Présidence espagnole – Rencontre avec Luis Cuesta, secrétaire général de la politique de Défense et conseiller diplomatique du Ministre de la Défense espagnole

Espagne2010-Logo Dans le cadre du voyage d’étude semestriel de l’Atelier Europe dans la capitale tournante de l’Union, Thomas Mimra, Jérôme Cloarec et François Vaute ont rencontré Luis Cuesta, secrétaire général de la politique de Défense et conseiller diplomatique du Ministre de la Défense espagnol, dans son magnifique bureau notamment décoré, détail saisissant, d'une immense carte du monde américano centrée.

Depuis le bureau de son ministère, ce haut responsable européen nous a fait l’honneur de nous recevoir pour parler (dans un excellent français) de la situation actuelle et de l’avenir de la Défense européenne. Nous avons donc eu l’occasion d’échanger nos points de vue sur:

  • L’application du Traité de Lisbonne et ses implications pour nos Armées européennes;
  • L’évolution de l’intégration des armées européennes au sein de l’OTAN et/ou de l’UE;
  • Les problèmes des budgets nationaux générés par la crise financière;
  • L’avenir de l’industrie militaire en Europe avec l’exemple du projet symbolique de l’A400M;
  • La position de l’Espagne sur la dissuasion nucléaire;
  • Les partenariats stratégiques de l’Espagne en Amérique latine et en Méditerranée.



Le Secrétaire général a affirmé son attachement à la PCSD (Politique Commune de Sécurité et de Défense) et nous a expliqué les prochaines avancées. Pour l’Espagne, la Défense européenne dans le cadre des accords « Berlin + », devrait être plus forte, plus apte et plus efficace.

Sous la Présidence espagnole, les trois priorités dans les domaines de la PCSD sont:

  • le niveau institutionnel avec l’application du Traité de Lisbonne
  • la consolidation de l’approche globale en temps de crise (Opérations Althéa Bosnie, Atalanta pirates, …)
  • le renforcement des capacités avec des « Battle groups » plus opérationnels, des coopérations structurées renforcées, le renouvellement des « Headline goal », un QG …

Avec la ratification du traité de Lisbonne et le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, que notre interlocuteur a salué à l'instar de nombreux responsables militaires européens, l'Europe de la Défense se trouve à un tournant de sa construction. Alors que l’UE s’interroge et l’OTAN s’inquiète, l’Europe puissance défendue par la France est partagée en partie par l’Espagne.

De gauche à droite: Thomas Mimra, Jérôme Cloarec, Luis Cuesta et François VauteCertes, les instruments actuels ont une portée limitée et leur progression est plus lente que nous pourrions l'espérer. Les missions et opérations de la PCSD favorisent toutefois le partage d'expériences opérationnelles et une convergence des besoins entre forces armées. Dans la logique des CSP (Coopération structurée permanente) défendues par la présidence espagnole, une dynamique bi- ou trilatérale pourrait constituer le catalyseur d'une dynamique plus large d'approfondissement de la construction de l'Europe de la Défense. De même, le Parlement européen gagne de nouvelles compétences. Sa maîtrise du budget de l’Union renforce indirectement sa position dans le domaine de la Politique commune de sécurité et de défense (PCSD, remplaçante de la PESD).
Enfin le Conseil de l'Union a ouvert la voie à une mutualisation des efforts en promouvant les synergies entre la défense et le civil, en particulier en adoptant en novembre 2009 un "Cadre européen de coopération" dans le domaine de la R&D.

Avec la crise, les finances publiques des pays européens suscitent des questions sur la capacité d’investissements militaires dans l’Union européenne. La contrainte des ressources budgétaires rend difficile les efforts nécessaires de transformation des outils de défense et de rééquipement des forces armées.

Après les Suédois, les Espagnols poursuivent le renforcement de la BIDTE (Base Industrielle et technologique de Défense Européenne). Cette démarche est en effet cruciale pour l’avenir stratégique de la Défense européenne. La BIDTE peut se définir comme la somme des bases et des capacités nationales. Or le cumul des budgets européens de Défense représente à peine le tiers de celui des Américains. De plus, la BIDTE souffre d’une fragmentation et d’une duplication des programmes, ainsi qu’un manque d’interopérabilité. Cette situation très couteuse va rendre les politiques de coordination indispensables.

L’exemple du sauvetage réussi du projet de l’A400M d’Airbus Military dont l’usine de montage se situera à Séville a été abordé. Nous saluons l’implication de l’Espagne sur ce dossier.
Pour rappel, les sept États concernés par ce projet dont la France et l’Espagne, lors de la réunion informelle des Ministres de la défense de l’UE à Palma de Majorque le 25 février 2010, ont annoncé leur accord de principe sur le partage des surcoûts.
Cet avion militaire est en effet d’une grande importance pour l’Europe tant sur le point technologique que symbolique. Il devrait rentrer en service dans nos armées courant 2012.

Les Espagnols comptent aussi renforcer la présence et l’influence de l’UE sur la scène internationale. Le processus de paix au Moyen-Orient et les conflits en Afrique sont au cœur des attentions de leur Présidence.
Lourdement touchés par les problèmes de terrorisme, les Espagnols attachent un intérêt particulier à la mise en œuvre de la stratégie de l’Union européenne contre ce problème ainsi que sur les questions de non-prolifération.
L’implication et l’aide de la France dans la lutte contre le terrorisme basque a été soulignée. Comme nous l’avons vu avec le tremblement de terre en Haïti, la présidence espagnole renforce les compétences de gestion, de planification et de conduite des opérations de l’Union en période de crise.
Elle souhaite aussi conforter les relations avec l’OTAN et améliorer la coopération institutionnelle avec l’ONU sur les dossiers concernant l’Afghanistan, la Birmanie ou le nucléaire iranien.
S’agissant de la piraterie au large de la Somalie ou de la pression croissante de l’immigration clandestine, l’Espagne compte sur une forte cohérence des politiques communautaires et une grande solidarité entre les membres de l’UE et l’UPM dont la Turquie.

Depuis près de 60 ans, l'idée d'une défense européenne commune est au cœur des aspirations des pères fondateurs de l'Europe. L’Espagne avec le CGMFP « Cuartel general del mando de fuerzas pesadas » basé à Burgos est une des nations européennes présente dans l'Eurocorps.
Suite à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, M. Luis Cuesta, que nous remercions pour son chaleureux accueil, s’inscrit comme nous dans la dynamique d’une Armée européenne plus intégrée.

François Vaute

Pour approfondir:
Interview de Franco Frattini, Ministre des Affaires étrangères italien – Figaro, 8 avril 2010
Présidence espagnole 2010: priorités intéressantes pour la défense… – Bruxelles2, 2 décembre 2009
Rapport d'information du Sénat sur les perspectives de la PESD de la présidence espagnole – Sénat, 25 février 2010
Chronologie de l'Europe de la Défense – Documentation française,
Le corps européen (Eurocorps) – Ministère de la Défense

Lire également:
Présidence espagnole – Rencontre avec José María Aznar
Présidence espagnole – Rencontre avec Augustin Santos, Directeur de cabinet du Ministre des Affaires étrangères espagnol
Présidence espagnole – Rencontre avec Jacques Huchet – Chef adjoint de la Représentation de la Commission européenne à Madrid
Présidence
espagnole – Rencontre avec Bruno Delaye, Ambassadeur de France en
Espagne, et François Bonet, premier conseiller