RGPD : retours experts sur le règlement général sur la protection des données

Le 25 mai 2018, le règlement général sur la protection des données (RGPD) est entré en vigueur dans tous les pays de l’Union européenne. Nouveau cadre pour l’économie numérique, mais aussi gage de sécurité pour les consommateurs, le RGPD se met en place dans les organisations. Nous avons voulu interroger plusieurs experts sur des facettes différentes de cette législation: ses implications techniques et son impact sur la confiance dans le numérique, sa genèse parlementaire et sa portée internationale, mais aussi le rapport à la souveraineté qu’il dessine ou encore la vision industrielle qui le sous-tend. Plusieurs interviews donc, pour revenir sur un règlement qui constitue désormais la référence juridique en matière de protection des données en Europe.

L’Europe, c’est quoi ?

par Clara Petitfils

PRESENTATION GENERALE DE L’EVENEMENT :

La Consultation Citoyenne s’est déroulée le 18 octobre 2018 au lycée Lucie Aubrac de Courbevoie, de 15h30 à 17h30.

La thématique abordée était « L’Europe, c’est quoi ? ». L’évènement était organisé par Mme Christine Hennion, députée de la troisième circonscription des Hauts-de-Seine.

Les échanges ont pris place entre les lycéens et les trois intervenants présents :

1. M. Aymeric Bourdin, président du think tank Atelier Europe ;

2. Mme Christine Hennion, députée de la troisième circonscription des Hauts-de-Seine ;

3. M. Thierry Michels, député de la première circonscription du Bas-Rhin.

PRESENTATION DU DEROULE :

La Consultation s’est découpée en huit temps principaux :

1. Le mot d’accueil : assuré par les trois intervenants, soit M. Bourdin, Mme Hennion et M. Michels.

2. La présentation de l’événement : assurée par Atelier Europe. Sur ce temps, le think tank a effectué une contextualisation en introduisant l’objectif des Consultations Citoyennes.

3. La première phase de présentation : « L’Europe, c’est quoi ? ». Sur ce premier temps, Atelier Europe a opéré une présentation générale de l’Union européenne (UE) et de son processus d’intégration en soulevant les nombreux enjeux qui lui incombaient, sur dix minutes. Cette présentation restait générale, les élèves n’ayant pas encore abordé le chapitre européen dans leur programme.

4. La deuxième phase de présentation : « Le fonctionnement des institutions européennes ». Ici Mme Hennion a expliqué le triangle décisionnel européen, son fonctionnement et ses grands enjeux. Ce second temps a également duré dix minutes.

5. La troisième phase de présentation : « Le Parlement européen : rôle et pouvoir ». Sur ce dernier temps, M. Michels a présenté aux lycéens le fonctionnement de cette

institution européenne, son rôle et ses jeux de pouvoir. Ce dernier temps introductif a duré dix minutes.

6. Le temps de questions-réponses : suite aux précédentes explications, nécessaires à une mise en contexte pour ces élèves n’ayant jamais abordé les sujets européens, ce temps de débat offrait un moment d’échanges pour les lycéens.

7. Le temps des propositions : suite aux questions-réponses, les lycéens ont formulé de multiples propositions et recommandations pour le futur de l’UE.

8. Le mot de conclusion : assuré par Mme Hennion et M. Michels.

 

RESUME DES PARTICIPATIONS DES INTERVENANTS :

Cette partie propose un résumé des trois différentes interventions et essaiera surtout de se concentrer sur la réaction des lycéens, à chaque fois qu’ils sont intervenus. En effet, le but n’est pas tant de retranscrire l’histoire du processus d’intégration européen ou du fonctionnement de ses institutions, mais plutôt de capturer les impressions, interrogations et propositions des élèves.

AYMERIC BOURDIN – L’EUROPE, C’EST QUOI ?

Aymeric Bourdin a ouvert le temps d’explication avec le thème « L’Europe, c’est quoi ? ». Avant de développer son propos, il a d’abord interrogé les élèves en leur demandant : « L’Europe, c’est quoi pour vous ? ». Voici les réponses données :

§ « Un ensemble de pays. » ; § « Une union. » ; § « Des échanges. » ; § « Une monnaie commune à certain pays. » ; § « L’espace Schengen. » ; § « Un continent. » ; § « Le Parlement européen. » ; § « Une puissance mondiale. »

Après ces réponses, l’intervenant s’est attaché à expliquer l’origine du projet européen : celle d’une « organisation politique et administrative ». De fait, cette organisation a une histoire puisque dès la fin de la Premier Guerre Mondiale les Etats européens cherchent à trouver une solution aux conflits. Par exemple via le pan-européanisme proposé par Coudenhove-Kalergi. Ces volontés politiques se traduisent en échec : quelques années plus tard la Seconde Guerre Mondiale survient.

La violence des conflits successifs avec tous ses dégâts poussent les Etats européens à chercher une solution viable. Surtout, le Plan Marshall les motive à coopérer et les pères fondateurs impulseront la mise en œuvre d’une nouvelle forme d’organisation : c’est la naissance de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951. La communautarisation des deux matières premières à l’effort de guerre permet ainsi symboliquement et économiquement d’enterrer tout futur conflit.

S’en est suivi de multiples propositions d’approfondissements de ce projet européen, fructueuses ou non – tel qu’avec l’échec de la proposition d’une Communauté européenne de Défense (CED), rejetée par la France en 1954.

L’Union qu’on connaît aujourd’hui est donc le fruit d’élargissements et d’approfondissements successifs : offrant de plus en plus de circulation et liberté aux éléments la composant. Aussi bénéfique soit elle, cet espace communautaire reste cependant encore l’objet de nombreux enjeux : le Brexit, la crise de la dette souveraine ou encore le déficit démocratique.

