L’UE, l’OTAN, la Défense européenne

Alors
que l'OTAN fête ses 60 ans, quels sont les liens de cette organisation
avec l'Union européenne ? Doit-elle constituer la politique de défense
européenne ?

Monsieur le Député européen Jacques Toubon nous répond.


La
coopération européenne a commencé par les questions de défense. Bien
avant la signature du traité de Rome, l'Europe envisage de mettre en
place une politique de défense commune. Mais après l'échec de la
Communauté européenne de défense (CED) en 1954, la communauté abandonne
toute ambition dans le domaine de la défense et de la sécurité. En
effet, dans le cadre de l'affrontement Est-Ouest, la majorité des Etats
de l'Europe occidentale préfère se replier sous la protection
américaine qu'offre l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord
(OTAN).

Il faut attendre la signature du Traité de Maastricht
pour voir instituée la politique étrangère et de sécurité commune
(PESC), constituant ainsi le deuxième pilier de l'Union européenne. En
juin 1996, à Berlin, les ministres des affaires étrangères des pays de
l'OTAN reconnaissent la pertinence d’une Identité européenne de
sécurité et de défense (IESD) mais c'est véritablement le sommet
franco-britannique de Saint-Malo (1998), lors duquel la Grande-Bretagne
décide de soutenir l'acquisition par l'UE d'une capacité militaire
autonome, qui constitue une étape décisive pour la politique de défense
commune. La décision de mise en œuvre d'une Politique européenne de
sécurité et de défense (PESD) indépendante, sur laquelle doit pouvoir
s'appuyer la PESC, est prise au Conseil européen de Cologne (1999). Par
la suite, les Conseils européens d’Helsinki (décembre 1999), de Santa
Maria da Feira (juin 2000) et de Nice (décembre 2000) entérinent le
renforcement des capacités autonomes européennes, notamment par la
création de structures politiques et militaires totalement
indépendantes de l'OTAN.

Il se pose toujours, néanmoins, la
question du partenariat de l'UE avec l'OTAN. Dés l’origine pourtant,
cette relation est grevée de réticences et de craintes de chevauchement
et de divergence entre les deux institutions . Après plusieurs années
de négociations et de blocages, notamment en raison du refus des
Etats-Unis de voir l'Europe créer sa propre infrastructure de
planification, l'UE conclut en décembre 2002 un "partenariat
stratégique dans la gestion des crises" avec l'OTAN. Les accords dits
"Berlin Plus", adoptés en mars 2003, donnent à l'UE un accès aux moyens
logistiques de l'OTAN pour des opérations dirigées par l'Union, sans
que l'action de l'OTAN dans son ensemble ne soit engagée. C'est dans ce
cadre que l'Union européenne a mené, en mars 2003, sa première
opération militaire de gestion de crise en Macédoine (opération
Concordia) avec les moyens et les capacités de l'OTAN.

L'UE doit
cependant continuer de développer une politique de défense proprement
européenne. Nicolas Sarkozy l'a récemment souligné : "L’Europe doit
s’affirmer comme elle l’a fait l’été dernier dans la crise géorgienne.
[…] Les Européens doivent pouvoir agir par eux-mêmes si c’est
nécessaire, et avec leurs alliés s’ils le décident." Au Conseil
européen de Bruxelles en décembre 2008, les chefs d'Etat ont ainsi
témoigné de leur volonté de renforcer le partenariat avec l'OTAN, mais
également fixé des objectifs précis pour que, dans les années à venir,
l'UE soit en mesure de mener à bien une série de missions civiles et
d'opérations militaires en dehors de son territoire. L'Europe devrait
être effectivement capable, dans les années à venir, de déployer de 60
000 hommes en 60 jours pour une opération majeure. L'objectif de l'UE
n'est pas pour l'instant de créer une armée européenne, mais simplement
de mettre en commun des forces pour mener des opérations militaires
dans le cadre intergouvernemental de la PESD, sans dépendre des
décisions d'autres institutions, et en particulier de l'Alliance
atlantique.

Ainsi, si l'Union européenne tient à développer sa
propre politique de défense, elle ne saurait pour autant remettre en
cause son partenariat stratégique avec l'OTAN. Délaisser l'OTAN serait
oublier que l'Alliance atlantique constitue toujours le socle de la
sécurité européenne. Ce serait oublier que 21 des 27 nations membres de
l’UE sont membres de l’Alliance. Ce serait oublier que le traité de
Lisbonne lui-même établit un lien entre la défense européenne et
l’Alliance atlantique, et que s'il entre en vigueur, c’est dans
l’Alliance que s’exercera la défense collective des alliés. L’Europe de
la défense n'est pas une alternative à l’Alliance avec les Etats-Unis,
mais bien une action complémentaire à cette alliance. Ainsi le Conseil
européen de Bruxelles (2008) a-t-il récemment rappelé son attachement
au partenariat transatlantique et la nécessité de le renforcer. Le
renforcement de la capacité de défense européenne et
l'approfondissement de la coopération avec l'OTAN seront profitables
aux deux organisations, dont le partenariat est le meilleur garant tant
de la sécurité et de la stabilité en Europe que du respect des
principes de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'Etat de
droit. La France a récemment réaffirmé son engagement transatlantique
en réintégrant le commandement intégré de l'OTAN. Paris aura ainsi plus
d'influence pour construire la défense européenne, plutôt que de donner
le sentiment de jouer l'Europe contre l'OTAN et Washington. La France
renforce donc et l'OTAN et l'Europe de la défense !



L'Atelier Europe remercie chaleureusement Monsieur le Député européen pour sa participation aux Lundis de l'Europe.