Un dimanche en Europe

Les commentaires critiques sur l’Europe font florès en cette période électorale et même les candidats pro européens se font discrets sur les mérites de l’Union. A tort ou à raison, il est de bon ton d’accabler l’Union coupable de tous les maux, à commencer par la crise. Bref, l’anti européisme, comme petit livre de méthode du démagogue appliqué.

Pourtant, l’attrait de l’Europe demeure réel. En ces temps difficiles, les bonnes nouvelles ne sont pas légions mais il semble que les médias se concentrent sur les manifestations négatives et beaucoup moins sur les bonnes nouvelles. Ainsi, dimanche 22 janvier 2012, aux deux extrémités de l’Europe, des peuples ont marqué, à leur façon, leur attachement à l’Europe. Dans l’indifférence générale ou presque. En Croatie, 67% des suffrages exprimés furent en faveur de l’adhésion à l’UE. Pas mal pour une UE qui n’attire plus, dit-on. En Finlande, le parti nationaliste des Vrais Finlandais a été laminé à l’élection présidentielle. Le candidat européiste l’a emporté avec un score d’environ 37%, soit environ le double de son challenger immédiat et le deuxième tour verra s’affronter deux candidats pro européens. Et ce dans un pays membre de la zone euro et dont on disait que les citoyens refusaient la solidarité européenne.

De la même façon, en France, c’est entendu, les citoyens seraient de plus en plus europhobes. Aucun sondage ne l’a démontré et les électeurs tendent à favoriser les candidats pro européens. Toutefois, le traumatisme, justifié, du référendum constitutionnel de 2005, dont nous ne reviendrons pas ici sur les tenants très complexes,  a abouti à une interprétation abusive sur l’absence d’appétence européenne. Ce n’est pas l’Union qui fut et qui est rejetée, c’est le sentiment de ne pas être représenté, écouté et finalement de ne pas percevoir la finalité de l’ensemble. Bref, la nécessité d’introduire du politique et ce n’est pas en repliant l’Europe sur des Etats aux capacités limitées que nous retrouverons des marges d’action. Du reste, les fossoyeurs du projet politique européen, tel l’éternel apprenti président, Laurent Fabius, n’ont jamais réussi à s’imposer autrement que par des fulgurances médiatiques.

Certes, ces résultats électoraux flatteurs pour l’Union ne changent en rien la nécessité de sa réforme en profondeur. Les citoyens européens veulent une autre Europe, plus représentative et plus offensive dans un monde incertain et volatil. Mais, en creux, au-delà des déclarations tonitruantes de politiques en mal d’audience, il faut saluer ces citoyens européens qui conservent leur sang froid malgré la vague de repli sur soi sur fond de réactions émotionnelles. Dans leur sagesse apparaît un message d’espoir, l’idée que l’hyper médiatisation, et la frénésie qui en découle, n’ont pas atteint ce principe selon lequel il n’y a de politique pérenne que dans le rassemblement. Oui, un beau dimanche au milieu de l’hiver; comme une envie d’Europe.

JC

L’Europe en 2012: droit dans nos bottes, tout droit dans le mur!

L’énième sommet européen de la dernière chance, du 9 décembre 2011, qui a permis de jeter les bases du futur traité budgétaire aura certes apporté une clarification mais il laisse un sentiment d’inachevé, sinon d’impuissance, pour qui a quelque ambition pour notre Union.

La clarification, c’est le positionnement, enfin, clair du Royaume-Uni. Le fond n’est pas surprenant, il était évident que les Tories s’excluraient d’eux-mêmes de tout approfondissement (cf leur programme de gouvernement). La manière est toutefois plus étrange. On attendait d’un Premier ministre britannique, nation reine de l’entre-deux et des subtilités diplomatiques, une recherche d’alliances auprès des gouvernements eurosceptiques afin de circonscrire ledit traité budgétaire aux États membres de la zone euro. Contre toute logique politique, soit éviter l’esseulement, Dave le conquérant est arrivé à Bruxelles en fanfaronnant comme un coq et dans un état d’esprit de « bulldog », selon son mot, la référence à Winston Churchill étant grossière mais décidément, des ceux côtés de la Manche, il semble que l’héritage se limite à la symbolique, fût-elle animalière. Par ailleurs, il faut saluer la fermeté des Européens, à commencer par l’Allemagne et la France, qui n’ont pas cédé face au « tout ou rien » britannique.
De fait, David Cameron n’a pas négocié en Premier ministre mais en chef de parti; il a tenu à la lettre la ligne dure qui flatte tant sa base europhobe. C’est une double faute, au regard des intérêts de son pays, et de ses entreprises quand 40% des exportations du Royaume sont destinées à l’UE, mais aussi politique puisqu’il a mis un peu plus en danger sa coalition avec les européistes LibDems, furieux d’avoir été ignorés et finalement marris. Au jeu du bilan, il apparaît que le loose cannon de Westminster soit tout simplement maître dans la catégorie guère disputée mais fort relevée des losers.