CHRISTINE HENNION – LE FONCTIONNEMENT DES INSITUTITONS EUROPÉENNES

Christine Hennion, en sa qualité de membre de la commission des affaires européennes, a procédé à une présentation des trois principales institutions européennes, selon leur fonction.

Tout d’abord l’organe en charge de la représentativité des intérêts de l’UE, soit la Commission européenne. Cet organe compte pour l’entité administrative et exécutive. Son pouvoir principal relève de la rédaction des textes de droit secondaire (régulations, directives, décisions). À noter que la Commission prépare ces textes sur la base des impulsions données par le Conseil européen.

La Commission se compose de vingt-huit Commissaires, un par Etat membre, chacun en charge d’un portefeuille spécifique, tel que l’économie, le numérique, l’agriculture, etc.

Deuxième point abordé : la représentativité des intérêts relatifs aux Etats membres. Ici, deux institutions à mentionner : § Le Conseil européen : composé des chefs d’Etat et de Gouvernement et en charge de formuler les lignes directrices de l’UE. § Le Conseil de l’Union européenne (UE) : composé des Ministres des Etats membres affectés à l’une des dix configurations du Conseil, chacun spécialisé sur le Conseil en question. À noter qu’ici la présidence est dite « tournante » : changeant tous les six mois au sein des Etats membres. Elle est actuellement détenue pas l’Autriche.

Troisième point : la représentativité des intérêts citoyens par le Parlement européen. Cet organe se compose de sept-cent-cinquante-et-un membres, comprenant son Président, Antonio Tajani.

Sur la configuration du Parlement européen, Mme Hennion aborde alors la question du Brexit et l’enjeu laissé avec les soixante-treize sièges britanniques vacants. Devrait-on affecter certains des sièges restant à une liste transnationale ? Auquel cas, comment déterminer de l’attribution des sièges entre Etats membres ? Ou bien ces sièges devraient-ils être gardés en cas de futur(s) élargissement(s) ?

THIERRY MICHELS – LE ROLE ET POUVOIR DU PARLEMENT EUROPÉEN

Thierry Michels a enfin abordé le Parlement européen plus en détail, en sa qualité de député de la première circonscription du Bas-Rhin accueillant le siège des sessions plénières, à Strasbourg.

Faisant suite à la présentation de Mme Hennion, M. Michels approfondit la question des eurodéputés et notamment par le biais de l’importance des élections européennes. Il rappelle tout d’abord l’importance symbolique et politique de ces élections et du rôle d’eurodéputé : autrefois occupé par des députés nationaux, qui occupaient donc une double-fonction de député et d’eurodéputé, ce mandat exclut désormais tout autre mandat. De fait, un eurodéputé est uniquement dédié à ses citoyens européens. De plus, le suffrage universel direct existe depuis maintenant quarante ans.

Approfondissant ce même sujet, il présente qu’actuellement, un eurodéputé sur quatre est europhobe des suites des élections de 2014. Il insiste donc sur l’importance de penser l’impact de ce vote : les futurs élus répondant de l’avenir des textes européens et plus largement de l’avenir de la construction européenne.

Surtout, au vu du fonctionnement du Parlement européen, l’envoi d’eurodéputés antiEurope, donc de fait isolés, nuit à la formation de coalitions.

Enfin, sur le lieu du siège parlementaire M. Michels présente le débat relatif au double lieu : entre Bruxelles et Strasbourg. D’un point de vue fonctionnel, une centralisation à Bruxelles opèrerait une certaine simplification. Mais il ne faut alors pas négliger la puissance symbolique du siège strasbourgeois : symbole historique de la réconciliation franco-allemande, mais aussi propre à l’UE qui refuse la centralisation de toutes ses institutions au sein d’une seule et même ville et préférant plutôt le partage entre ses Etats membres.

RESTITUTION DE LA SEANCE DE QUESTIONS-REPONSES :

Voici la retranscription de la session de questions-réponses : questions posées par les lycéens et réponses fournies par les intervenants.

Q : Pourquoi faire des Consultations Citoyennes ?

R : Les Consultations Citoyennes répondent à un défi démocratique : une situation globale de déconnexion et d’incompréhension vis-à-vis des institutions européennes et de Bruxelles. Face à ce problème global et structurel la France a impulsé un mouvement de démocratie participative en vue de préparer les prochaines élections européennes. Il s’agit de créer des espaces de dialogues partout à travers l’UE, afin de permettre aux citoyens de s’exprimer et de proposer leurs idées sur l’Europe.

À noter que cette initiative participative n’est pas la première : d’autres formes d’expressions ont été employées par le passé, tel que le referendum de 2005 ou encore les dialogues nationaux pour l’Europe en 1997. Ces exercices participatifs ressurgissent généralement en période de relance européenne.

Q : Pouvez-vous développer sur la question des listes transnationales concernant le Parlement européen ?

R : Cette idée de liste transnationale a été suggérée par la France, mais beaucoup de questions restent en suspens. Sur sa composition : qui ? Quels pays représentés ? Question plus « logistique » aussi : quelle règle électorale ? Une bonne idée donc, mais difficile à réaliser…

Q : Les commissions du Parlement européen ont-elles un véritable rôle ?

R : Oui, au même titre que les commissions au sein de l’Assemblée Nationale, elles proposent des amendements. De plus, il faut noter que le Parlement européen a nettement augmenté ses prérogatives : il décide également du budget européen !

Q : Sur ce budget européen justement, comment expliquer qu’il est si difficile à distribuer entre Etats membres, s’il ne représente qu’1% du PNB ?

