime aussi stérile que trompeuse : ici la palabre gouleyante d’un Bepe Grillo, là la gouaille revêche un Jean-Luc Mélenchon. Le succès de ces plébéiens, ou prétendus tels puisqu’ils ont, souvent, en commun de jouir d’une fortune pour régaler les masses (tel Jörg Haider ou évidemment Bepe Grillo grâce aux subsides de la télévision publique) ou de se réfugier bien au chaud dans les institutions, tel Jean-Luc Mélenchon se faisant élire (indirectement) au Sénat dès l’âge minimal légal à l’époque, volontiers sophistes et démagogues, est l’expression du vide politique européen. La crise économique a bon dos, c’est aussi l’incapacité des leaders à dessiner une ligne d’horizon qui accentue le sentiment croissant de désœuvrement.
Gardons-nous donc de considérer la situation italienne comme spécifique. Les difficultés de Rome sont un révélateur de notre propre malaise. Le vote défouloir prospère sur la désespérance et l’Europe, cible commune des anti-système, est clairement menacée par cette évolution de l’expression électorale. Or, il n’est pas suffisant de fustiger l’irresponsabilité et les mensonges de ceux qui assènent sans proposer concrètement. Le chemin de la raison n’est pas celui du fatalisme. En dehors d’un seul bilan comptable sur la situation financière, privée et publique, en Europe, une ligne politique est possible. Elle implique de renverser la méthode traditionnelle, soit partir du national et de concilier les intérêts au niveau de l’Union. Cette approche, c’est celle qui a conduit Mario Monti à être considéré, dans une partie du centre droit ralliée à Silvio Berlusconi, comme le missi dominici d’Angela Merkel et non de l’intérêt national italien bien compris dans un ensemble européen intégré et assumé. La démarche est difficile mais l’objectif est clair : il faut, en amont, créer les conditions d’un consensus politique au niveau européen. Ceci est de la responsabilité des partis politiques, à commencer par leur organisation au sein et en dehors du Parlement européen, lesquels seront justement les premiers sacrifiés s’ils ne renouvellent pas leur offre. A problèmes européens, euro ou non puisque nul ne peut douter du niveau d’imbrication de nos économies, solutions européennes. La nature a horreur du vide, dit-on, aussi combien de Bepe Grillo, et pour quelles conséquences avant que le message lancé par les électeurs ne soit enfin compris ?
JC

Capture d’écran 2013-02-26 à 18.16.02

La crise politique en Italie a un caractère local très marqué. Depuis la fin de la partitocratie absolue à la suite de l’opération mani pulite, les Italiens n’ont jamais réussi à trouver le juste modus vivendi pour l’organisation de leur vie politique. En Italie, comme en France du reste, le contrat né des conditions brinquebalantes de l’Après-Guerre est mort mais nul substitut ne s’impose. La réforme institutionnelle partielle, en donnant par exemple une prime au vainqueur des élections à la Chambre, n’a stabilisé qu’à la marge le système politique qui semble aujourd’hui à nouveau paralysé. De fait, comme souvent, la solution politique ne se trouvera pas dans les arguties juridiques mais bel et bien dans la recherche d’un consensus, non seulement au sein des partis, mais surtout de la population.

Or, force est de constater que l’Italie connaît une crise morale forte, sur fond de corruption, de partis discrédités et de profondes césures dans le pays à l’image des relations jamais simples, malgré l’échec de la Lega Nord de Umberto Bossi, entre le Nord, prospère, et le Mezzogiorno moins industrieux. Par ailleurs, le cas Berlusconi est une énigme pour tous les partenaires de la Péninsule : comment ce vieux marlou qui a exercé le pouvoir à plusieurs reprises depuis 1994 et qui a laissé le pays exsangue voilà seulement 15 mois, peut-il encore séduire un électorat de centre droit qui disposait pourtant d’une alternative crédible, sérieuse oserait-on, en la personne de Mario Monti ? Quelle que soit la réponse, il faut bien constater que l’argument moral vaut non seulement pour le vieux capo mais aussi pour certains de ses électeurs.