Toutefois, les hypothèques non levées par le projet de traité budgétaire sont pléthores. Au plan juridique, le traité va poser de nombreuses difficultés, y compris en terme d’organisation institutionnelle. On risque de créer une nouvelle usine à gaz et la mise en œuvre laborieuse du service d’action extérieure devrait nous alerter quant aux limites des créations institutionnelles originales et en l’espèce hybrides, entre le communautaire et l’intergouvernemental. Surtout, le retour de la comédie du processus de ratification fait craindre le pire en termes de mise en œuvre rapide des mesures décidées.

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Un nouveau traité pour quoi faire?

Quand le juridisme masque vainement l’absence de projet politique

La proposition franco allemande, notamment discutée lundi 5 décembre et soumise au Conseil européen vendredi 9 décembre, d’un nouveau traité a reçu un accueil mitigé. Il y a ceux, toujours les mêmes, qui poussent des cris d’orfraie sur la rengaine du les casques à pointe sont de retour, halte-là à la domination allemande. C’est aussi pour ne plus les entendre que nous avions bâti l’UE mais leur haine dégoulinante a le mérite de nous alerter sur ce qui nous attend en cas d’échec. Il conviendrait également de rappeler à ceux-là l’émouvant discours du Ministre des affaires étrangères polonais, Radosław Sikorski, déclarant que son pays n’a plus peur d’une Allemagne active en Europe mais au contraire de son désengagement.

Il y a ceux qui considèrent que l’urgence est à convaincre les Allemands de la nécessité d’une intervention plus vigoureuse de la BCE et à terme de la mise en place d’eurobonds et que par conséquent  il faut accepter toute proposition allemande s’agissant d’un système introduisant plus de discipline et surtout de contrôle. Cela est bel et bon mais, dans le cadre actuel, cela ne pourrait que produire un renforcement de la perception technocratique de l’UE et le remède risque donc de tuer le malade, à terme. En effet, qui acceptera que les budgets nationaux soient encadrés par de simples règles juridiques avec un mécanisme de sanction équivalent au régime commum du droit européen (Alain Lamassoure rappelait avec raison que même dans un système fédéral intégré comme les Etats-Unis un tel système ne serait pas acceptable pour les Etats fédérés)? Conçoit-on un tel système pérenne dans un climat de tensions sociale et politique qui s’annonce?

Il y a ceux enfin qui considèrent qu’un Traité n’est pas tenable car cela reviendrait à s’engager dans un processus long et aléatoire. Beaucoup de ceux-là sont échaudés par l’expérience malheureuse du Traité constitutionnel et ils ne goûtent guère cette redite. Par ailleurs, l’idée d’un Traité à 17 apparaît comme, au mieux, une gageure, au pis comme une  dangereuse légèreté au regard du risque pour l’équilibre institutionnel d’ensemble; dans tous les cas, cela témoigne d’une méconnaissance crasse du fait européen. Il est bien plus probable, à court terme, que nous utilisions les traités existant pour  introduire plus de discipline et de contrôle budgétaire. C’est le sens de la proposition de Herman Van Rompuy ou de Valéry Giscard d’Estaing qui appelle à utiliser à plein les coopérations renforcées.

Quelle que soit la position considérée, il est inquiétant de constater l’absence d’idées, mise à part la créativité de quelques virtuoses de l’aménagement technique, discipline fort confidentielle, il est vrai.  Chacun s’accorde à critiquer le manque de clarté, d’incarnation et tout simplement de contenu politique de l’Union et que propose-t-on? Un nouveau traité! Une telle constance dans l’erreur, reconnaissons-le, tient du génie burlesque.

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Tous les « PIIGS » ne sont pas la Grèce: les marchés doivent faire preuve de discernement

Depuis que la Grèce ne se finance plus sur les marchés mais via les prêts accordés par l’UE ou le FMI, les marchés ont du se choisir de nouvelles cibles et parient désormais sur des défauts italien, espagnol, belge, voire même français. Les agences de notation suivent le mouvement (bien plus qu’elles ne l’anticipent ou l’entraînent) et dégradent, avertissent, s’inquiètent…amplifiant les hausses de taux d’intérêt sur les obligations souveraines de ces pays.

Il serait injuste et improductif de rendre les marchés responsables des difficultés de financement des États. Qui voudrait confier ses économies à des pays dispendieux, incapables de présenter des budgets équilibrés, et qui gèrent leurs finances publiques dans des logiques diamétralement opposées à celle d’un « bon père de famille »? On ne rappellera jamais assez que les premiers responsables de ces difficultés sont les Etats eux-mêmes: personne ne les a obligés à s’endetter.

Dès lors, pourquoi blâmer les « marchés » (un raccourci facile qui décrit un ensemble complexe d’opérateurs, du hedge fund au fonds souverain en passant par le détenteur de parts dans un fonds de pension, soucieux de son bas de laine)? Parce qu’ils ne jouent pas leur rôle comme ils le devraient et manquent de discernement en considérant qu’un « PIIGS » en vaut un autre, et qu’au sein de cette zone euro décidemment bien compliquée, à part l’Allemagne, il n’y a guère que des petits États somme toute assez peu sérieux.

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