Arnaud Montebourg a dit « les délocalisations détruisent des emplois en France et en Europe », c’est FAUX!

UsineDans un entretien récent avec Alain Minc, le héraut de la démondialisation, Arnaud Montebourg déclarait "la direction générale du Trésor a estimé que 740.000 emplois ont été perdus en dix ans à cause des délocalisations. De son côté; l’économiste Patrick Artus chiffre à 8% l’emploi industriel européen détruit depuis 1995". Ce que dit Arnaud Montebourg est imprécis et faux.

La Direction Générale du Trésor (DGTPE) a en effet publié en 2010 une étude sur le phénomène de désindustrialisation, et la baisse de l’emploi industriel en France (qui passe de 5,3 à 3,4 millions de salariés entre 1980 et 2007 (La désindustrialisation en France, Document de travail de la DGTPE, 2010, Lilas Demmou). Mais elle n’attribue nullement cette évolution aux délocalisations! Suivant le Trésor, trois facteurs explicatifs prédominent: l’externalisation de certains processus (comptabilité par exemple) qui ont pour effet de les affecter au secteur des services; les gains de productivité (on produit plus avec moins d’emploi) et, dans une proportion minoritaire, la concurrence internationale, qui ne doit pas être confondue avec les délocalisations (on achète Mazda et non plus Renault, mais cela ne signifie pas que Renault a quitté la France, simplement que sa compétitivité relative a diminué). Les chiffres d’Artus sont ainsi exacts mais Arnaud Montebourg établit un lien de causalité qui n’a pas lieu d’être.

En revanche, les études qui portent précisément sur les délocalisations concluent à un impact bien moindre, au maximum d’une dizaine de milliers d’emplois par an (Désindustrialisation, Délocalisations, Conseil d’Analyse Economique, Fontagné, Lorenzi, 2005 ).

Arnaud Montebourg agite donc à dessein le spectre des délocalisations, phénomène marginal, dont l’interdiction aurait pour seul effet de faire fuir les investissements du territoire français. Il entretient les peurs des électeurs en invoquant des références tronquées. Il fait appel aux vieilles ficelles de la désinformation, et ce au seul soutien de sa thèse, aussi fumeuse que politiquement lucrative, de la "démondialisation".

 

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Julien Rochedy (Front National) a dit « 70 % des lois qui s’appliquent en France sont des directives européennes », c’est FAUX!

600px-Assemblée_nationale_française_(Detail)Il n'y a pas que les seniors qui ont des idées de dinosaures. Le jeune Julien Rochedy nous dit  que "Près de 70 % des lois qui s’appliquent en France sont des directives européennes qui sont réadaptées. Ce sont les lois les plus importantes et elles sont votées à 93 % là bas. C’est de la poudre aux yeux démocratique"

C’est un cliché rebattu, mais parfaitement faux :

Tout d’abord, la proportion des textes législatifs d'origine communautaire est quasiment impossible à déterminer aussi précisément à l'échelle du continent. Néanmoins, deux études approfondies (de la Fondation Terra Nova et du Parlement européen) indiquent que ces chiffres sont en réalité probablement très inférieurs. Le journaliste Jean Quatremer s'est livré à un exercice de comptage pour l'année 2007 (résultats détaillés dans l'ouvrage "Notre Europe", publié en 2009) et a trouvé que sur les 36 lois promulguées cette année là, seulement 9 (soit 25%) transposaient des directives… On se demande donc sur quelle base le président des jeunes du FN se prononce.

Par ailleurs, et quand bien même ce chiffre eût été valable, J. Rochedy professe une deuxième inexactitude: ces textes européens ne seraient pas démocratiques. Or à l'image de nombreux Etats comme l'Allemagne ou les Etats-Unis, le système "parlementaire" communautaire adoptant ces textes se caractérise par un bicaméralisme démocratique. D'un côté, le Conseil représente les gouvernements élus démocratiquement par chaque peuple, de l'autre, le Parlement européen voit ses députés élus au scrutin proportionnel direct. Le fait que le Front National soit représenté au Parlement européen et non au Parlement français suffit à montrer l'inanité de cette critique largement répandue.

Enfin, quand  Julien Rochedy affirme que les lois les plus importantes sont votées à Bruxelles à 93%, il s'agit au plus d'un sentiment, mais pas de la réalité. En France, les lois (dans une acception générale du terme) les plus importantes sont la Constitution et les lois à valeur constitutionnelle, or celles-ci sont du ressort exclusif du peuple français, qui peut décider demain de quitter l'Union européenne, et de mettre fin sa participation à tout traité signé avec d'autres Etats.

Désirs d’Europe à l’Est

Filat&FüleDans l'Union Européenne, qui doit gérer actuellement la crise de la zone euro, l'heure n'est pas aux projets d'élargissement; après avoir voté le plan d'aide à la Grèce, les pays européens doivent se concentrer sur la réforme de leurs finances publiques et rebâtir, une fois de plus, leur solidarité sur la base d'une gouvernance économique commune renforcée.

Néanmoins, à la veille du voyage d'études de l'Atelier Europe en Pologne, nous avons décidé de tourner notre regard vers Varsovie, qui a accueilli les 29 et 30 septembre le sommet du Partenariat Oriental. Créé deux ans auparavant dans le cadre de la politique européenne de voisinage, ce projet cher à la Pologne traverse une période de stagnation. D'un côté, Moscou regarde les pays couverts par le Partenariat comme relevant de sa zone d'influence exclusive; par ailleurs, les pays européens qui soutiennent un voisinage privilégié avec la Méditerranée (parmi lesquels la France), boudent le projet.

