A Prague se prépare une Présidence « trait-d’union » pour l’Union européenne  

A partir du 1er juillet, la République tchèque assurera la présidence du Conseil de l’UE.

Prenant la suite de la France, ce sera au tour de ce pays d’Europe centrale d’accueillir les réunions et de tenir l’ordre du jour des conseils des ministres de l’Union européennes jusque fin 2022.

Ce sera la deuxième fois que Prague assure la présidence du Conseil de l’UE. En 2009 déjà, cinq ans après son accession à l’UE, le pays avait joué le rôle de chairman des réunions du Conseil des Ministres européens. A l’époque, les citoyens tchèques s’étaient impliqués dans les débats politiques que cela avait suscité. Aujourd’hui, il semble que les six mois à venir se traduisent majoritairement par des activités diplomatiques, sans que la population vive cette mise en avant de leur pays avec enthousiasme.

Pour autant, la présidence est attendue avec intérêt par la sphère intellectuelle et médiatique car elle est toujours une occasion de retrouver le sens de l’appartenance du pays au « club » européen. Par ailleurs, depuis le Brexit, la République tchèque cherche de nouveaux partenaires en Europe de l’Ouest. Nul doute que le passage de relai avec la France soit l’occasion de poser les jalons de liens plus durables. A quelques semaines du passage de relai, les principales priorités attendues sont notamment et sans surprise la Refondation de l’Ukraine, la sécurité énergétique, les Balkans occidentaux, la Boussole stratégique, la cybersécurité avec notamment l’identification électronique.

Un contexte international particulier

Avec l’attaque russe sur l’Ukraine le 24 février, la série d’événements inattendus ont nécessité de mettre à jour le programme du trio de présidences et notamment les règles du Plan de relance.

En effet, la guerre en Ukraine a réorienté les préoccupations européennes, qui se sont tournées vers la gestion de crise et la reconstruction à venir. En République tchèque, 300 000 réfugiés ukrainiens, dont la majorité de femmes et d’enfants sont arrivés depuis le mois de février. Un défi pour le pays, qui n’est pas habitué à la gestion de flux migratoires sur son sol. Prague doit en effet organiser logement et scolarisation, tout en ayant perdu une main d’œuvre ukrainienne précieuse, les hommes ayant quitté le pays pour rejoindre les rangs de l’armée de Kiev.

Au-delà de son cas particulier, la République tchèque devra donc animer les travaux européens sur le sujet, avec notamment comme ambition d’arriver à une position commune envers la Russie et l’Ukraine.

Des enjeux multiples à moyen et long terme

Si le trio de présidences Française, Tchèque et Suédoise s’est donné pour objectif de faire avancer de nombreux dossiers visant à promouvoir les intérêts et valeurs de l’Europe dans le monde, il va sans doute falloir adapter ce programme d’un an et demi à la donne géopolitique actuelle.  L’objectif initial d’organiser une politique industrielle ambitieuse pour l’avenir afin de réduire les vulnérabilités dues aux dépendances stratégiques de l’Union vis-à-vis de pays tiers va devoir intégrer les enjeux très concrets de la perturbation des chaines de valeur internationales par le COVID 19 et la guerre en Ukraine. Pour autant, le projet de rendre l’industrie européenne plus durable, plus verte, plus compétitive au niveau mondial et plus résiliente à moyen et long terme sera sans doute appuyé par la nécessité de transformer les infrastructures existantes, notamment en matière d’accès à l’énergie.

Des priorités ajustées

C’est le propre des présidences tournantes de devoir composer entre un programme de long terme élaboré sur un an et demi et la prise en compte d’impératifs conjoncturels. Ainsi la présidence française de 2008 avait-elle dû faire face à la crise financière et à la crise géorgienne. Celle de 2022 a dû gérer les conséquences de la crise du COVID et la guerre en Ukraine, tout en déroulant un agenda législatif et réglementaire dense.

