Que peut faire l’Europe pour moi ?

par Clara Petitfils

COMPTE RENDU. L’Atelier Europe présente le compte-rendu de la Consultation Citoyenne que nous avons organisée et animée à l’invitation de Christine Hennion, députée des Hauts-de-Seine, le 2 octobre 2018 à Courbevoie. La thématique abordée était « Que peut faire l’Europe pour moi ? ».  Les échanges se sont articulés autour de trois associations :

1. France Terre d’Asile, représentée par M. Pierre Henry, Directeur Général ; 2. HOP – Halte à l’Obsolescence Programmée, représentée par M. Samuel Sauvage, Président ; 3. UFC-Que Choisir représentée par Mme Karine de Crescenzo, Responsable des relations institutionnelles.

Trois élus étaient également présents :

1. Mme Christine Hennion, Députée de la troisième circonscription des Hauts-de-Seine ; 2. Mme Marie-Pierre Limoge, première adjointe au Maire de Courbevoie ; 3. M. Jean Spiri, Adjoint au Maire de Courbevoie.

L’événement était organisé par le think tank Atelier Europe. Environ soixante-dix personnes étaient présentes.

Aymeric Bourdin, Président de l’Atelier Europe

BILAN DU PREMIER TEMPS D’ECHANGE :

Les huit groupes formés ont discuté pendant quinze minutes de la question « Que fait l’Europe pour moi ? ». À l’issu de ce temps d’échange chaque table a présenté, sous diverses formes (liste, petit discours, etc), ses conclusions. Voici la restitution de ces discussions.

À noter que parfois certains points peuvent se recouper. Ces possibles répétitions ont été volontairement conservées afin de souligner l’importance de certains éléments pour les citoyens.


GROUPE 1

Le premier groupe a opté pour un discours plutôt succinct, via lequel la porte-parole désignée a expliqué que les échanges avaient surtout révélé de nombreux points positifs. La table s’était accordée à dire que l’Europe et l’UE en particulier apportait beaucoup au quotidien, tel qu’une monnaie unique ou une liberté de circulation.

Cependant, la porte-parole a souligné que beaucoup de craintes avaient ensuite émané du débat : comprendre ce que l’Europe nous apporte au quotidien amènerait inéluctablement à soulever des craintes. Pour cela une recommandation a été formulée : afin d’apaiser ces craintes et réticences il conviendrait d’expliquer au citoyen, de rendre certains débats européens moins obscurs. Cela passerait par une simplification.

GROUPE 2

Le deuxième groupe a opté pour une liste de tous les avantages relatifs à la citoyenneté européenne.

Voici la liste exhaustive des points énoncés : Le programme Erasmus pour les étudiants de second cycle ; La possibilité de circuler librement au sein de l’espace Schengen sans visa ; Liée au point précédent, la détention du passeport européen ; La monnaie unique pour 19 Etats membres ; La possibilité pour un citoyen d’un autre Etat membre de l’UE résidant dans un autre état que son Etat d’origine, de participer aux élections municipales, ainsi qu’aux élections européennes ; L’homologation des diplômes universitaires, via le système commun dit des ECTS (European Credit Transfer Scale) ; La carte européenne de sécurité sociale ; L’harmonisation des coûts de communications téléphoniques (free roaming) ; Les différentes normes des objets entourant notre quotidien et qui nous défendent de la concurrence déloyale, notamment chinoise ; Le soutien apporté à l’agriculture via la Politique Agricole Commune (PAC) ; La négociation de traités commerciaux de libre échange : notable via le large choix de produits offert aux consommateurs européens ;  La communautarisation du réseau électrique ; les subventions européennes dans divers secteurs ; Le droit européen et les cours offertes aux citoyens : la Cour de justice de l’UE (CJUE) et la Cours européenne des droits de l’homme (CEDH).

GROUPE 3

Le troisième groupe a ensuite présenté les conclusions de ses échanges. Le porte-parole a expliqué que la table avait abordé la question « Que fait l’Europe pour moi ? » par rapport à un sujet d’actualité : le Brexit. Ainsi le groupe s’était plutôt demandé : « Que va perdre le Royaume-Uni ? ».

Voici la liste exhaustive des points énoncés :  Toutes les régulations relatives aux normes sanitaires, protectrices du consommateur, qui, pour eux, ont des vertus indéniables dans le quotidien ;  La politique de sécurité interne et externe communautaire, malgré l’absence d’une armée européenne ;  Un phénomène peut-être plus imperceptible, à savoir la capacité qu’a l’appartenance communautaire à niveler par le haut, notamment grâce aux nombreux échanges (aussi bien commerciaux, que plus largement de bonnes pratiques) se déroulant au sein de l’UE ;  Une politique commune de droit d’asile ; L’harmonisation du droit communautaire.