R : C’est bien parce que chacun veut obtenir sa part du gâteau ! Sur la taille du budget européen, il faut le relativiser dans la vie quotidienne : s’il ne représente qu’1% du PNB des Etats membres, il est très souvent couplé à de nombreux autres financements publics ou privés.

Q : Est-ce que l’UE a un impact sur le programme scolaire ?

R : La politique d’éducation reste une compétence étatique : il incombe à chaque Etat membre de fixer son propre programme national. Cependant, l’UE a énormément fait pour les études supérieures, notamment grâce au programme Erasmus.

Q : Avez-vous un exemple pour montrer que les pouvoirs du Parlement européen se sont renforcés.

R : Premier exemple : son pouvoir quant à l’approbation du budget puisqu’il a le pouvoir de le rejeter. Dans la pratique également : le Parlement européen propose désormais le futur président de la Commission européenne via le Spitzenkandidat, soit la tête de liste de chaque parti aux élections européennes, pressentie pour présider la Commission. Dernier exemple : les auditions des Commissaires européens.

Q : Pouvez-vous parler des projets de coopération militaire à l’échelle européenne ?

R : La question de coopération militaire est un sujet récurrent et complexe car il touche au cœur de la souveraineté des Etats membres. Ce sujet de coopération européenne est donc éminemment national.

Récemment a été impulsé la création d’un Fonds européen de défenses dédié au financement de matériel commun. Sur une autre forme de défense on peut également penser à la cybsersécurité et aux nombreuses initiatives européennes mises en œuvre pour protéger l’UE et ses Etats membres de cyber-attaques.

Q : Comment on décide à vingt-sept ? Ce n’est pas trop difficile, même impossible parfois ?

R : Décider à vingt-sept est bien évidemment beaucoup plus délicat que de se mettre d’accord à six. Il faut alors prendre en compte le mode de décision selon le sujet abordé : l’unanimité, la majorité simple, la majorité qualifiée, etc. Plus un sujet sera sensible, plus il sera décidé à l’unanimité. Il faut noter ici que le nombre de sujets votés à la majorité qualifié ne cesse d’accroître !

Q : Comment est-ce que vous expliquez le fort taux d’abstention ?

R : Déjà par le manque d’informations ! Aussi pendant très longtemps les Etats et leurs gouvernements ont eu tendance à mettre la faute sur Bruxelles, dès lors qu’ils n’obtenaient pas ce qu’ils voulaient. Lorsqu’on a l’impression que des institutions décident pour nous sans notre consentement, que l’on ne les comprend pas bien, on ne peut pas avoir de réelle prise de conscience sur l’importance de ces élections et donc on s’abstient !

Aussi et plus largement, l’abstention est un phénomène sociologique : qui survient partout, de façon de plus en plus importante et sur tout type d’élections.

Q : Moi j’aimerais que Bruxelles vote des textes qui impactent réellement, comme sur la protection de l’environnement !

R : Justement, l’Europe est très engagée sur certains sujets sensibles pour le public, comme l’environnement avec la transition énergétique. Mais le problème est que l’Europe n’est pas encore suffisamment visible pour ses actions louables.

Q : Vous estimez à combien le taux de participation aux prochaines élections ?

R : On ne peut vraiment pas savoir, le plus possible espérons !

Q : Est-ce que la comptabilisation des votes blancs réels aiderait à remonter le taux de participation ?

R : On ne peut jamais vraiment savoir, mais des études révèlent que la prise en compte des votes blancs permettraient d’augmenter de 1 à 2% le taux de participation. Cela ne compterait alors pas pour une hausse très significative.

Q : Comment vérifier qu’un pays de l’UE respecte bien ce qui lui est imposé ?

R : La Commission européenne joue le rôle de gardienne des traités, notamment grâce à ses agences. Elle peut engager des sanctions en cas de non-respect.

Q : Quelles conditions faut-il respecter pour faire partie de l’UE ?

R : Il y tout un « cahier des charge » à respecter afin de devenir un véritable membre de l’UE. Il comprend des valeurs fondamentales, des normes règlementaires, des normes de gestion, etc.

Il ne faut pas sous-estimer l’importance géostratégique d’un élargissement, notamment visà-vis des pays des Balkans, actuellement très investis par la Chine qui y finance de plus en plus les infrastructures afin d’aider au développement. L’UE a un rôle à jouer ici.

Cependant, il faut être prudent lorsqu’on parle d’élargissement : il ne faut pas que cela se fasse au détriment d’un processus d’approfondissement. On ne gère pas à vingt-huit pays, comme on gère à dix ! Il faut redéfinir les règles du jeu avant toute chose.

LISTE DES PROPOSITIONS :

Le dernier temps des échanges permettait aux élèves de faire leurs propositions sur l’UE et son avenir.

Voici la liste des propositions faites :

§ « Pour la crise migratoire, je propose qu’on prenne des solutions rapides et plus efficaces ! Actuellement les conditions dans lesquelles sont accueillis les migrants sont insuffisantes. Ça doit être une priorité dans le débat européen ! »

§ « Je pense qu’on a un problème par rapport à la citoyenneté européenne : on devrait la valoriser pour savoir réellement ce qu’elle nous apporte au quotidien. Qu’on soit fixé et qu’on sache à quoi ça sert ! »

§ « Il faut qu’on nous explique plus ce qui est fait pour les enjeux environnementaux : on ne nous le dit pas suffisamment, on ne sait pas ce qui se décide. »

§ « Je rebondis sur ce qu’a dit mon camarade : on ne s’approche pas assez de la jeunesse et c’est bien dommage car c’est eux le futur de l’Europe ! »

§ « Il faudrait interdire les politique anti-migratoires car l’échange c’est un principe européen. »