Marché unique numérique, Mesures Energie et climat, Boussole stratégique… Les avancées majeures négociées avec le Parlement Européen et la Commission ne manquent pas.

Pour la République Tchèque la présidence portugaise de 2021 semble être le niveau d’exigence à atteindre. Consciente que le leadership en Europe reste malgré tout Franco-Allemand mais tout en ayant besoin de fluidité, Prague se positionne comme facilitateur pour faire le lien entre Paris et Berlin à un moment où des enjeux concrets comme la sécurité énergétique mise à mal par le conflit en Ukraine préoccupent à des titres divers les Vingt-sept.

Aymeric Bourdin

Le Portugal, en charge de la présidence du conseil de l’UE jusqu’au 1er juillet

par Aymeric Bourdin, Alexis de Chaisemartin, Ophélie Derlon , Rolland Mougenot, Pierre-Emmanuel Saint Esprit, Isa Schulz et Victor de Vilmorin

Le Portugal, une géographie qui oriente son développement vers l’Atlantique

Situé à l’extrême Sud-Ouest de l’Europe, le Portugal est l’un des pays les plus isolés géographiquement d’Europe ayant comme voisin unique l’Espagne avec qui ils partagent la péninsule Ibérique. Avec moins de 100 000 km², le Portugal est doté de ressources naturelles limitées

Un double orientation géopolitique façonnée par l’histoire

Historiquement, le Portugal a toujours refusé de se rapprocher de l’Espagne et donc indirectement de l’Europe. La géopolitique du Portugal s’est donc faite par la mer. Le Portugal rejoint l’OTAN en 1949 et possède des relations très fortes avec ses anciennes colonies notamment l’Angola, le Brésil et le Mozambique. Cependant, depuis la fin de la dictature en 1974 et de la décolonisation, le pays a complétement changé de perspectives géopolitiques et s’est rapproché naturellement de l’Europe.

Le développement Européen au service du développement économique

En 1986, le Portugal qui intègre la CEE est un pays pauvre, dévasté par la dictature. Moderniser le pays est alors une nécessité. L’intégration Européenne est un levier de croissance formidable et le pays s’enrichit rapidement.

Le Portugal est une république fondée sur une démocratie parlementaire

La Constitution établie un régime dit « semi-présidentiel ».Le président est le chef de l’État et le commandant en chef de l’armée. Il est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans. Après une élection générale, le chef du parti ou de la coalition majoritaire est généralement nommé Premier ministre par le président, pour un mandat de quatre ans. Le pouvoir législatif au Portugal est monocaméral. Le parlement, appelé Assemblée de la République, compte 230 sièges. Ses membres sont élus au suffrage universel pour un mandat de quatre ans.

Contexte politique actuel

En octobre 2019, le peuple portugais a voté aux élections générales, qui ont vu la confirmation du Parti socialiste du Premier ministre en exercice Antonio Costa comme la principale entité politique du pays avec 36% des voix (obtenant un total de 108 sièges, 22 de plus que lors des élections précédentes), suivi du Parti social-démocrate (79 sièges) et du Bloc de gauche (19 sièges). 

Intégration du Portugal dans l’économie européenne

Le Portugal est devenu membre de la Communauté européenne en 1986. Le pays a rejoint l’Union Economique et Monétaire en 1999 et a commencé à faire circuler l’euro dès sa création le 1er janvier 2002. Aujourd’hui, la grande majorité du commerce international se fait au sein de l’Union Européenne (UE), en particulier avec l’Espagne (30% des importations de produits 2018, 23% des exportations de produits), l’Allemagne (13%, 12%) et la France (7%, 13%).

