Concurrence et numérique en Europe : Google bien seul

European Commission - Directorate General for CompetitionAprès plus de quatre ans d’enquête, et quelques mois de mise en suspens suite au changement de Commissaire, la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (« COMP » pour les intimes) a finalement adressé le 15 avril une notification de griefs à Google. Cela marque l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre du géant américain de l’Internet. Les griefs adressés à Google, fondés sur les articles 101 (ententes) et 102 (abus de position dominante) du Traité UE, sont essentiellement de deux natures :

  • favoriser, dans les pages « recherche », son comparateur de prix (« Google Shopping ») au détriment des autres qui auraient une pertinence plus grande ;
  • obliger ses clients à utiliser des applications (« Apps bundling ») Google, notamment en matière de services mobile en relation avec le système ouvert Androïd.

Ces comportements pourraient exclure des concurrents du marché et ainsi pénaliser les consommateurs en termes de prix et de services. Il faut rappeler que la position dominante n’est pas illégale en soi, que seul son abus l’est et que les entreprises comme Google (autour de 90% de parts de marché dans la plupart des États membres) ont des obligations particulières en la matière, soit l’interdiction de toutes pratiques (exclusivité, prix de dumping, etc.) pouvant concourir à l’exclusion de concurrents).

L’ouverture d’une telle procédure ne vaut pas condamnation, nous en sommes à un stage préliminaire et Google dispose de plusieurs semaines pour répondre (selon une pratique courante, dix semaines à compter de la notification). La position est courageuse, audacieuse diront certains, alors que l’équivalent américain, la FTC, a conclu son enquête par l’absence d’infraction aux règles de concurrence. Pourtant, c’est un geste fort de la nouvelle Commission, plus de dix ans après le cas Microsoft. Elle rappelle ainsi que la politique de concurrence est le contraire de sa caricature en France, prétendument une dérégulation à outrance, qu’elle est un formidable instrument pour assurer le pluralisme et la protection des petites entreprises contre la tendance à la concentration des marchés. C’est un objectif économique mais aussi politique quand des entreprises prennent un pouvoir excessif qui n’est pas seulement de marché.

Par contraste, le cas Google vient rappeler la faiblesse de nos entreprises dans le domaine du numérique. Certains observateurs américains y vont vu le dépit d’Européens mauvais joueurs voulant punir un fleuron américain. « Nous étions du mauvais côté de l’histoire » déclarait ainsi au Financial Times (édition du 18/04/2015) un proche du dossier.

Peut-être, nous Français et Européens, pourrions-nous y voir la volonté de l’UE d’assurer un cadre réglementaire qui permettrait aussi à de jeunes pousses européennes de se développer et d’atteindre la taille critique. Cette procédure de concurrence est aussi une invitation pressante faite aux États, celle d’appuyer la volonté de la Commission de parachever le marché unique du numérique, priorité de la mandature à laquelle les États doivent apporter une réponse forte en ne cédant pas aux lobbies de toutes sortes qui encouragent le maintien de barrières intra européennes. C’est à ce prix que demain, peut-être, des entreprises européennes viendront concurrencer Google et les autres géants du numérique, limitant alors, par le simple jeu des forces de marché, l’appétit du dominant.

JC

Déclaration…d’amour

Immigrants à LampedusaIl en va des déclarations historiques comme des classiques que nous chérissons, il faut revenir au texte. Au détour d’une flânerie de mai, on y lit « L’Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l’une de ses tâches essentielles: le développement du continent africain ». D’une terrible actualité, cette phrase de Robert Schuman incarne l’esprit de l’Europe que nous fédérons, toujours moins il est vrai.

Hier et aujourd’hui, notre intégration répond à une urgence, celle de bâtir des ponts entre les peuples pour construire un avenir prospère et pacifique. Mais cette exigence n’est pas une incantation, elle décrit ce qu’est l’engagement européen en soi, non pas un postulat moral mais une démarche graduelle dont l’accomplissement même serait moral, au sens d’un devoir pour nous-même et pour autrui.

Les Hommes meurent toujours aux portes de l’Europe. Il y a la guerre en Ukraine et il y a cette infamie des migrants qui viennent s’échouer avec leur embarcation de fortune. S’il faut formuler un vœu en ce jour de célébration, c’est bien que nous cessions ce jeu malsain des envolées culpabilisantes sur l’Europe, et finalement sur nous-mêmes, quand l’horreur apparaît à la lumière, pour mieux ensuite nous exonérer de toute action. En attendant la prochaine onde sordide. Prenons garde à ne pas nous perdre, l’Europe c’est tout le contraire, c’est accepter notre part de responsabilité, non pour nous flageller gratuitement mais bien pour agir collectivement et prendre ainsi la mesure de ce qui nous unit, cette civilisation que nous avons aussi construit par l’échange avec l’autre rivage.