GROUPE 4

Le quatrième groupe a présenté les conclusions de ses débats sous la forme d’une liste. Voici la liste exhaustive des points énoncés :  La politique environnementale et par là la question du glyphosate : bien que l’interdiction totale de ce produit n’ait pas encore été votée, des efforts sont fait à l’échelle européenne afin d’améliorer la qualité de notre environnement ; L’Europe des chercheurs : la mobilité des chercheurs et leurs subventions par les fonds européens ; Le programme Erasmus : ici le groupe a fait une proposition. Erasmus devrait être étendu à l’apprentissage, une initiative déjà abordée par le Gouvernement français, mais qui devrait être étendue à l’échelon communautaire. La protection de nos données personnelles via le règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) ; La monnaie unique : la porte-parole a mentionné que la stabilité financière provenait de l’euro ;  La libre circulation des personnes ; L’ouverture culturelle, enfin, qui est essentielle.

GROUPE 5

Le porte-parole du groupe a abordé la restitution des échanges de son groupe avec un mot clé : l’ouverture. En effet, chaque apport de l’UE mentionné par les membres composant le groupe, faisait échos à la notion d’ouverture.
Voici la liste exhaustive des points énoncés : Le programme Erasmus ; Les politiques communautaires d’innovation industrielle, permettant la communautarisation des structures, tel que le réseau électrique. Sur ce même point, le porte-parole fait part de son expérience et émet un bémol : ancien cadre dans le secteur biologique, il affirme que son secteur a subi une restructuration trop rapide et dangereuse à sa prospérité économique. Il appelait donc à la vigilance quant à l’harmonisation règlementaire et à l’importance de prendre en compte chaque partie prenante du dit secteur économique. Une ouverture culturelle et une rupture de l’entre-soi grâce aux échanges communautaires.

GROUPE 6

Le sixième groupe a lui proposé trois éléments. Chacun était abordé sous deux angles : selon ses avantages mais aussi ses problématiques.

Voici la liste des trois points énoncés : 1. Les financements européens. Le porte-parole a souligné les bienfaits résultant des fonds européens ; permettant par exemple de financer certains chercheurs. Cependant il a également mentionné leur opacité. Le groupe appelait donc à une plus grande visibilité et une explication de ces financements européens auprès du public. 2. La libre circulation des personnes. Là aussi, cette liberté a tout d’abord été abordée selon son attractivité : permettant le déplacement des citoyens. Le revers de la médaille selon le groupe : également une plus grande liberté donnée au grand banditisme et par conséquent une plus grande difficulté pour les forces de l’ordre à le traquer. 3. La place de l’UE à l’international. Sur ce dernier point, le porte-parole a expliqué que le groupe avait discuté du potentiel avéré de notre marché commun à l’international. Cependant, le porte-parole a aussi relayé l’appel de son groupe pour que l’UE gagne en indépendance à l’international, « fasse front et fasse bloc face aux autres grandes puissances ».

Dernier point conclusif mentionné, le porte-parole mentionnait un manque de représentativité au sein de l’UE et questionnait notamment le rôle des eurodéputés.

GROUPE 7

Le septième groupe a procédé à une liste de ce que l’Europe leur apportait.
Voici la liste exhaustive des points énoncés : La puissance géostratégique de l’UE ; Les faibles coûts ainsi que la diversité des produits proposés aux consommateurs grâce à l’ouverture du marché ; La monnaie unique ; L’exemption des frais bancaires d’un pays membre à l’autre ; La paix apportée par le projet communautaire.

GROUPE 8

Le huitième et dernier groupe a eu des difficultés à dire ce que l’Europe faisait pour eux. Le porte-parole a en effet expliqué que le groupe n’était pas parvenu à mettre en relief, de façon évidente, les apports communautaires. Leurs débats s’étaient plutôt axés sur la difficulté à définir ce que l’UE représentait pour eux, donc leur difficulté à définir ce qu’elle leur apportait au jour le jour.

 

RETRANSCRIPTION DU DEUXIEME TEMPS D’ECHANGE – PRESENTATION DES ASSOCIATIONS AUPRES DU PUBLIC

Dans ce deuxième temps, chaque représentant a exposé les enjeux relatifs à leur association ainsi que leur lien et relation à l’UE et à ses institutions.


SAMUEL SAUVAGE POUR H.O.P

M. Sauvage représentait l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) créée en 2015 et fonctionnant principalement sur la base du bénévolat.

Le président de l’association a tout d’abord commencé par définir l’obsolescence programmée, soit toute stratégie visant à réduire délibérément la durée de vie d’un objet. Si cette pratique est reconnue comme un délit dans la loi française depuis 2015, ce n’est cependant pas encore le cas à l’échelle communautaire. Le Parlement européen (PE) a récemment voté un rapport appelant la Commission européenne à légiférer sur cette problématique, rien n’a cependant été initié à ce jour.

HOP a pour objectif principal de défendre le consommateur, aussi bien en France qu’au sein de l’UE. Pour ce faire, leur action de défense comporte plusieurs volets : La dénonciation, via, par exemple, le dépôt de plaintes; La sensibilisation auprès : Des citoyens ; Des entreprises. La promotion de solutions législatives afin de faciliter et d’encourager une consommation responsable, par exemple, en facilitant la réparation via un accès simplifié aux pièces détachées.

KARINE DE CRESCENZO POUR UFC-QUE CHOISIR

Mme de Crescenzo a débuté par la présentation de son association. Fondée en 1957, UFCQue Choisir est la plus ancienne association de consommateur existant en France. Depuis 1976, elle est capable d’un pouvoir d’action en justice.