2008-2014 : La grande crise financière

À la suite de l’effondrement et de la nationalisation de la Banco Português de Negócios (BPN) en 2008, de la faillite et de la dissolution de la « Banco Privado Português » (BPP) en 2010 et du dérapage budgétaire avec les Partenariats Public-Privé de 2008 à 2010, le Portugal était au bord de la faillite. Pour l’éviter, le Portugal a reçu un renflouement de 78 milliards d’euros du FMI et de l’Union Européenne en avril 2011.

Au terme du paquet de soutien voté en mai 2014, le gouvernement portugais a réaffirmé son engagement à poursuivre sa réforme économique. Depuis lors, l’économie s’est redressée avec des taux de croissance annuels du PIB réel supérieurs à la moyenne de l’UE, alimentés par le tourisme et les exportations.

2020 : La crise du covid

La dépendance du Portugal au tourisme l’a rendu particulièrement vulnérable à l’impact économique du coronavirus. Comptant pour 15% du PIB et 9% de l’emploi, le secteur s’attend à perdre 60 000 emplois cette année.

Perspectives

Le Portugal devrait recevoir 13 milliards d’euros de subventions du fonds de relance de l’UE (6% du PIB 2019) d’ici 2026. Toutefois, il n’exploitera pas sa composante « prêt » pour éviter d’augmenter davantage la dette publique. La banque centrale portugaise prévoit un rebond en 2021 à 3,9% de croissance et s’attend à ce que l’économie retrouve progressivement son niveau d’avant la pandémie d’ici 2023.

Le système éducatif portugais

Contrairement à une partie de leurs aînés qui quittaient l’école jeune pour s’engager comme ouvrier agricole ou industriel, au Portugal ou en France par exemple, les enfants et adolescents portugais d’aujourd’hui doivent obligatoirement suivre un cursus scolaire de 6 à 18 ans (suite à une réforme de 2009). Les résultats du Portugal dans les classements PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) successifs sont encourageants et méritent d’être soulignés.

Un enseignement post-secondaire diversifié, proposant, outre les cursus universitaires, un parcours pour former les futurs cadres ainsi que des parcours distanciels. Une nouvelle offre de formation professionnalisante a été mise en place il y a quelques années, il s’agit des Cours de spécialisation technologique « Cursos de Especialização Tecnológica » (CET). C’est la réponse apportée aux besoins croissants du tissu socio-économique portugais en matière de cadres intermédiaires.

Le levier européen en recherche et innovation

Le Portugal investit 1,3% de son PIB en Recherche & Innovation (R&I), contre 2,1% en moyenne dans l’U.E, le plaçant en 14ème place dans l’Union. 31% de sa main d’œuvre travaille dans un emploi « intense en savoir », légèrement moins que la moyenne de l’UE (36%). Le Portugal est également 11ème sur 28 en nombre de chercheurs par habitant.

Dans ce contexte, les 3,4 milliards d’euros reçus via Horizon 2020 (1 milliard) et les fonds structurels (2,3 milliards) représentent à la fois un apport substantiel à l’effort en recherche et innovation et un vecteur d’accélération des coopérations scientifiques et privées avec des organisations d’autres pays membres à la pointe de leur domaine.

Aperçu global de l’Innovation au Portugal depuis 2015

Il y a une baisse régulière du nombre de startups créées entre 2015 et 2020, à cause des barrières d’entrée sur le marché, des tendances de recrutement en entreprise et du COVID-19. Lisbonne (67,02%), Porto (7,45%) et Braga (7,27%) sont les principaux pôles d’innovation, Lisbonne comptant plus de 20 établissements d’enseignement supérieur tandis que Porto en compte plus de 15. Les 3 principales industries ayant le plus grand nombre de startups sont le e-commerce et les achats (15,20%), les technologies de l’information et les logiciels (12,31%) ainsi que les applications et mobiles (9,12%). Le nombre de nouvelles entreprises dans les TIC ayant presque doublé au cours des 10 dernières années montre l’engouement du pays pour sa transformation digitale.