Joyeuse fête de l’Europe à tous !

Jérôme Cloarec
Président de l’Atelier Europe

 

Photo: Vito Manzari

Présentation des projets collectifs 2015 d’étudiants en Master à Sciences Po

1024px-Entree_scpoLe jour des élections générales britanniques & un an après l’annexion de la Crimée, venez parler d’Europe !

Dans le cadre de leur projet collectif, deux groupes d’étudiants en Master à Sciences Po, en partenariat avec l’Atelier Europe, ont le plaisir de vous convier à une conférence au cours de laquelle ils délivreront les fruits de leurs travaux et de leurs réflexions.
Celle-ci se tiendra le jeudi 7 mai 2015 à 17h dans les locaux de Sciences Po au 56 rue des Saints Pères salle B404.

Dans un premier temps, un groupe d’étudiants présentera son étude intitulée « Le Royaume (dés) -Uni et l’Union européenne » puis le deuxième groupe d’étudiants vous partagera le fruit de ses travaux sur « L’Ukraine, révélateur de l’efficacité européenne? ».

À la suite de la conférence vous pourrez échanger avec les étudiants ainsi qu’avec Thomas Mimra et Quentin Perret, les membres d’Atelier Europe ayant supervisé ces projets collectifs.

Pour vous inscrire, merci d’envoyer un mail à l’adresse suivante: contact@atelier-europe.eu

Image: Wikicommons

Voyage d’études à Riga

Logo Lettonie 2015L’Atelier Europe se rendra en voyage d’études à Riga du 22 au 26 avril, à l’occasion de la Présidence lettone du Conseil de l’UE. Ce déplacement s’inscrit dans la continuité d’une tournée des capitales européennes initiée lors de la présidence tchèque, et qui a perduré depuis.

L’Atelier Europe effectuera son treizième voyage d’études !

Ces déplacements sont l’occasion de rencontrer les gouvernements, acteurs institutionnels et de la société civile (personnalités académiques, journalistes etc…), et nous permettent de mieux comprendre les priorités de chaque présidence, leur mise en œuvre et la carte mentale de l’Europe de nos partenaires.

Programme des rencontres :

Andris Piebalgs
Conseiller affaires européennes et économiques auprès du Président de la République
Ancien Commissaire européen à l’énergie puis au développement

Janis Sārts
Secrétaire d’Etat
Ministère de la défense

Artis Pabriks
Député européen (PPE)
Ancien ministre des affaires étrangères & de la défense

Atis Lejiņš
Député du parti Unity (libéral-conservateur)
Fondateur du Latvian Institute of International Affairs

Deborah Miller
Conseillère aux affaires politiques et stratégiques
Ambassade des États-Unis en Lettonie

Miroslav Mitrofanov
Co-Président de la Latvian Russian Union
Vice-Président de la EU Russian-speakers Alliance

Morten Hansen
Professeur d’économie à la Stockholm School of Economics in Riga (SSE Riga)

Retrouvez prochainement le compte-rendu du voyage d’études sur notre site, et suivez-nous in situ avec Facebook & Twitter.

L’interminable crise grecque ou la nécessité d’une transgression

Greek & EU flagsL’élection d’un premier ministre d’extrême gauche, Alexis Tsipras, a jeté du sel sur les relations tendues entre la Grèce et l’Union. Ce pays sort d’une période extrêmement difficile où il a perdu près de 30% de sa richesse nationale en 5 ans. Mais pour l’Union, la Grèce est aussi le miroir des insuffisances de notre gouvernance. On s’est aperçu non seulement que l’économie locale n’était pas viable mais surtout que cet État a pu pendant 30 ans être membre de l’UE alors qu’il n’était pas un État au sens moderne: fonctionnement clientéliste, ministères organisant un État dans l’État, rentrée de l’impôt aléatoire, corruption, outils administratifs désuets (tel le fameux cadastre inexistant) etc. Un immense travail de réforme a été effectué mais il n’est pas certain que la Grèce puisse le finaliser et relancer son économie dans le cadre de la zone euro, peut-être avons-nous atteint les limites de l’acceptable pour la population grecque. Et ce que ne semblait pas avoir mesuré M. Tsipras, c’est que la lassitude est immense aussi du côté des autres membres de l’Eurogroupe (Cf réaction virulente de l’Espagne). Continuer la lecture de « L’interminable crise grecque ou la nécessité d’une transgression »