§ « Je pense qu’il faudrait que l’UE apprenne à s’individualiser, à se détacher des puissances internationales pour s’affirmer de son côté, surtout vis-à-vis des EtatsUnis. »

§ « Il faut que l’UE vote des lois plus importantes et utiles, qui ont un vrai impact sur notre quotidien ! »

Que peut faire l’Europe pour moi ?

par Clara Petitfils

COMPTE RENDU. L’Atelier Europe présente le compte-rendu de la Consultation Citoyenne que nous avons organisée et animée à l’invitation de Christine Hennion, députée des Hauts-de-Seine, le 2 octobre 2018 à Courbevoie. La thématique abordée était « Que peut faire l’Europe pour moi ? ».  Les échanges se sont articulés autour de trois associations :

1. France Terre d’Asile, représentée par M. Pierre Henry, Directeur Général ; 2. HOP – Halte à l’Obsolescence Programmée, représentée par M. Samuel Sauvage, Président ; 3. UFC-Que Choisir représentée par Mme Karine de Crescenzo, Responsable des relations institutionnelles.

Trois élus étaient également présents :

1. Mme Christine Hennion, Députée de la troisième circonscription des Hauts-de-Seine ; 2. Mme Marie-Pierre Limoge, première adjointe au Maire de Courbevoie ; 3. M. Jean Spiri, Adjoint au Maire de Courbevoie.

L’événement était organisé par le think tank Atelier Europe. Environ soixante-dix personnes étaient présentes.

Aymeric Bourdin, Président de l’Atelier Europe

BILAN DU PREMIER TEMPS D’ECHANGE :

Les huit groupes formés ont discuté pendant quinze minutes de la question « Que fait l’Europe pour moi ? ». À l’issu de ce temps d’échange chaque table a présenté, sous diverses formes (liste, petit discours, etc), ses conclusions. Voici la restitution de ces discussions.

À noter que parfois certains points peuvent se recouper. Ces possibles répétitions ont été volontairement conservées afin de souligner l’importance de certains éléments pour les citoyens.


GROUPE 1

Le premier groupe a opté pour un discours plutôt succinct, via lequel la porte-parole désignée a expliqué que les échanges avaient surtout révélé de nombreux points positifs. La table s’était accordée à dire que l’Europe et l’UE en particulier apportait beaucoup au quotidien, tel qu’une monnaie unique ou une liberté de circulation.

Cependant, la porte-parole a souligné que beaucoup de craintes avaient ensuite émané du débat : comprendre ce que l’Europe nous apporte au quotidien amènerait inéluctablement à soulever des craintes. Pour cela une recommandation a été formulée : afin d’apaiser ces craintes et réticences il conviendrait d’expliquer au citoyen, de rendre certains débats européens moins obscurs. Cela passerait par une simplification.

GROUPE 2

Le deuxième groupe a opté pour une liste de tous les avantages relatifs à la citoyenneté européenne.

Voici la liste exhaustive des points énoncés : Le programme Erasmus pour les étudiants de second cycle ; La possibilité de circuler librement au sein de l’espace Schengen sans visa ; Liée au point précédent, la détention du passeport européen ; La monnaie unique pour 19 Etats membres ; La possibilité pour un citoyen d’un autre Etat membre de l’UE résidant dans un autre état que son Etat d’origine, de participer aux élections municipales, ainsi qu’aux élections européennes ; L’homologation des diplômes universitaires, via le système commun dit des ECTS (European Credit Transfer Scale) ; La carte européenne de sécurité sociale ; L’harmonisation des coûts de communications téléphoniques (free roaming) ; Les différentes normes des objets entourant notre quotidien et qui nous défendent de la concurrence déloyale, notamment chinoise ; Le soutien apporté à l’agriculture via la Politique Agricole Commune (PAC) ; La négociation de traités commerciaux de libre échange : notable via le large choix de produits offert aux consommateurs européens ;  La communautarisation du réseau électrique ; les subventions européennes dans divers secteurs ; Le droit européen et les cours offertes aux citoyens : la Cour de justice de l’UE (CJUE) et la Cours européenne des droits de l’homme (CEDH).

GROUPE 3

Le troisième groupe a ensuite présenté les conclusions de ses échanges. Le porte-parole a expliqué que la table avait abordé la question « Que fait l’Europe pour moi ? » par rapport à un sujet d’actualité : le Brexit. Ainsi le groupe s’était plutôt demandé : « Que va perdre le Royaume-Uni ? ».

Voici la liste exhaustive des points énoncés :  Toutes les régulations relatives aux normes sanitaires, protectrices du consommateur, qui, pour eux, ont des vertus indéniables dans le quotidien ;  La politique de sécurité interne et externe communautaire, malgré l’absence d’une armée européenne ;  Un phénomène peut-être plus imperceptible, à savoir la capacité qu’a l’appartenance communautaire à niveler par le haut, notamment grâce aux nombreux échanges (aussi bien commerciaux, que plus largement de bonnes pratiques) se déroulant au sein de l’UE ;  Une politique commune de droit d’asile ; L’harmonisation du droit communautaire.

GROUPE 4

Le quatrième groupe a présenté les conclusions de ses débats sous la forme d’une liste. Voici la liste exhaustive des points énoncés :  La politique environnementale et par là la question du glyphosate : bien que l’interdiction totale de ce produit n’ait pas encore été votée, des efforts sont fait à l’échelle européenne afin d’améliorer la qualité de notre environnement ; L’Europe des chercheurs : la mobilité des chercheurs et leurs subventions par les fonds européens ; Le programme Erasmus : ici le groupe a fait une proposition. Erasmus devrait être étendu à l’apprentissage, une initiative déjà abordée par le Gouvernement français, mais qui devrait être étendue à l’échelon communautaire. La protection de nos données personnelles via le règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) ; La monnaie unique : la porte-parole a mentionné que la stabilité financière provenait de l’euro ;  La libre circulation des personnes ; L’ouverture culturelle, enfin, qui est essentielle.