L’UE, par son marché unique et ses nombreuses libertés introduites (marchandises, personnes, capitaux, services) a très vite impacté sur le consommateur : ses prix, ses choix et plus largement ses droits. De fait, en 1975 la communauté européenne met en place son premier programme pour le consommateur. Une prérogative renforcée avec le traité de Maastricht en 1992 ou plus récemment avec l’entrée en vigueur du RGPD.

Depuis 1975 et grâce à de nombreux textes législatifs, l’UE a proposé plusieurs solutions pour le consommateur, dans divers secteurs, tel que la régulation relative à l’hygiène des produits consommés. Mme de Crescenzo affirme que l’UE apporte beaucoup à notre vie de tous les jours : le seul problème étant l’application de cette législation européenne.

C’est pourquoi UFC travaille sur le respect du droit du consommateur, aussi bien à l’échelon européen que national, par exemple en essayant d’impacter la législation nationale et/ou européenne. Ici Mme de Crescenzo a expliqué la nécessité de relativiser l’activité de « lobbying » qui est nécessaire, surtout à Bruxelles où 25 000 lobbyistes sont présents pour discuter des propositions législatives avec les décideurs, afin de les orienter au mieux. Sur ce volet européen, la représentante a souligné l’importance des fédérations européennes : réunissant plusieurs groupes d’intérêt nationaux sous un même groupe européen. A ce titre, UFC-Que Choisir appartient à BEUC, le Bureau européen des unions de consommateurs.


PIERRE HENRY POUR FRANCE TERRE D’ASILE

Comme expliqué par M. Henry, le sujet traité par l’association France Terre d’Asile est plus sensible que celui abordé par les deux autres associations de consommateur. Le Président de l’association débute sa présentation en exposant le lien de l’association à l’UE : surtout par rapport aux nombreux textes encadrant le droit d’asile et impactant donc directement sur l’activité de France Terre d’Asile.

Si de nombreux textes et initiatives communautaires sont présents (accord Schengen, Eurodac, directive dite « accueil », directive dite « qualification » et directive dite « procédure »), M. Henry explique que la problématique principale reste l’application de ces textes. De fait, l’UE n’étant « jamais que la somme des Etats membres qui la composent », il importe à chacun d’entre eux de mettre en œuvre ces législations. Face à l’enjeu de la souveraineté nationale vis-à-vis des questions migratoires, les crispations nationales demeurent et le droit d’asile ne parvient pas à être harmonisé.

En effet, face aux « orgueils nationaux », à l’image de l’opposition de Matteo Salvini, Ministre de l’Intérieur italien, l’association appelle à ne pas se fermer à l’Europe, puisque la solidarité est et doit rester le cœur de notre projet communautaire. Il est donc nécessaire de faire plus d’Europe, afin de renforcer la protection : ainsi l’Europe ne doit pas opposer la frontière à la protection, la sureté de ses citoyens à celle des personnes persécutées. Les deux sont compatibles.

Jean Spiri, adjoint au Maire de Courbevoie et Directeur des études de l’Atelier Europe

BILAN DU DEUXIEME TEMPS D’ECHANGE, DIT « BRAINSTORMING » :

La phase dite de brainstorming a découpé la salle et son public en trois groupes : un pour chaque association présente. Chaque groupe était accompagné d’un membre de l’association représentée ainsi que d’un membre d’Atelier Europe, présent pour animer le débat. La discussion a duré environ trente minutes, à l’issue desquelles, un porte-parole pour chacun des groupes a restitué le fruit des débats, sous formes de propositions.

GROUPE 1 AVEC UFC-QUE CHOISIR

La porte-parole explique que le groupe était parti d’un constat : à savoir que les normes européennes en vigueur étaient suffisantes. Les échanges avaient plutôt révélé que la problématique se trouvait dans leur mise en œuvre, dans les moyens de les faire respecter par les entreprises.

Le groupe a relevé par là un deuxième problème : le défaut d’information, surtout en cas de litige individuel transfrontalier. À qui s’adresser ? Comment surmonter les barrières linguistiques ? Le débat avait révélé qu’un certain nombre d’organismes existaient et œuvraient actuellement à la défense des droits des consommateurs, mais qu’ils demeuraient trop méconnus du grand public. La porte-parole a ainsi porté une proposition claire : il faut renforcer l’information auprès du consommateur, lui expliquer ses droits et ses recours possibles auprès des organismes européens/transnationaux.

Le dernier point abordé par le groupe était celui de la gestion des données personnelles en ligne. De nombreuses inquiétudes avaient été émises quant à la possession de données par les géants du numérique (GAFAM tout particulièrement). Sur ce point le porte-parole relayait la deuxième proposition : l’Europe doit se saisir de cette place vacante, agir à vingt-sept pour contrer ces géants et légiférer encore plus sur la protection des données du consommateur.

GROUPE 2 AVEC HOP

Ce groupe de réflexion, également axé sur le droit du consommateur, a opté pour une liste de propositions.