Financement de l’innovation au Portugal 

En 2018, 40.6% des financements en R&D provenaient du Gouvernement. Les startups ont levé plus de 2 milliards de dollars entre 2015 et 2020. La majorité de ce financement provenait de sources externes (92%). Même si la pandémie a eu un impact négatif sur plusieurs industries, les startups du secteur des logiciels d’entreprise, du marketing et de la publicité ont connu une augmentation de financement. Le gouvernement a produit un nouvel ensemble de mesures de secours économique d’un montant de 25 millions d’euros afin de soutenir l’Innovation face à la crise de Covid-19.

Faire avancer l’Europe : nœud gordien ou ruban de Möbius ?

par Aymeric Bourdin. Article paru initialement sur eu-policies.com

Blocage sur le budget et le plan de relance, blocage des négociations post-Brexit, retard de la conférence sur l’avenir de l’Europe… l’horizon européen semble bien bas en cette fin d’année 2020.

Même si point la perspective d’une sortie de crise sanitaire avec l’imminence d’un vaccin, on est en droit de se demander si le programme ambitieux de l’Europe évoqué dans le discours sur l’état de l’Union par Madame von der Leyen est encore tenable.

Au même moment, le 19e Comité central du Parti communiste chinois vient de dévoiler fin octobre non seulement le prochain plan quinquennal (2021-2025) mais aussi un plan à plus long terme « Vision 2035 » pour faire face à la « confrontation » avec les États-Unis.

Dans ce contexte, tenir sur les valeurs semble être le fil rouge de la politique européenne. Solidarité, collégialité, démocratie. Invoquer une raison d’être comme colonne vertébrale, pour se différencier du duopole sino-américain. Ceci dans un monde où le multilatéralisme, au-delà de la présidence Trump qui s’achève, semble durablement grippé, du G20 à l’OMC en passant par l’ONU.

Sur le plan économique, si la relance en Europe est suspendue à un fil, c’est que deux Etats ont posé leur véto à l’adoption du budget donc du plan de relance, dont les subsides sont conditionnés au respect de l’Etat de droit. Cette condition ne semble pas acceptable pour la Hongrie et la Pologne, qui brandissent l’argument de leur souveraineté. Cela pose plusieurs questions aux 25, dont celle du poids de la souveraineté nationale face à la solidarité européenne. Et donc celle de l’unité dans la diversité.

Certes, le fait de faire cavalier seul ou de monter des alliances pour bloquer, retarder ou réorienter des avancées de l’UE n’est pas nouveau. La politique de la chaise vide du Général de Gaulle n’était pas autre chose.

Mais aujourd’hui, l’enjeu de survie de l’UE est tel que l’on imagine mal comment Pologne et Hongrie pourraient tenir une position si impopulaire dans les 25 autres pays censés bénéficier de l’urgent plan de relance.

L’Allemagne qui assure la présidence du Conseil et la Commission jouent les médiatrices et des pistes sont évoquées pour sortir de l’impasse en contournant cet obstacle, sans rien céder sur les valeurs de l’Union.

Sur le plan des projets, le Discours sur l’état de l’union parait déjà loin. Plutôt que de revenir au programme initial pré-covid, il semble que la Commission soit en train d’intégrer les évolutions nées de la crise, dans une approche résiliente.

C’est que la pandémie accélère la transition vers l’économie numérique. Le pari est que la crise accélère également la transition écologique. Par l’octroi d’un tiers du montant des subsides de la relance à des projets verts, la Commission souhaite ainsi orienter les comportements dans le sens du respect des engagements de l’UE.

 

Et pourtant elle tourne

Les avancées sectorielles sont pourtant bien réelles.

Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a présenté un « nouveau pacte européen sur la migration et l’asile ». Ce pacte est le résultat de longues négociations entre les 27 pays de l’UE où les désaccords sur la question migratoire sont nombreux. Il appartient désormais au Parlement européen et au Conseil de l’examiner afin de l’entériner.