GROUPE 5

Le porte-parole du groupe a abordé la restitution des échanges de son groupe avec un mot clé : l’ouverture. En effet, chaque apport de l’UE mentionné par les membres composant le groupe, faisait échos à la notion d’ouverture.
Voici la liste exhaustive des points énoncés : Le programme Erasmus ; Les politiques communautaires d’innovation industrielle, permettant la communautarisation des structures, tel que le réseau électrique. Sur ce même point, le porte-parole fait part de son expérience et émet un bémol : ancien cadre dans le secteur biologique, il affirme que son secteur a subi une restructuration trop rapide et dangereuse à sa prospérité économique. Il appelait donc à la vigilance quant à l’harmonisation règlementaire et à l’importance de prendre en compte chaque partie prenante du dit secteur économique. Une ouverture culturelle et une rupture de l’entre-soi grâce aux échanges communautaires.

GROUPE 6

Le sixième groupe a lui proposé trois éléments. Chacun était abordé sous deux angles : selon ses avantages mais aussi ses problématiques.

Voici la liste des trois points énoncés : 1. Les financements européens. Le porte-parole a souligné les bienfaits résultant des fonds européens ; permettant par exemple de financer certains chercheurs. Cependant il a également mentionné leur opacité. Le groupe appelait donc à une plus grande visibilité et une explication de ces financements européens auprès du public. 2. La libre circulation des personnes. Là aussi, cette liberté a tout d’abord été abordée selon son attractivité : permettant le déplacement des citoyens. Le revers de la médaille selon le groupe : également une plus grande liberté donnée au grand banditisme et par conséquent une plus grande difficulté pour les forces de l’ordre à le traquer. 3. La place de l’UE à l’international. Sur ce dernier point, le porte-parole a expliqué que le groupe avait discuté du potentiel avéré de notre marché commun à l’international. Cependant, le porte-parole a aussi relayé l’appel de son groupe pour que l’UE gagne en indépendance à l’international, « fasse front et fasse bloc face aux autres grandes puissances ».

Dernier point conclusif mentionné, le porte-parole mentionnait un manque de représentativité au sein de l’UE et questionnait notamment le rôle des eurodéputés.

GROUPE 7

Le septième groupe a procédé à une liste de ce que l’Europe leur apportait.
Voici la liste exhaustive des points énoncés : La puissance géostratégique de l’UE ; Les faibles coûts ainsi que la diversité des produits proposés aux consommateurs grâce à l’ouverture du marché ; La monnaie unique ; L’exemption des frais bancaires d’un pays membre à l’autre ; La paix apportée par le projet communautaire.

GROUPE 8

Le huitième et dernier groupe a eu des difficultés à dire ce que l’Europe faisait pour eux. Le porte-parole a en effet expliqué que le groupe n’était pas parvenu à mettre en relief, de façon évidente, les apports communautaires. Leurs débats s’étaient plutôt axés sur la difficulté à définir ce que l’UE représentait pour eux, donc leur difficulté à définir ce qu’elle leur apportait au jour le jour.

 

RETRANSCRIPTION DU DEUXIEME TEMPS D’ECHANGE – PRESENTATION DES ASSOCIATIONS AUPRES DU PUBLIC

Dans ce deuxième temps, chaque représentant a exposé les enjeux relatifs à leur association ainsi que leur lien et relation à l’UE et à ses institutions.


SAMUEL SAUVAGE POUR H.O.P

M. Sauvage représentait l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) créée en 2015 et fonctionnant principalement sur la base du bénévolat.

Le président de l’association a tout d’abord commencé par définir l’obsolescence programmée, soit toute stratégie visant à réduire délibérément la durée de vie d’un objet. Si cette pratique est reconnue comme un délit dans la loi française depuis 2015, ce n’est cependant pas encore le cas à l’échelle communautaire. Le Parlement européen (PE) a récemment voté un rapport appelant la Commission européenne à légiférer sur cette problématique, rien n’a cependant été initié à ce jour.

HOP a pour objectif principal de défendre le consommateur, aussi bien en France qu’au sein de l’UE. Pour ce faire, leur action de défense comporte plusieurs volets : La dénonciation, via, par exemple, le dépôt de plaintes; La sensibilisation auprès : Des citoyens ; Des entreprises. La promotion de solutions législatives afin de faciliter et d’encourager une consommation responsable, par exemple, en facilitant la réparation via un accès simplifié aux pièces détachées.

KARINE DE CRESCENZO POUR UFC-QUE CHOISIR

Mme de Crescenzo a débuté par la présentation de son association. Fondée en 1957, UFCQue Choisir est la plus ancienne association de consommateur existant en France. Depuis 1976, elle est capable d’un pouvoir d’action en justice.

L’UE, par son marché unique et ses nombreuses libertés introduites (marchandises, personnes, capitaux, services) a très vite impacté sur le consommateur : ses prix, ses choix et plus largement ses droits. De fait, en 1975 la communauté européenne met en place son premier programme pour le consommateur. Une prérogative renforcée avec le traité de Maastricht en 1992 ou plus récemment avec l’entrée en vigueur du RGPD.

Depuis 1975 et grâce à de nombreux textes législatifs, l’UE a proposé plusieurs solutions pour le consommateur, dans divers secteurs, tel que la régulation relative à l’hygiène des produits consommés. Mme de Crescenzo affirme que l’UE apporte beaucoup à notre vie de tous les jours : le seul problème étant l’application de cette législation européenne.