Voici cette liste exhaustive : La France ne doit pas être le seul Etat membre de l’UE à reconnaître l’obsolescence programmée comme un délit. Cette législation française doit être étendue à l’ensemble des Etats membres. Pour ce faire, il est essentiel de créer une grille d’analyse communautaire afin de définir clairement l’obsolescence programmée. Encourager le recyclage à l’échelon européen. Le groupe propose alors deux mesures :  Mettre en place une TVA plus faible pour les services de réparation, à condition que celles-ci soient effectuées sur le territoire européen ;  Instaurer une obligation européenne d’assurance du produit avec une durée raisonnable.

FRANCE TERRE D’ASILE

Le porte-parole a également opté pour une liste de propositions, la voici : Revoir le règlement de Dublin, qui, de toute évidence, ne fonctionne pas actuellement du fait de divergences culturelles, économiques ou encore démographiques. Il faut renforcer la solidarité entre Etats membres pour parvenir à une solution et un accord viable. Ouvrir des ports d’accueil de migrants en Europe et y effectuer un travail sérieux, harmonisé. En effet, le désordre actuel, face à la question migratoire, ne pousse qu’à nourrir le populisme et l’euroscepticisme. Il faut donc créer une véritable agence en charge de la question migratoire, dotée d’un réel budget. Un nom pour cette future agence a été proposé : PROTECT. Sur cette même question budgétaire, le porte-parole a également appelé à augmenter le budget européen dédié à FRONTEX. FRONTEXT devra travailler conjointement avec PROTECT.

Demain, tous Estoniens ?

L’Estonie, une réponse européenne aux GAFA

Suite au voyage de l’Atelier Europe en Estonie à l’automne 2017, Violaine Champetier de Ribes et Jean Spiri se sont lancés dans l’écriture d’un livre sur le modèle innovant d’Etat numérique Estonien.                 Publié aux éditions 100Mille Milliards, il sort cette semaine.

Connaissez-vous le nouveau paradis administratif ? Un pays où l’administration n’a pas le droit de demander deux fois dans une vie la même information à ses citoyens, où toutes les démarches se font en ligne avec une carte d’identification unique, où en quelques minutes du fond de son canapé et de partout dans le monde, on vote, souscrit un emprunt, crée une entreprise ?

Ce pays c’est l’Estonie. Et ce que l’Estonie invente depuis vingt-cinq ans, c’est un modèle d’État nation à l’ère numérique nourrit par un écosystème de start-up, boosté par ses quatre licornes (start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars) et par son incroyable appétit pour le futur. Avec cet État plateforme transnational, l’Europe aurait-elle trouvé un modèle pour contrer le glissement de souveraineté des États vers les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ?

 

Bulgarie.eu (4/4) : 6 mois d’avancées discrètes et bilan provisoire de la présidence bulgare

Rolland Mougenot

Discrétion de diamant

Au lendemain de six mois de Présidence bulgare du Conseil de l’Union Européenne, les pundits peinent à saisir les principaux succès du semestre écoulé, tant la moisson d’annonces et de décisions a été abondante (plan de transition vers un système de Science Ouverte ; programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP) ; Cadre Européen pour un Apprentissage efficace et de qualité ; accord sur le renforcement du Système d’Information Schengen (SIS) ; proposition d’une directive relative à la distribution transfrontalière des fonds collectifs d’investissement…). La difficulté à résumer ces avancées d’un mot renvoie aussi au plan de communication adopté. 

Les ambitions digitales de la Présidence estonienne, mises en scène au Sommet numérique de Tallinn le 29 septembre 2017, avaient fait écho à un espoir de relance de l’Union par l’innovation technologique. Le président français, pris au jeu, s’était mué en héraut des succès de l’« E-Estonie » et des attentes du gouvernement de Jüri Ratas (dans l’e-administration et l’e-économie, ainsi que dans la défense et la cyber-sécurité européennes, un chantier auquel tient également Berlin). Les mesures du Conseil européen (déclaration du 6 octobre 2017 sur l’administration en ligne ; relance du « paquet commerce en ligne » après des années d’immobilisme ; déclaration 5G du 18 juillet 2017…) avaient traduit les intentions en engagements. Au passage, l’Estonie avait à la fois affermi son statut de modèle entrepreneurial, et marqué de sa patte l’agenda de l’Union.

En comparaison du clairon de la « Start-Up Nation », entonné à satiété, les messages de la Présidence de Sofia ne tintent pas aussi ardemment à nos oreilles ; à tel point que l’on peut se demander si le gouvernement de Boïko Borissov, qui se vante d’avoir agi en « courtier honnête et neutre », n’a pas péché justement par excès d’humilité et d’impartialité. Comme si le bon élève de Maastricht, revenu à l’équilibre budgétaire, avait préféré taire ses réussites et jouer au médiateur conventionné plutôt qu’à l’influenceur désinhibé. Retenue atavique d’un peuple taiseux et industrieux ? Prudence tactique d’un éternel candidat aux clubs les plus sélectifs de l’U.E. ? Dilemme stratégique d’un espace au carrefour de grands ensembles ?