La Commission a également salué le 10 novembre l’accord sur le prochain budget à long terme de l’Europe qui financera- une fois adopté – un train de mesures d’un montant total de 1 800 milliards €. Le plus important jamais financé par le budget de l’UE.

Du côté du Pacte vert, la Commission a présenté la stratégie de l’UE sur les énergies renouvelables en mer, proposant de porter la capacité de production éolienne en mer de l’Europe de 12 GW actuellement à 300 GW d’ici à 2050.

Les 10 et 11 décembre prochain, les dirigeants de l’UE se réuniront à Bruxelles Conseil européen pour le sommet semestriel marquant l’aboutissement de la présidence allemande. Ils débattront de la poursuite des mesures de coordination liées à la COVID-19, du changement climatique, du commerce, de la sécurité et des relations extérieures. Se tiendra également un sommet de la zone euro.

Pour ses six mois de présidence du conseil, l’Allemagne avait adopté un programme dans lequel elle avait fixé des priorités claires et ambitieuses. Ses idées fortes étaient notamment la gestion durable de la pandémie de Covid‑19 et la relance économique par l’innovation.

Le message du gouvernement allemand était sans ambiguïté : « Sortir l’Europe de la crise, telle est la tâche qui définira notre présidence » avec une ligne de conduite relativement consensuelle : « nous devons être plus solidaires vers l’intérieur et plus forts et plus souverains vers l’extérieur ».

Ceci n’est pas sans rappeler le logo choisi pour ce semestre de présidence. Il représente une boucle de Möbius, ce ruban à une seule face que l’on parcourt sans jamais changer de côté.

Avec les couleurs stylisées des drapeaux, on peut y voir le symbole d’une transition sans rupture, par une dynamique à la fois allemande et européenne, dans une continuité sans contradiction. Une autre manière d’avancer en somme, par petits pas, sous le signe des « transformations silencieuses[1] » – autrefois- chères à la Chine.

[1] François Jullien, Les transformations silencieuses, Grasset, 2009

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Le marché carbone européen : un outil de transition énergétique complexe

par Victor de Vilmorin

I- Un marché institutionnel mis en place au protocole de Kyoto

Le protocole de Kyoto de 1998 a permis de mettre en place un calendrier international de réduction des émissions de gaz à effet de serre dont 141 pays sont signataires et 37 pays sont ratifiants (principalement les pays industrialisés hors USA et les pays européens). L’objectif du protocole de Kyoto était de réduire les émissions de CO2 de 5% entre 2008 et 2012. L’Union européenne s’était engagée quant à elle à réduire, d’ici 2012, de 8% ses émissions globales par rapport à 1990.

En 2005, le marché institutionnel de quotas d’émissions est né en réponse aux exigences du protocole de Kyoto. Dans le monde, plusieurs marchés du carbone se sont développés et sont aujourd’hui régis par leurs propres règles et prix.

 

II- Le fonctionnement du marché d’échange de quotas est un marché hybride efficace

A/ Fonctionnement

Dès 2005 et via le protocole de Kyoto, le système européen d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre réunifiant les 28 pays membres européens ainsi que la Norvège, le Lichtenstein et l’Islande a vu le jour. L’Union européenne a mis en place ce marché du carbone pour mesurer, contrôler et réduire les émissions de gaz à effet de serre et constitue donc la pierre angulaire de la politique énergie climat européenne.

Ce système concerne uniquement les installations industrielles européennes des secteurs les plus polluants, soit 11 0000 installations et regroupe 45% des émissions de gaz à effet de serre européennes.  Les secteurs concernés par ce système de quotas sont la production d’électricité, les réseaux de chaleur, la fabrication d’acier, de ciment, de verre, de papier, du raffinage et depuis 2013, de l’aviation avec le mécanisme Corsia. Le système du marché de quotas d’émissions (EU-ETS) est divisé en périodes de plusieurs années, ce qui permet de réévaluer les quotas entre chaque période.