C’est pourquoi UFC travaille sur le respect du droit du consommateur, aussi bien à l’échelon européen que national, par exemple en essayant d’impacter la législation nationale et/ou européenne. Ici Mme de Crescenzo a expliqué la nécessité de relativiser l’activité de « lobbying » qui est nécessaire, surtout à Bruxelles où 25 000 lobbyistes sont présents pour discuter des propositions législatives avec les décideurs, afin de les orienter au mieux. Sur ce volet européen, la représentante a souligné l’importance des fédérations européennes : réunissant plusieurs groupes d’intérêt nationaux sous un même groupe européen. A ce titre, UFC-Que Choisir appartient à BEUC, le Bureau européen des unions de consommateurs.


PIERRE HENRY POUR FRANCE TERRE D’ASILE

Comme expliqué par M. Henry, le sujet traité par l’association France Terre d’Asile est plus sensible que celui abordé par les deux autres associations de consommateur. Le Président de l’association débute sa présentation en exposant le lien de l’association à l’UE : surtout par rapport aux nombreux textes encadrant le droit d’asile et impactant donc directement sur l’activité de France Terre d’Asile.

Si de nombreux textes et initiatives communautaires sont présents (accord Schengen, Eurodac, directive dite « accueil », directive dite « qualification » et directive dite « procédure »), M. Henry explique que la problématique principale reste l’application de ces textes. De fait, l’UE n’étant « jamais que la somme des Etats membres qui la composent », il importe à chacun d’entre eux de mettre en œuvre ces législations. Face à l’enjeu de la souveraineté nationale vis-à-vis des questions migratoires, les crispations nationales demeurent et le droit d’asile ne parvient pas à être harmonisé.

En effet, face aux « orgueils nationaux », à l’image de l’opposition de Matteo Salvini, Ministre de l’Intérieur italien, l’association appelle à ne pas se fermer à l’Europe, puisque la solidarité est et doit rester le cœur de notre projet communautaire. Il est donc nécessaire de faire plus d’Europe, afin de renforcer la protection : ainsi l’Europe ne doit pas opposer la frontière à la protection, la sureté de ses citoyens à celle des personnes persécutées. Les deux sont compatibles.

Jean Spiri, adjoint au Maire de Courbevoie et Directeur des études de l’Atelier Europe

BILAN DU DEUXIEME TEMPS D’ECHANGE, DIT « BRAINSTORMING » :

La phase dite de brainstorming a découpé la salle et son public en trois groupes : un pour chaque association présente. Chaque groupe était accompagné d’un membre de l’association représentée ainsi que d’un membre d’Atelier Europe, présent pour animer le débat. La discussion a duré environ trente minutes, à l’issue desquelles, un porte-parole pour chacun des groupes a restitué le fruit des débats, sous formes de propositions.

GROUPE 1 AVEC UFC-QUE CHOISIR

La porte-parole explique que le groupe était parti d’un constat : à savoir que les normes européennes en vigueur étaient suffisantes. Les échanges avaient plutôt révélé que la problématique se trouvait dans leur mise en œuvre, dans les moyens de les faire respecter par les entreprises.

Le groupe a relevé par là un deuxième problème : le défaut d’information, surtout en cas de litige individuel transfrontalier. À qui s’adresser ? Comment surmonter les barrières linguistiques ? Le débat avait révélé qu’un certain nombre d’organismes existaient et œuvraient actuellement à la défense des droits des consommateurs, mais qu’ils demeuraient trop méconnus du grand public. La porte-parole a ainsi porté une proposition claire : il faut renforcer l’information auprès du consommateur, lui expliquer ses droits et ses recours possibles auprès des organismes européens/transnationaux.

Le dernier point abordé par le groupe était celui de la gestion des données personnelles en ligne. De nombreuses inquiétudes avaient été émises quant à la possession de données par les géants du numérique (GAFAM tout particulièrement). Sur ce point le porte-parole relayait la deuxième proposition : l’Europe doit se saisir de cette place vacante, agir à vingt-sept pour contrer ces géants et légiférer encore plus sur la protection des données du consommateur.

GROUPE 2 AVEC HOP

Ce groupe de réflexion, également axé sur le droit du consommateur, a opté pour une liste de propositions.

Voici cette liste exhaustive : La France ne doit pas être le seul Etat membre de l’UE à reconnaître l’obsolescence programmée comme un délit. Cette législation française doit être étendue à l’ensemble des Etats membres. Pour ce faire, il est essentiel de créer une grille d’analyse communautaire afin de définir clairement l’obsolescence programmée. Encourager le recyclage à l’échelon européen. Le groupe propose alors deux mesures :  Mettre en place une TVA plus faible pour les services de réparation, à condition que celles-ci soient effectuées sur le territoire européen ;  Instaurer une obligation européenne d’assurance du produit avec une durée raisonnable.

FRANCE TERRE D’ASILE

Le porte-parole a également opté pour une liste de propositions, la voici : Revoir le règlement de Dublin, qui, de toute évidence, ne fonctionne pas actuellement du fait de divergences culturelles, économiques ou encore démographiques. Il faut renforcer la solidarité entre Etats membres pour parvenir à une solution et un accord viable. Ouvrir des ports d’accueil de migrants en Europe et y effectuer un travail sérieux, harmonisé. En effet, le désordre actuel, face à la question migratoire, ne pousse qu’à nourrir le populisme et l’euroscepticisme. Il faut donc créer une véritable agence en charge de la question migratoire, dotée d’un réel budget. Un nom pour cette future agence a été proposé : PROTECT. Sur cette même question budgétaire, le porte-parole a également appelé à augmenter le budget européen dédié à FRONTEX. FRONTEXT devra travailler conjointement avec PROTECT.