A moins que la « Présidence citoyenne » de Sofia n’ait accompli précisément ce qu’elle souhaitait : orienter sans tapage ni friction l’émergence et le cours de quelques initiatives-clés lui tenant à cœur, et accompagner la progression d’autres projets initiés lors des précédentes mandatures, dans le cadre d’un agenda équilibré, sous forme d’un diamant à 4 facettes où le digital n’exclut pas les autres priorités : « United we stand strong », comme l’annonçait le slogan de la Présidence bulgare.

S’il est certainement trop tôt pour tirer un bilan définitif des avancées de ce semestre bulgare, il n’est pas interdit, en attendant que la présidence autrichienne n’atteigne pleinement sa vitesse de croisière, de songer à ce qui aurait pu advenir et à ce qui peut encore éclore.

Les transformations silencieuses de la Présidence bulgare

La Présidence bulgare a contribué au progrès de nombreux dossiers lancés ou relancés par l’Estonie, en particulier : le projet de règlement relatif à eu-LISA, l’Agence européenne pour la gestion des S.I à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dont le siège est localisé à Tallinn; le cadre européen de certification de cybersécurité des produits, services et processus des TIC ; le marché unique du stockage et de traitement des données.

En outre, à regarder de près le rapport de synthèse de la Présidence bulgare, publié mi-juillet, on note plusieurs avancées liées aux spécificités bulgares, soit que Sofia ait poussé certains projets législatifs, soit que les besoins bulgares, partagés par d’autres Etats-membres, aient inspiré le Conseil, le Parlement et la Commission.

Des accords entre le Conseil et le Parlement ont ainsi vu le jour sur plusieurs thèmes chers à Sofia. L’initiative communautaire de soutien à la recherche en informatique à haute performance, EuroHPC, franchit une étape avec l’accord entre 7 pays membres sur une mutualisation des ressources nationales et sur une dotation de 500 millions d’euros (provenant d’Horizon 2020) qui serviront en partie à se doter de 2 superordinateurs « pré-exascale », alors que l’Europe du supercomputing s’efforce de rattraper son retard sur la Chine et les Etats-Unis.

Les accords entre Présidence bulgare et Parlement sur l’optimisation du fonctionnement de l’Agence européenne de coopération judiciaire, sur la reconnaissance mutuelle des ordres de gel et de confiscation, et sur le cadre légal de la lutte anti-blanchiment, abondent dans le sens d’une consolidation de l’Etat de droit.

Sur le plan des politiques sociales, le bilan de la Présidence n’est pas aussi mince qu’attendu. A l’exception de son opposition réussie au « paquet mobilité » prévoyant que le transport routier soit assujetti aux mêmes obligations sociales que celles régissant le travail détaché depuis octobre 2017, en son nom et en celui d’autres Etats-membres (Roumanie, Espagne, Portugal…) défendant leur transport routier, les acteurs bulgares de la Présidence n’ont pas fait barrage à d’autres projets législatifs sociaux, que ce soit la régulation 883 de coordination de la Sécurité Sociale, ou la directive Equilibre de Vie au Travail.

Sur le plan géostratégique, les analystes ont fait part de leur déception suite au sommet sur les « Balkans Occidentaux », qui devait couronner cette présidence. Certes, la promesse de « Connectivité » est aussi séduisante par ses consonances technophiles et mondialistes que maigre à l’aulne des enjeux pour le continent (stabilité régionale, dynamisme économique, gestion des frontières) et pour la Bulgarie : élargissement de son cercle d’alliés, relais de croissance compensant la contraction du marché domestique). Cependant, le sommet a eu le mérite de remettre le thème à l’ordre du jour, avec à court terme de possibles projets d’infrastructure.

« Ami, n’entre pas ici sans désir »

A propos d’un fellow member-State aspirant à intégrer la zone euro et l’espace Schengen, la formule du poète est appropriée. La modestie et la prudence ont leurs limites dans une « économie de la promesse » (comme le théorise l’historien des sciences Pierre-Benoît Joly).

Il y a quelques mois, un haut-fonctionnaire bulgare déclarait publiquement, à destination de Pékin, que les fonds européens escomptés dans les prochaines années aideraient Sofia à renforcer ses axes de transports et à acheminer les produits chinois au centre de l’Europe… Si l’approfondissement de son intégration européenne vise simplement à conforter sa position de trader entre différents espaces, entre l’Europe d’une part, et la Chine, la Russie et la Turquie d’autre part, gageons que Sofia ne trouvera pas que des soutiens.

 

Aux yeux des chancelleries de l’Ouest, la Bulgarie ne peut plus se contenter d’être un innovateur au sens de la sociologie de l’économie (Granovetter, Swedberg, Zelizer), un passeur jouant des écarts de valeurs entre des sphères qu’il connecte. Les exportations bulgares (représentant 65% du PIB d’après Trading Economics, contre 30% en France) sont soutenues indirectement par les fonds européens. De ce point de vue, on pourrait dire que la politique gouvernementale bulgare relève moins d’un néo-libéralisme que d’un colbertisme subventionné par l’Europe.