Toutefois, ce serait une erreur de considérer que la crise est purement de nature italienne. Les commentateurs ont souligné le risque pour les économies de la zone euro mais, au-delà de la menace systémique, l’imbroglio italien nous renvoie à nos propres turpitudes. L’offre proposée aux Italiens était pathétique : un bouffon, un corrompu, un apparatchik et un technocrate. Certes, on objectera que le choix démocratique consiste bien souvent à exclure plutôt qu’à adhérer. Mais n’est-on pas précisément au bout de ce système, n’est-ce pas l’expression d’une profonde lassitude ?

Partout en Europe, Mariano Rajoy, Elio di Rupo, David Cameron, ou encore François Hollande en sont les expressions éclatantes ; on vote par dépit, pour sanctionner négativement. Or, dans une période de mutation comme la nôtre, les électeurs ont besoin de visibilité et les partis traditionnels ne sont pas parvenus à éclairer quoi que ce soit, tout occupés à leurs propres luttes de pouvoir intestines. Dans ce contexte, les formations contestataires récoltent une prime aussi stérile que trompeuse : ici la palabre gouleyante d’un Bepe Grillo, là la gouaille revêche un Jean-Luc Mélenchon. Le succès de ces plébéiens, ou prétendus tels puisqu’ils ont, souvent, en commun de jouir d’une fortune pour régaler les masses (tel Jörg Haider ou évidemment Bepe Grillo grâce aux subsides de la télévision publique) ou de se réfugier bien au chaud dans les institutions, tel Jean-Luc Mélenchon se faisant élire (indirectement) au Sénat dès l’âge minimal légal à l’époque, volontiers sophistes et démagogues, est l’expression du vide politique européen. La crise économique a bon dos, c’est aussi l’incapacité des leaders à dessiner une ligne d’horizon qui accentue le sentiment croissant de désœuvrement.

Gardons-nous donc de considérer la situation italienne comme spécifique. Les difficultés de Rome sont un révélateur de notre propre malaise. Le vote défouloir prospère sur la désespérance et l’Europe, cible commune des anti-système, est clairement menacée par cette évolution de l’expression électorale. Or, il n’est pas suffisant de fustiger l’irresponsabilité et les mensonges de ceux qui assènent sans proposer concrètement. Le chemin de la raison n’est pas celui du fatalisme. En dehors d’un seul bilan comptable sur la situation financière, privée et publique, en Europe, une ligne politique est possible. Elle implique de renverser la méthode traditionnelle, soit partir du national et de concilier les intérêts au niveau de l’Union. Cette approche, c’est celle qui a conduit Mario Monti à être considéré, dans une partie du centre droit ralliée à Silvio Berlusconi, comme le missi dominici d’Angela Merkel et non de l’intérêt national italien bien compris dans un ensemble européen intégré et assumé. La démarche est difficile mais l’objectif est clair : il faut, en amont, créer les conditions d’un consensus politique au niveau européen. Ceci est de la responsabilité des partis politiques, à commencer par leur organisation au sein et en dehors du Parlement européen, lesquels seront justement les premiers sacrifiés s’ils ne renouvellent pas leur offre. A problèmes européens, euro ou non puisque nul ne peut douter du niveau d’imbrication de nos économies, solutions européennes. La nature a horreur du vide, dit-on, aussi combien de Bepe Grillo, et pour quelles conséquences avant que le message lancé par les électeurs ne soit enfin compris ?

JC

Faut-il être fédéraliste ? Ce qu’il nous faut, ce sont des projets !

Robert Schuman

Ambitionner une Europe fédérale présente des aspects séduisants : un côté radical qui séduit, un but clair, des perspectives aptes à mobiliser. Mais avouons qu’en dehors des cercles pro-européens, cette voix ne se fait plus guère entendre. Nous avons vu pourquoi.

Dans le billet précédent sont apparus les inconvénients d’une Europe fédérale, et l’idée qu’un projet constitutionnel général qui créerait les « États-Unis d’Europe » était de toute façon hors de portée. Si l’Europe peut être fédérale, c’est par secteurs, comme pour la politique douanière, l’euro, la politique de concurrence ; demain le contrôle bancaire et, rêvons un peu, la fiscalité.