Demain, tous Estoniens ?

L’Estonie, une réponse européenne aux GAFA

Suite au voyage de l’Atelier Europe en Estonie à l’automne 2017, Violaine Champetier de Ribes et Jean Spiri se sont lancés dans l’écriture d’un livre sur le modèle innovant d’Etat numérique Estonien.                 Publié aux éditions 100Mille Milliards, il sort cette semaine.

Connaissez-vous le nouveau paradis administratif ? Un pays où l’administration n’a pas le droit de demander deux fois dans une vie la même information à ses citoyens, où toutes les démarches se font en ligne avec une carte d’identification unique, où en quelques minutes du fond de son canapé et de partout dans le monde, on vote, souscrit un emprunt, crée une entreprise ?

Ce pays c’est l’Estonie. Et ce que l’Estonie invente depuis vingt-cinq ans, c’est un modèle d’État nation à l’ère numérique nourrit par un écosystème de start-up, boosté par ses quatre licornes (start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars) et par son incroyable appétit pour le futur. Avec cet État plateforme transnational, l’Europe aurait-elle trouvé un modèle pour contrer le glissement de souveraineté des États vers les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ?

 

Bulgarie.eu (4/4) : 6 mois d’avancées discrètes et bilan provisoire de la présidence bulgare

Rolland Mougenot

Discrétion de diamant

Au lendemain de six mois de Présidence bulgare du Conseil de l’Union Européenne, les pundits peinent à saisir les principaux succès du semestre écoulé, tant la moisson d’annonces et de décisions a été abondante (plan de transition vers un système de Science Ouverte ; programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP) ; Cadre Européen pour un Apprentissage efficace et de qualité ; accord sur le renforcement du Système d’Information Schengen (SIS) ; proposition d’une directive relative à la distribution transfrontalière des fonds collectifs d’investissement…). La difficulté à résumer ces avancées d’un mot renvoie aussi au plan de communication adopté. 

Les ambitions digitales de la Présidence estonienne, mises en scène au Sommet numérique de Tallinn le 29 septembre 2017, avaient fait écho à un espoir de relance de l’Union par l’innovation technologique. Le président français, pris au jeu, s’était mué en héraut des succès de l’« E-Estonie » et des attentes du gouvernement de Jüri Ratas (dans l’e-administration et l’e-économie, ainsi que dans la défense et la cyber-sécurité européennes, un chantier auquel tient également Berlin). Les mesures du Conseil européen (déclaration du 6 octobre 2017 sur l’administration en ligne ; relance du « paquet commerce en ligne » après des années d’immobilisme ; déclaration 5G du 18 juillet 2017…) avaient traduit les intentions en engagements. Au passage, l’Estonie avait à la fois affermi son statut de modèle entrepreneurial, et marqué de sa patte l’agenda de l’Union.

En comparaison du clairon de la « Start-Up Nation », entonné à satiété, les messages de la Présidence de Sofia ne tintent pas aussi ardemment à nos oreilles ; à tel point que l’on peut se demander si le gouvernement de Boïko Borissov, qui se vante d’avoir agi en « courtier honnête et neutre », n’a pas péché justement par excès d’humilité et d’impartialité. Comme si le bon élève de Maastricht, revenu à l’équilibre budgétaire, avait préféré taire ses réussites et jouer au médiateur conventionné plutôt qu’à l’influenceur désinhibé. Retenue atavique d’un peuple taiseux et industrieux ? Prudence tactique d’un éternel candidat aux clubs les plus sélectifs de l’U.E. ? Dilemme stratégique d’un espace au carrefour de grands ensembles ?

A moins que la « Présidence citoyenne » de Sofia n’ait accompli précisément ce qu’elle souhaitait : orienter sans tapage ni friction l’émergence et le cours de quelques initiatives-clés lui tenant à cœur, et accompagner la progression d’autres projets initiés lors des précédentes mandatures, dans le cadre d’un agenda équilibré, sous forme d’un diamant à 4 facettes où le digital n’exclut pas les autres priorités : « United we stand strong », comme l’annonçait le slogan de la Présidence bulgare.

S’il est certainement trop tôt pour tirer un bilan définitif des avancées de ce semestre bulgare, il n’est pas interdit, en attendant que la présidence autrichienne n’atteigne pleinement sa vitesse de croisière, de songer à ce qui aurait pu advenir et à ce qui peut encore éclore.

Les transformations silencieuses de la Présidence bulgare

La Présidence bulgare a contribué au progrès de nombreux dossiers lancés ou relancés par l’Estonie, en particulier : le projet de règlement relatif à eu-LISA, l’Agence européenne pour la gestion des S.I à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dont le siège est localisé à Tallinn; le cadre européen de certification de cybersécurité des produits, services et processus des TIC ; le marché unique du stockage et de traitement des données.

En outre, à regarder de près le rapport de synthèse de la Présidence bulgare, publié mi-juillet, on note plusieurs avancées liées aux spécificités bulgares, soit que Sofia ait poussé certains projets législatifs, soit que les besoins bulgares, partagés par d’autres Etats-membres, aient inspiré le Conseil, le Parlement et la Commission.

Des accords entre le Conseil et le Parlement ont ainsi vu le jour sur plusieurs thèmes chers à Sofia. L’initiative communautaire de soutien à la recherche en informatique à haute performance, EuroHPC, franchit une étape avec l’accord entre 7 pays membres sur une mutualisation des ressources nationales et sur une dotation de 500 millions d’euros (provenant d’Horizon 2020) qui serviront en partie à se doter de 2 superordinateurs « pré-exascale », alors que l’Europe du supercomputing s’efforce de rattraper son retard sur la Chine et les Etats-Unis.