En même temps, au sein du Partenariat Oriental, les pays qui pourraient être prochainement dans la même situation que la Croatie (qui a reçu l'aval de la Commission pour une adhésion en 2013) ne sont pas nombreux. Les tendances autoritaires qui s'y développent montrent leur fascination pour le modèle post-soviétique russe, plutôt que pour l'UE, qui reproche à la Biélorussie la répression des opposants et, à l'Ukraine, le procès contre Ioulia Timochenko.

Seule exception au tableau, la Moldavie est le seul pays à avoir actuellement un gouvernement ouvertement pro-européen, formé depuis juillet 2009 par les quatre partis non-communistes de l'Alliance pour l'Intégration Européenne. Pour l'heure "meilleur élève de la classe", ce pays de moins de 4 millions d'habitants est néanmoins hanté par le conflit gelé de Transnistrie et par la corruption généralisée, qui fait que l'économie souterraine est évaluée à près de 40% du PIB, et que, malgré une forte croissance économique (environ 8%), il reste un des pays les plus pauvres d'Europe.

Sans être directement impliquée dans le règlement du conflit en Transnistrie, l'OTAN considère, au même titre que l'OSCE, que la Fédération Russe doit respecter les engagements pris à Istanbul portant sur le retrait des forces et équipements militaires russes de la région transnistrienne.

Durant l'époque soviétique, la Transnistrie a concentré la plupart des investissements faits en Moldavie; 80% des industries et une centrale hydroélectrique se trouvent actuellement sur son territoire. La province est alimentée pratiquement gratuitement en gaz par la Russie, le chauffage y étant moins cher qu'en Moldavie, où les tarifs sont très élevés, conséquence de la dépendance énergétique du pays envers le producteur russe Gazprom. De même, les retraites en Transnistrie sont payées uniquement grâces aux fonds provenant de Moscou. Ce poids financier que représente la province pourrait déterminer la Russie à s'ouvrir pour trouver une issue au conflit.

Cependant, alors que la Moldavie a toujours insisté pour la reprise des négociations dans le format 5+2 (les deux parties, l'Ukraine, la Russie et l'OSCE en tant que médiateurs et l'UE et les États-Unis en tant qu'observateurs) la Russie souhaite éviter ce format, où, selon le directeur du Ukrainian Institute for Foreign Policy Studies, elle ne se trouve pas en position de force, mais se voit obligée de traiter sur une position d'égalité avec les autres parties.

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Le Front National a dit « les pays européens qui ne sont pas entrés dans l’euro affichent des performances supérieures », c’est FAUX!

Dans un document récemment publié, le Front National indique que "les pays européens qui ne sont pas entrés dans l’euro affichent des performances supérieures aux pays de la zone euro depuis dix ans : croissance moyenne de 2,5% par an contre 1,3% pour les pays européens de la zone euro, chômage à 5,4% contre 8,6% chez nous, et déficit de 1,5% du PIB contre 2,6% en moyenne dans la zone euro (données Eurostat)."

Ces chiffres sont faux !

Il suffit de se rendre sur le site d'Eurostat pour constater que la croissance moyenne des pays de la zone euro entre 1999 et 2009 s'est établie à 1,5%, contre 1,7 % en moyenne pour ceux qui sont restés en dehors à ce moment là (Royaume-Uni, Suède, Danemark), soit un écart bien plus faible, et qui surtout ne prend pas en compte le fait que deux de ces trois pays (Suède, Danemark) sont des pays scandinaves dont le succès tient bien plus à un modèle particulier qu'à toute dimension monétaire. 

L’anachronisme anglais

La récente décision du Premier ministre britannique, David Cameron, de s’adresser aux dirigeants de la zone Euro sous la forme d’une missive cosignée par d’autres leaders non européens, n’étonnera guère les familiers de Westminster. Déjà, en 1948, Churchill souhaitait la formation des États-Unis d’Europe, étant (sous) entendu, of course, que le Royaume-Uni ne faisait pas partie de ladite Europe.

Nous avons déjà regretté la difficulté des Britanniques, à l’image des Français avec le gaullisme, à surmonter leur histoire récente pour adapter enfin leur choix stratégiques aux défis que présentent le siècle. L’Empire n’est plus et la Guerre froide, quels que soient les efforts de Monsieur Poutine pour en perpétuer l’esprit, est désormais une ombre dans la mémoire européenne.

La zone Euro a sans doute des difficultés qui lui sont propres, soit l’incapacité à organiser durablement sa gouvernance, mais elle n’a pas le monopole de la crise. Tous les grands blocs industrialisés sont aujourd’hui englués dans une crise, osons le mot, systémique; le Japon a ouvert le bal voilà deux décennies, les États-Unis et l’UE l’ont rejoint aujourd’hui. Ces ensembles sont a minima à la fin d’un cycle économique et plus probablement au terme d’un modèle économique fondé sur des relations commerciales mondiales, à commencer par le rapport Nord/Sud, d’une toute autre nature. L’extension du domaine de la lutte, en quelque sorte, exerce une pression concurrentielle inédite sur des économies autrefois évoluant dans un rapport beaucoup plus fermé entre acteurs essentiellement du même niveau de développement (sauf secteurs particuliers).

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