 

Dans une logique de convergence, la Bulgarie est appelée à davantage co-piloter les chaînes de valeur économique et à rejoindre de toute sa tête le cœur stratégique de l’Union. L’ambition régionale de Sofia, dans une région où la Bulgarie fait figure d’exemple sur le plan économique et aussi sur le plan démocratique, s’insère dans ce qui pourrait être un plan de route viable et mutuellement bénéfique.

                Par ailleurs, il convient d’interroger l’agenda de Bruxelles vis-à-vis de la Bulgarie.

La Bulgarie, par ses défis institutionnels, par sa posture de carrefour géostratégique, interpelle l’Union de manière bien différente d’une Estonie démocratique et conquérante ayant tourné le dos au grand voisin russe.

Le mécanisme de coopération et de vérification (MCV), auquel Sofia est soumise depuis son adhésion à l’Union en 2007, aide à baliser le chemin dans trois domaines prioritaires (réforme judiciaire, lutte contre la corruption, lutte contre le crime organisé). Le dernier rapport, publié le 15 novembre 2017 rappelle l’engagement d’aide financière de 30 millions d’euros à la réforme du système judiciaire bulgare, et esquisse la possibilité d’une aide technique par des experts juridiques d’autres Etats-membres. Ainsi, la consolidation de l’Etat de droit doit être selon Bruxelles la priorité 1, 2 et 3 du gouvernement Borissov, et cette demande ne souffre pas d’ambiguïté.

 

Par-delà la convergence, les chantiers de coopération scientifique et technologique ne manquent pas. Pour un pays sommé régulièrement de ‘rattraper’ le peloton, ils représentent un changement de perspective rafraîchissant, en ligne avec l’exigence d’agilité collective et de taille critique d’une Europe de l’innovation (telle qu’énoncée notamment dans la politique industrielle de l’U.E., qui promeut le développement de clusters européens de niveau mondial, et l’appui aux projets innovants à grande échelle de nature transnationale). Alors que le retour de la jeune génération (à hauteur de 10 000 par an) et que les innovations locales (encouragées par exemple par l’agence de design thinking Generator, fondée par le serial entrepreneur Martin Zaimov et sa partenaire) signalent un changement des consciences dans la société bulgare, sa classe politique, tiraillée entre Est et Ouest, sécurité et progrès, peut s’inspirer de l’élan spatial européen et de l’agenda 2030 annoncé pendant la Présidence bulgare pour prendre de la hauteur et mettre ses désirs de changement en orbite.

Bulgarie.eu (3/4): L’arbre digital et la forêt

Rolland Mougenot

Dans ce deuxième article consacré à la Bulgarie et à la présidence bulgare de l’U.E., nous souhaitons rappeler le contexte des progrès digitaux bulgares : celui d’un pays traversant depuis 30 ans des mutations profondes et indéterminées, et celui d’une Europe concurrencée.

De nombreux défis (démographiques, démocratiques, juridiques, géopolitiques et identitaires), ainsi que les réticences des gouvernants bulgares à s’éloigner du modèle low cost qui a servi d’aiguillon depuis l’indépendance, pèsent sur le développement du secteur bulgare des nouvelles technologies ainsi que sur sa capacité d’entraînement économique et sociale. De ce point de vue, la Bulgarie n’est pas un cas isolé, mais un cas extrême illustrant l’encastrement du digital dans les structures socioéconomiques et la nécessité d’avancer de pair dans une pluralité de domaines connexes au numérique stricto sensu.

New economy et old economy

Au cours des trois dernières décennies, new economy et old economy bulgares ont cheminé de concert. En ceci la Bulgarie n’est pas une exception, à s’en référer à la politique industrielle de l’U.E. (approuvée en mars par le Conseil) qui reconnaît l’industrie comme pilier de l’innovation, de la croissance et de l’emploi.

Les secteurs traditionnellement importants de l’économie bulgare, tels les transports et l’industrie automobile, ont fourni une solide base de clients et de partenaires aux start-ups locales (par exemple Dronamics qui conçoit des drones à usage logistique, ou RobCo SWAT qui fournit des systèmes de robotisation aux constructeurs et équipementiers automobiles), comme aux grandes entreprises technologiques plus établies (ainsi la croissance de Dalkia en Bulgarie est tirée par l’expansion de l’immobilier de bureau).

Et réciproquement, par la mobilisation de ses solutions et de sa main d’œuvre hautement qualifiée, le secteur informatique a propagé la révolution digitale dans les autres secteurs, et a ainsi conforté la croissance annuelle nationale, estimée à près de 4% en 2016 et en 2017 (source : Commission Européenne). Ces apports ont permis en particulier à l’industrie légère bulgare de demeurer compétitive après l’effondrement du bloc soviétique (contrairement à de nombreux pans de l’industrie lourde, plus durement affectée par le resserrement chronique des liquidités).