Les accords entre Présidence bulgare et Parlement sur l’optimisation du fonctionnement de l’Agence européenne de coopération judiciaire, sur la reconnaissance mutuelle des ordres de gel et de confiscation, et sur le cadre légal de la lutte anti-blanchiment, abondent dans le sens d’une consolidation de l’Etat de droit.

Sur le plan des politiques sociales, le bilan de la Présidence n’est pas aussi mince qu’attendu. A l’exception de son opposition réussie au « paquet mobilité » prévoyant que le transport routier soit assujetti aux mêmes obligations sociales que celles régissant le travail détaché depuis octobre 2017, en son nom et en celui d’autres Etats-membres (Roumanie, Espagne, Portugal…) défendant leur transport routier, les acteurs bulgares de la Présidence n’ont pas fait barrage à d’autres projets législatifs sociaux, que ce soit la régulation 883 de coordination de la Sécurité Sociale, ou la directive Equilibre de Vie au Travail.

Sur le plan géostratégique, les analystes ont fait part de leur déception suite au sommet sur les « Balkans Occidentaux », qui devait couronner cette présidence. Certes, la promesse de « Connectivité » est aussi séduisante par ses consonances technophiles et mondialistes que maigre à l’aulne des enjeux pour le continent (stabilité régionale, dynamisme économique, gestion des frontières) et pour la Bulgarie : élargissement de son cercle d’alliés, relais de croissance compensant la contraction du marché domestique). Cependant, le sommet a eu le mérite de remettre le thème à l’ordre du jour, avec à court terme de possibles projets d’infrastructure.

« Ami, n’entre pas ici sans désir »

A propos d’un fellow member-State aspirant à intégrer la zone euro et l’espace Schengen, la formule du poète est appropriée. La modestie et la prudence ont leurs limites dans une « économie de la promesse » (comme le théorise l’historien des sciences Pierre-Benoît Joly).

Il y a quelques mois, un haut-fonctionnaire bulgare déclarait publiquement, à destination de Pékin, que les fonds européens escomptés dans les prochaines années aideraient Sofia à renforcer ses axes de transports et à acheminer les produits chinois au centre de l’Europe… Si l’approfondissement de son intégration européenne vise simplement à conforter sa position de trader entre différents espaces, entre l’Europe d’une part, et la Chine, la Russie et la Turquie d’autre part, gageons que Sofia ne trouvera pas que des soutiens.

 

Aux yeux des chancelleries de l’Ouest, la Bulgarie ne peut plus se contenter d’être un innovateur au sens de la sociologie de l’économie (Granovetter, Swedberg, Zelizer), un passeur jouant des écarts de valeurs entre des sphères qu’il connecte. Les exportations bulgares (représentant 65% du PIB d’après Trading Economics, contre 30% en France) sont soutenues indirectement par les fonds européens. De ce point de vue, on pourrait dire que la politique gouvernementale bulgare relève moins d’un néo-libéralisme que d’un colbertisme subventionné par l’Europe.

 

Dans une logique de convergence, la Bulgarie est appelée à davantage co-piloter les chaînes de valeur économique et à rejoindre de toute sa tête le cœur stratégique de l’Union. L’ambition régionale de Sofia, dans une région où la Bulgarie fait figure d’exemple sur le plan économique et aussi sur le plan démocratique, s’insère dans ce qui pourrait être un plan de route viable et mutuellement bénéfique.

                Par ailleurs, il convient d’interroger l’agenda de Bruxelles vis-à-vis de la Bulgarie.

La Bulgarie, par ses défis institutionnels, par sa posture de carrefour géostratégique, interpelle l’Union de manière bien différente d’une Estonie démocratique et conquérante ayant tourné le dos au grand voisin russe.

Le mécanisme de coopération et de vérification (MCV), auquel Sofia est soumise depuis son adhésion à l’Union en 2007, aide à baliser le chemin dans trois domaines prioritaires (réforme judiciaire, lutte contre la corruption, lutte contre le crime organisé). Le dernier rapport, publié le 15 novembre 2017 rappelle l’engagement d’aide financière de 30 millions d’euros à la réforme du système judiciaire bulgare, et esquisse la possibilité d’une aide technique par des experts juridiques d’autres Etats-membres. Ainsi, la consolidation de l’Etat de droit doit être selon Bruxelles la priorité 1, 2 et 3 du gouvernement Borissov, et cette demande ne souffre pas d’ambiguïté.

 

Par-delà la convergence, les chantiers de coopération scientifique et technologique ne manquent pas. Pour un pays sommé régulièrement de ‘rattraper’ le peloton, ils représentent un changement de perspective rafraîchissant, en ligne avec l’exigence d’agilité collective et de taille critique d’une Europe de l’innovation (telle qu’énoncée notamment dans la politique industrielle de l’U.E., qui promeut le développement de clusters européens de niveau mondial, et l’appui aux projets innovants à grande échelle de nature transnationale). Alors que le retour de la jeune génération (à hauteur de 10 000 par an) et que les innovations locales (encouragées par exemple par l’agence de design thinking Generator, fondée par le serial entrepreneur Martin Zaimov et sa partenaire) signalent un changement des consciences dans la société bulgare, sa classe politique, tiraillée entre Est et Ouest, sécurité et progrès, peut s’inspirer de l’élan spatial européen et de l’agenda 2030 annoncé pendant la Présidence bulgare pour prendre de la hauteur et mettre ses désirs de changement en orbite.