L’UE, révélatrice de notre rapport ambigu au risque

Beaucoup a déjà été dit et écrit sur l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’UE, actuellement en cours de négociation. S’il fallait résumer les critiques, on pourrait dire que les contempteurs de cet accord craignent que les normes européennes s’alignent sur les normes américaines, supposées moins protectrices du consommateur, et ceci du fait de la pression du lobbying des grands groupes industriels.

Il ne s’agit pas ici de discuter de l’éventuel bien-fondé d’une telle critique, mais de relever un paradoxe dans l’attitude française à cet égard.

On (le Front National, les souverainistes de tous bords, et plus généralement tous ceux qui s’attaquent à l’Union européenne, la réduisant pour ce faire aux « technocrates de Bruxelles ») nous explique régulièrement que l’Europe est un carcan, qui se mêle de tout et n’importe quoi, quitte pour cela à employer la caricature et 4413713162_f598c8038c_zl’approximation, lorsque l’on mentionne la taille des concombres et celle des cuvettes de toilettes.

La critique n’est pas illégitime : dans une économie de marché, il est parfaitement logique de s’inquiéter de l’intervention étatique (ou européenne) lorsque la protection que celle-ci apporte aux consommateurs entrave en même temps le développement des entreprises.

Mais il y a un certain aveuglement à vouloir le beurre (la protection absolue des consommateurs) et l’argent du beurre (l’absence de réglementation à cet effet, car mécaniquement source de complexité).
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L’Europe, de l’Atlantique à l’Oural…vraiment ?

En France, le totem gaulliste ne perd rien de son sacré. Les formules du Général font toujours mouche, notamment chez ceux qui s’appuient sur elles pour justifier une certaine fascination de la Russie poutinienne. « L’Europe : de l’Atlantique à l’Oural »… c’est de Gaulle qui l’a dit ! Acceptons les écarts de conduite de notre frère turbulent, l’essentiel est ailleurs. Le conflit séparatiste en Ukraine et l’aveu de faiblesse incarné par la trêve obtenue par les accords de Minsk révèlent cette approche.

Et pourtant, en relisant les Mémoires de guerre du Général de Gaulle, on y sent une philosophie bien différente des simplifications coutumières. Continuer la lecture de « L’Europe, de l’Atlantique à l’Oural…vraiment ? »

Négocier à tous vents

TISALe 10 mars dernier, l’UE rendait public, sur internet, le mandat de négociation commerciale donné à la Commission en 2013 sur l’accord dit TISA (Trade in services agreement), grande négociation multilatérale sur les services actuellement en cours avec 22 autres pays. C’est la deuxième fois qu’on dévoile ainsi un mandat, après celui du mandat TTIP en décembre. Etrange phénomène, non?

Certes, cette mise en transparence tente de répondre à une préoccupation ancienne: est-il légitime que des démocraties négocient en secret? La pression des ONG a été si forte, la contestation de la négociation euro-américaine si gênante, que la Commission a préféré demander au Conseil l’autorisation de dévoiler ses instructions, pour faire taire les critiques et répondre à ce besoin de transparence de certains. Continuer la lecture de « Négocier à tous vents »

Riga ou la détente russe

Après la Lituanie, la Lettonie est le deuxième pays balte à prendre la Présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Pour ce « petit » pays de 2,2 millions d’habitants, entré l’année dernière dans la zone euro, cette Présidence est aussi l’occasion de se faire mieux connaître sur la scène européenne. Logo Lettonie 2015Depuis son indépendance en 1991, la Lettonie est passée par toutes les phases économiques: reconstruction, libéralisation, boom (avec des taux de croissance supérieurs à 10 % dans les années 2000), dépression et rigueur. Aujourd’hui, dans une Europe toujours malade de son chômage de masse et de sa croissance poussive, le pays arbore fièrement ses 4 % de croissance. Riga, surprenante par son architecture, est une ville dynamique qui a plutôt bien digéré son passé soviétique dans l’expression de son bâti, sans en oublier son imposante et difficile histoire, comme en témoignent le musée des Occupations ou l’ancien siège du KGB. La métropole germano-balte retrouve depuis son indépendance un peu de son atmosphère et de son style d’avant-guerre. Riga fut la principale ville de l’espace baltique oriental, intégré au cours du 18è siècle à l’empire des Tsars. C’est dans cette ville qui abrite le plus grand nombre de bâtiments de style Art Nouveau d’Europe (plus de 800), dont les façades typiques ont été classées en 1997 par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité, que l’Atelier Europe a séjourné pour ce 13è voyage d’études.