  • 1rephase de trois ans (2005-2007),
  • 2ephase de cinq ans (2008-2012),
  • 3ephase de huit ans (2013-2020),
  • 4ephase de dix ans (2021-2030).

En début d’année, un nombre de droits à polluer est attribué aux différentes installations comprises dans ce système en fonction du volume de la production de l’installation.

Pour donner une certaine flexibilité, le « banking » permettant de garder des quotas d’émissions non utilisés pour les prochaines périodes et le « borrowing » qui consiste à acheter des quotas d’émissions d’autres installations, sont autorisés. Le nombre de quotas d’émissions diminue de 1,74% par an pour inciter les installations industrielles à optimiser leur consommation énergétique. Durant la phase 4, la réduction des quotas d’émissions sera de 2,2% par an.

A titre d’illustration, suite aux calculs de distribution, une entreprise bénéficiera de 100 quotas d’émissions sur une année pour son activité de production et pourra donc polluer 100 tonnes de CO2. Si elle dépasse les quotas d’émissions, elle sera soumise à une amende de 100€/tCO2. Grâce au système du « borrowing » l’entreprise peut acheter des quotas d’émissions aux autres installations soumises au même système. Le prix est établi selon la loi de l’offre et la demande. Le prix actuel oscille entre 25 et 30€/tCO2. Si l’installation industrielle dispose de trop de quotas d’émissions, elle peut vendre ses droits à polluer ou les garder (« banking »). L’année n+1, l’entreprise ne disposera plus que de 98 quotas d’émissions. Ainsi, le mécanisme obligera l’installation à optimiser ou limiter ses émissions de gaz à effet de serre.

B/ Des résultats satisfaisants

Aujourd’hui, le marché EU-ETS est le plus grand marché carbone au monde avec plus de 75% des échanges de quotas d’émissions réalisés. En 2020, les émissions des secteurs couverts par le système seront inférieures de 21 % par rapport aux niveaux de 2005 et devraient diminuer de 40% d’ici 2030.

 

III/ Un marché complexe qui connait de nombreuses limites

La définition du nombre de quotas d’émissions sur le marché est décisive. Un nombre trop important de quotas d’émissions ne rendrait pas service à la cause écologique. Avec un signal prix bas, les infrastructures pourraient polluer de façon importante et la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’aurait pas lieu. C’est ce qu’il s’est passé en 2013, où le nombre trop important de quotas d’émissions a poussé le prix d’échange au seuil de 5€/tCO2.

A l’inverse, un nombre trop faible de quotas d’émissions pourrait faire monter les prix fortement et ferait perdre en compétitivité les entreprises par rapport aux entreprises non européennes. Cela accroîtrait la volonté de se délocaliser. Ce mécanisme appelé fuite de carbone va à l’encontre des objectifs de l’Union Européenne qui sont de mesurer, contrôler et réduire les émissions de gaz à effet de serre et fragiliserait davantage la compétitivité industrielle européenne.

La bonne répartition des quotas d’émissions entre les pays et les secteurs est également décisive pour maintenir une équité. Le lobby est alors roi pour défendre les intérêts de chacun auprès de Bruxelles.

L’ouverture sur les marchés financiers du marché EU-ETS dans le but d’apporter des liquidités a impacté fortement le marché. Les financiers espèrent voir une augmentation du prix pour un actif que devront finalement payer les industriels.

Le marché EU-ETS est un outil pertinent et efficace car les résultats sont probants avec une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 20% et permet à l’Europe de se montrer comme continent pionnier face au changement climatique. Dès lors, un système bien calibré et réactif aux signaux du marché reste fondamental pour ne pas baisser la compétitivité européenne et lutter contre les fuites carbones. La création d’une taxe carbone à l’entrée de l’Europe est-elle alors la solution ou la création d’un nouveau système complexe ?