Aussi, la tech bulgare n’est pas invulnérable aux menaces (instabilité règlementaire, contraction démographique, inflation des salaires des cols dorés…) qui affectent toute l’économie, même si ces turbulences, et les départs de quelques grandes entreprises étrangères dans les secteurs de l’agro-alimentaire (Danone), de la distribution (Carrefour), de l’énergie (E-On) ou de la téléphonie (Telenor), n’ont à court terme ralenti ni le foisonnement des unités privées de R&D, ni l’explosion du capital-risque et du capital-investissement, ni l’effervescence entrepreneuriale qui règne à Sofia (en particulier dans le Sud de la ville, entre le Sofia Tech Park, la Telerik Académie et l’ancienne usine de confection d’uniformes militaires où Puzl coworking héberge sur 3 étages des dizaines de start-ups et de freelancers) ainsi que dans d’autres grandes villes sur tout le territoire (Plovdiv, Bourgas, Varna…).

Terrain de jeu international, jungle géostratégique

Alors que le pays joue sa partition dans le concert mondial, il serait artificiel de considérer le pôle entrepreneurial et technologique bulgare sans ses interfaces avec une myriade de partenaires étrangers, privés et publics, qui irriguent et orientent le développement technologique bulgare.

De manière générale, les entreprises bulgares, vieilles et nouvelles, ont mobilisé une aptitude commune à la coopération avec des groupes étrangers en pole position dans leurs branches, attirés par un vivier d’ingénieurs et de techniciens d’excellence et à bas coûts, et par les conditions fiscales et sociales attrayantes.

De nombreux investisseurs étrangers ont misé sur des entreprises et des projets bulgares. Qu’il s’agisse d’investisseurs occidentaux, comme l’américain Progress, un leader dans les progiciels, qui en 2014 – dans ce qui constitue sans doute le plus bel exit bulgare – rachète Telerik, une ‘mini-licorne’ bulgare des applications de développement crée en 2002, pour plus de 260 millions de dollars.

Ou plus récemment d’investisseurs chinois, tels le géant des télécoms ZTE associé à un groupe immobilier chinois dans un projet de smart city près de Sofia, d’un montant de près de 750 millions d’euros financés dans le cadre de l’initiative Belt and Road.

Ces appétits chinois donnent à réfléchir, notamment pour des raisons industrielles : « Sans organisation du travail en Europe plus efficace et coordonnée qu’aujourd’hui, les Chinois gagnent à tous les coups […] et depuis leur rachat du 2ème aéroport du pays ils disposent d’une base solide d’acheminement » nous glisse un avocat d’affaires de Sofia dans la langue de Molière. Mais les velléités de Zhongnanhai interpellent également pour d’autres raisons de nature géostratégique et idéologique : si l’Union souhaite se prémunir contre la diffusion d’une approche transactionnelle ‘à la chinoise’ des affaires internationales et de son cortège de coutumes opaques (qui n’ont pas attendu les grands travaux chinois, ni en Bulgarie ni ailleurs, cf. infra), à contresens des valeurs démocratiques européennes et des idéaux de la classe entrepreneuriale, elle doit continuer à rappeler la ligne rouge.

L’épreuve de l’Etat de droit

Il serait d’autant plus naïf de résumer la Bulgarie à une carte postale schumpétérienne idéalisée, que les défis institutionnels et démocratiques y sont régulièrement pointés du doigt par la presse et l’U.E.

Le 8 janvier, alors que le gouvernement Borissov venait à peine de prendre les rênes du Conseil de l’U.E., le meurtre en plein jour à Sofia de Petar Hristov, un magnat de l’immobilier et du tourisme proche du GERB (le parti de droite au pouvoir), a rappelé aux observateurs les années sombres où prévalaient les liens entre hommes d’affaires, politiciens, et crime organisée.

Au-delà de ce fait divers, les manquements à l’Etat de droit persistent de manière diffuse et protéiforme.

D’après le dernier rapport de du Centre d’études démocratiques à Sofia,  1.3 million d’individus, soit plus d’un adulte sur 5 dans le pays, auraient pris part à une transaction caractérisée par de la corruption, par exemple en recevant ou en payant un pot-de-vin. Le pays détient toujours la palme de la corruption dans l’Union d’après l’index 2017 (mesurant les perceptions) de Transparency International (au 71ème rang mondial à égalité avec l’Afrique du Sud, derrière la Hongrie, 66ème, la Roumanie, 59ème, la France, 23ème, et l’Allemagne, 12ème).

Le niveau de corruption serait tel que des experts comme Ognian Shentov, président du Centre d’études démocratiques, préfèrent parler de « captation d’Etat ». Dans un café en face du Palais National de la Culture qui a accueilli, après avoir été rénové l’an dernier, la plupart des événements de la Présidence bulgare, une sociologue dénonce le statu quo en trompe-l’œil : « Alors qu’en Roumanie il y a eu des procès, la captation étatique est encore vivace en Bulgarie. Même si, quand une banque [KTB] est volée jusqu’à la banqueroute, ou que l’eau d’un barrage disparaît, la factualité n’est plus crédible ». Un top-manager français nous révèle à son tour son expérience  de la captation publique : « Dans d’autres pays, il y a des cadeaux pour obtenir un mandat, mais après l’entreprise fournit le service. Ici, l’entreprise ne fournit pas toujours le service; par exemple la neige n’est pas ramassée en hiver par le prestataire mandaté ».