Le souffle de l’esprit marchand de la Hanse comme régulateur de la crise

Riga était devenue au 19è siècle une métropole industrielle d’avant-garde et un grand port qui rivalisait avec Odessa. Encore aujourd’hui le port paraît presque trop grand dans un pays trop petit. Telle Vienne l’impériale dans ses frontières étriquées. Riga a contribué à véhiculer en Russie cet esprit marchand typique des villes de la ligue hanséatique, ainsi que les idées de progrès social et de libéralisme économique. C’est encore sur ce créneau-là que cette étonnante capitale balte se positionne. Rappelons que Laimdota Straujumala Première ministre lettone, vice-présidente de la Commission européenne, est chargée de l’Euro et du Dialogue social. « Une Europe compétitive, une Europe numérique, une Europe engagée« : voilà le slogan de la Présidence lettone, en ligne avec la priorité donnée par la Commission au Marché unique du numérique. Sur le volet compétitivité, la Lettonie est crédible et peut se vanter de sa propre expérience. Ses politiques de réformes structurelles et d’investissement mises en place pour stimuler l’emploi ont donné de bons résultats. La rapidité de la reprise économique a contrasté avec la violence de l’effondrement en 2008, période pendant laquelle le chômage des hommes est passé brutalement de 6 à 25 % (notamment en raison de leur forte représentation dans le secteur de construction qui s’est arrêté net). Autre conséquence iconoclaste de cette crise: la Lettonie, bien que ne produisant pas de voitures, est devenue brièvement exportatrice d’automobiles. Il fallait bien écouler les stocks des invendus et des saisies. Le pays est encore à 6 points de son niveau d’avant la crise, mais la Lettonie fait figure aujourd’hui de « bon élève » de l’Europe avec un taux de croissance de 4 %, un déficit public faible de 1,3 % du PIB et une dette publique d’environ 38 % du PIB en 2014. Mais pour en arriver là, il a fallu passer par de douloureux sacrifices et la consolidation a été brutale (en terme de baisse des dépenses publiques notamment, le RMI local s’élevant à 60 euros, la baisse de revenus pour les salariés pouvant aller jusqu’à 80 %, etc.) pour une population qui est restée malgré tout stoïque. Cette acceptation sociale et cette forte résilience ont permis la reconduction du gouvernement meneur de réformes, et ainsi la mise en place de politiques sur le long terme. La dévaluation de la monnaie locale, le lats, a été d’emblée écartée (toucher à la monnaie aurait envoyé un mauvais signal avant l’entrée dans l’euro), pour se concentrer sur la compétitivité. La thérapie de choc a montré la grande flexibilité de l’économie lettone, qui s’est réorientée vers les exportations, agricoles notamment. Dans son agenda européen, la Lettonie mise aussi beaucoup sur le numérique comme moteur de croissance durable.

Stoïcisme face aux réformes pour certains, mais pour d’autres, la non-acceptation sociale de la rigueur, ou tout simplement l’impossibilité de trouver un travail décemment rémunéré, les a conduit à l’émigration. Environ 10 % des Lettons ont émigré au moment de cette crise, notamment en Grande-Bretagne et au Canada, et cette fuite des cerveaux et de la main d’œuvre pose un problème persistant au pays.
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Projets 2015 d’étudiants en Master à Sciences Po Paris

Lunette_ScPoDepuis 2009, l’Atelier Europe accompagne les étudiants en Master à Sciences Po Paris dans la réalisation de leurs projets collectifs.
Les sujets proposés chaque année s’inscrivent dans le débat politique européen, et permettent aux étudiants de mener une réflexion de fond en équipe, de la confronter avec des experts institutionnels, académiques et du secteur privé.

Les productions ont été présentées lors d’une soirée à Sciences Po organisée le 7 mai dernier, puis publiées sur les sites web de l’IEP de Paris & de l’Atelier Europe, afin de valoriser le travail accompli et apporter la contribution des étudiants au débat européen.
Nous les félicitons pour le travail accompli, et remercions l’équipe de Sciences Po pour ce partenariat fécond.

Pour cette année universitaire marquée par référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, les élections générales britanniques & le conflit dans l’est de l’Ukraine, deux sujets ont été retenus.

« Le Royaume (dés)-Uni et l’Union européenne »

Marie Agard, Pierre-Yves Angles, Manon Bouché, Irini Hajiroussou, Charles Hart et Christiane Van Ophem ont produit une note analytique, à partir du constat suivant.

Depuis les origines de la construction européenne, le Royaume-Uni s’interroge sur sa place en Europe. Ce questionnement prend aujourd’hui un tour décisif : la victoire, aux dernières élections européennes, du parti Ukip, prônant la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, et la promesse du Premier ministre britannique, David Cameron, d’organiser en 2017 un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’UE, font désormais entrevoir la perspective d’une sortie.

L’Angleterre est-elle définitivement décidée à sortir de l’Union européenne ? Ou reste-t-il une possibilité de voir les nations britanniques, unifiées ou séparément, demeurer dans l’UE ?

Télécharger le projet en anglais peut être lue ici.
Télécharger le résumé en français du projet ici.
Le deuxième sujet d’études a porté sur la thématique suivante :

« L’Ukraine, révélateur de l’efficacité européenne ? »

Tayana Augrand, Melody Defforge, Vera Lamprecht, Nino Pruidze et Augustin Roncin ont réalisé leur étude à partir de cette problématique.

Depuis la chute de l’URSS, l’Ukraine est un pays clé de la politique européenne de voisinage. Par le Partenariat oriental, l’UE et certains pays de l’ancien bloc soviétique ont cherché à renforcer l’ancrage occidental de l’Ukraine. Cette volonté s’est traduite par un projet d’accord de libre-échange, que l’Ukraine a finalement renoncé à signer en novembre 2013, en faveur de son voisin russe.

Ce revirement a déclenché d’importantes manifestations pro-européennes en Ukraine ainsi qu’un jeu d’influence entre Etats-Unis, UE et Russie sur l’échiquier ukrainien.

Première grande crise à la frontière de l’Europe depuis la création du SEAE, l’Ukraine est un révélateur des capacités et des limites de l’action de l’UE.

Les étudiants ont analysé le rôle de l’UE dans cette crise d’un point de vue diplomatique, et étudié plus largement la capacité de l’UE à mener une politique d’alliance stratégique (économique, industrielle, militaire, influence…) au travers du cas ukrainien.

Télécharger le projet en anglais ici.

À la suite de la conférence les étudiants, les participants à la conférence ainsi que les membres de l’Atelier Europe se sont retrouvés autour d’un cocktail, afin de prolonger le débat.

 

Image: Wiki Commons