Les États-Unis, eux-mêmes, qui partaient pourtant en 1787 d’une feuille blanche et d’un pays presque vide, avaient rédigé leur constitution sur un mode seulement confédéral. Le pays n’est devenu fédéral qu’après la guerre de Sécession. Le fédéralisme est une entreprise de longue haleine.

En attendant, en 2012, nous voulons une UE forte et qui progresse. Mais si la voie fédérale globale n’est pas la bonne, comment avancer ?

L’Europe progresse traditionnellement dans trois types de configurations : lorsque l’impulsion vient de grands leaders (cas traditionnel du couple franco-allemand) ; lorsque les crises l’obligent à réagir (cas de la crise grecque et de la gouvernance économique), ou lorsqu’on s’en remet à la méthode des « petits pas », chère à Jean Monnet et que porte en principe la Commission européenne.

Or depuis 4 ans, nous avons une crise, de moyens leaders et de petits pas. La Commission partage aujourd’hui son rôle d’impulsion avec le Conseil européen et le Parlement, qui dispose pourtant de 732 députés et de moyens juridiques renforcés depuis 2010, expérimente même une « marginalisation croissante » (Philippe Ricard, Le Monde). L’absentéisme y est élevé.

En réalité, l’UE est plus difficile à appréhender qu’autrefois, ne serait-ce qu’en raison de la construction européenne elle-même, qui a étendu les secteurs d’intervention et accru la complexité du système. Il est devenu difficile de proposer une vision globale et entraînante.

Dans ce contexte, pour que les projets aboutissent, il faut bien sûr qu’ils soient valables, mais aussi que les institutions permettent aux acteurs les plus dynamiques de s’exprimer.

Examinons quelques réussites récentes : le brevet européen s’est appuyé sur une coopération renforcée limitée à certains États ; les nouvelles règles budgétaires furent largement dictées par la chancelière allemande ; l’accord sur l’union bancaire provient d’une dure négociation entre les États ; la reconstruction des Balkans (où l’Europe fait un travail remarquable) résulte, plus classiquement, d’un travail persévérant réalisé depuis plus de dix ans sur le terrain ; l’Europe de la défense, certes stoppée pour le moment, avait progressé du fait d’une vraie entente franco-britannique ; le paquet énergie-climat de 2008 s’était appuyé sur une présidence française dynamique.

Dans tous les cas, le succès vient de l’énergie dégagée par quelques acteurs. Aussi, il est important de profiter des tensions pour aller jusqu’au bout des débats, et pour avancer. Pour cela, les institutions doivent valoriser les expériences réussies et les pays qui souhaitent aller de l’avant. Certes, le monopole de l’initiative par la Commission en est quelque peu écorné ; mais si c’est pour permettre à des groupes d’Etats de mettre leur énergie au service de l’Europe, cela doit être encouragé. Certes, le résultat s’obtient parfois sous la contrainte que certains imposent aux autres, mais au total les débats sont suffisamment publics pour conserver une légitimité collective. Si la Commission veut reprendre son ancien rôle d’impulsion, elle devra pouvoir faire du Collège un lieu aussi médiatisé et ouvert à ces dynamiques que l’est actuellement le Conseil européen.

Naturellement, il faut aussi surveiller que l’équilibre entre l’avancement des projets et l’unité de l’Union reste satisfaisant. Toute avancée n’est pas souhaitable, et un équilibre doit être trouvé pour préserver la cohésion de l’UE. Mais valoriser le travail, accepter des vitesses différenciées, mettre en valeur le débat s’il est riche des apports de ceux qui ont déjà réussi : voici un embryon de méthode pour l’Europe.

 

Pierre Vive

 

Voir aussi: 
1) Faut-il être fédéraliste ?
2) Faut-il être fédéraliste ? Mais de quoi parle-t-on au juste ?
3) Faut-il être fédéraliste ? Attention à l’effet boomerang !