Un dirigeant d’une filiale française à Sofia évoque un autre coup de canif au contrat social (et incidemment à la libre concurrence). « Dans un certain nombre d’entreprises bulgares, une partie du salaire est payée sous la table. Nous, les entreprises étrangères, on paie le salaire officiel, rien que le salaire officiel, tout le salaire officiel, y compris, dans leur entièreté, les avantages sociaux ouvrant droit à la sécurité sociale et à la retraite ».

Toute honte bue, le boom entrepreneurial et technologique du pays pourrait servir de contrefeu. Reconnaissons toutefois que ce risque médiatique ne s’est pas encore matérialisé : si les élites politiques et économiques semblent ne pas avoir pris la mesure des lacunes béantes de l’Etat de droit et de leurs effets délétères, elles ne paraissent pas vouloir tirer profit médiatique des réussites entrepreneuriales et technologiques. Ainsi, le gouvernement joue plutôt la carte de la modestie, par exemple au forum de Google à Sofia en mai dernier où le premier ministre a insisté sur l’importance de réduire la fuite des cerveaux bulgares (dans un pays qui a perdu plus de 20% de sa population en vingt ans, et dont partent 30 000 personnes encore chaque année, essentiellement des étudiants et jeunes diplômés).

Cette posture lucide et volontaire sera précieuse dans les réformes à entreprendre pour concilier durablement révolution digitale d’une part et croissance et développement social d’autre part. A ces conditions – fiabilisation de l’Etat de droit, alignement sur les intérêts des démocraties en Europe et au-delà, redistribution des fruits de la croissance et amélioration des conditions de travail et de reconnaissance – la course technologique bulgare s’accompagnera d’un progrès économique et social pérenne.

A défaut, les savoir-faire bulgares pourraient devenir un jour les vestiges d’un temps révolu, où la Bulgarie disposait, après des siècles de domination étrangère, d’une maîtrise de son destin.

Bulgarie.eu: la résistible ascension d’un compagnon de cordée

Dans quelle contrée étirée sur les rivages de la mer Noire l’éditeur allemand de logiciels SAP a-t-il implanté son centre mondial de R&D en Java? Dans quel pays membre de l’U.E., Melexis, le fabricant belge de micro-processeurs, compte-t-il  doubler sa surface de production ?

La Bulgarie est un pays qui gagne à être mieux connu sous nos cieux. Parce que son économie est dynamique et fortement connectée aux économies des pays de l’Ouest européen. Parce que Sofia, avant de passer le relais à Vienne avant l’été, avait tenu pendant 6 mois la barre du Conseil de l’Union Européenne. Et enfin parce que le pays dans son écrasante majorité aspire à rejoindre la zone euro et l’espace Schengen.

Les 4 priorités de la Présidence bulgare du Conseil de l’U.E. au 1er semestre 2018

(Crédits : site de la Présidence bulgare) 

Force est de constater que la nation chevauchant sur les t(h)races du Cavalier de Madara ne manque pas de panache dans le parcours d’embûches qu’elle franchit allègrement depuis deux siècles.

Au lendemain de sa première indépendance en 1878, la Bulgarie ouvre grand ses portes à la modernité, à ses sciences et à ses investisseurs, et connaît un décollage économique et un développement urbain auxquels la glaciation soviétique – tempérée par des encouragements à l’entreprise privée – ne met pas un terme définitif.

Dès les années 60, une compétence digitale émerge aux environs de Sofia, fruit d’initiatives semi-privées et d’une indéniable compétence de hacking. Leader du marché informatique en U.R.S.S., la Bulgarie numérique rayonne très tôt au-delà de la ligne Stettin-Trieste.

Après sa seconde indépendance en 1990, le rattrapage se poursuit et s’étend à d’autres secteurs de pointe (aéronautique, énergétique, pharmaceutique…) et à l’industrie légère (textile, électrique, électroménager…), à la faveur de conditions avantageuses pour les entreprises étrangères et locales : fiscalité attractive avec une « flat tax » à 10% (sur les bénéfices et les revenus), absence de syndicats, foncier bon marché, accès à une électricité et à un gaz naturel parmi les moins chers d’Europe.

Le 1er janvier 2007, la Bulgarie, qui avait fait acte de candidature dès 1995, accède à l’Union Européenne.

C’est dans ce contexte de changements rapides, amples et indéterminés, et dans le cadre de la présidence bulgare du Conseil de l’U.E. au premier semestre 2018, qu’une dizaine de membres de l’Atelier Europe ont rendu visite en mai dernier à un échantillon de leaders politiques, économiques et universitaires.

A l’issue de ce voyage d’études, ressort de manière saillante l’étendue de notre solidarité de destins avec ce pays pas si lointain, ainsi que le caractère réversible de son intégration au cœur stratégique de l’Union.

Les trois articles de notre dossier spécial « Bulgarie », à paraître prochainement sur ce site, étayent ces deux éléments-clés de notre rapport d’étonnement, et proposent quelques axes de réflexion et d’extrapolation au-delà du cas bulgare, un ‘cas extrême’ (au sens statistique) sur bien des plans, illustrant la situation de nombreux autres Etats membres.

Rolland Mougenot, Isa Schultz, Aymeric Bourdin, Audrey Gentilucci